Josky Kiambukuta, le crooner de l’OK Jazz
Josky Kiambukuta, le crooner de l’OK Jazz
Pour rendre hommage au grand chanteur que fut Josky Kiambukuta Londa, nous avons auditionné plusieurs de ses vidéos pour avoir une idée sur l’homme et sur l’artiste. Aussi pour éviter des redites, nous avions voulu écrire sur certains faits caractéristiques dont certains sont passés inaperçus comme par exemple l’origine de ses pseudonymes qui ont toujours suscité la curiosité des mélomanes. Découvrons le chanteur, compositeur et interprète Josky Kiambukuta à travers son propre récit.
De la guitare au micro
Né à Ngombe-Matadi dans le Kongo-Central le 14 février 1949, Joseph-Augustin Kiambukuta grandit à Kinshasa dans la commune de Barumbu au quartier Bruxelles devenu plus tard Santa Cuba. Très jeune, il s’intéresse à la musique et veut devenir guitariste. Il s’acharne dans l’apprentissage de l’instrument mais ne réussit pas à le maîtriser. Cet échec ne le décourage pas. Il a l’ambition de faire la musique sa profession. Etant son propre parolier, il griffonne ses propres textes sur lesquels il colle une mélodie. Josky est devenu chanteur.
Itinéraire musical
Kiambukuta comme tout artiste en herbe débute sa carrière dans une petite formation musicale. Il est chanteur dans l’orchestre African Star d’un certain Alexis Mombito fonctionnaire au ministère des Affaires étrangères. Dans ce groupe amateur joue aussi Lessa Lassan. Josky embrasse le professionnalisme à la fin des années 60. Son itinéraire se présente de la manière suivante :
- African Star : jusqu’en 1969
- African Fiesta Sukisa : de 1969 à 1971
- Continental : de 1971 à 1973
- TP OK Jazz : de 1973 à 1993
- Mamaki (trio Mayaula, Youlou Mabiala et Kiambukuta) : 1977
- Canon du Zaïre (avec Djo Mpoy et Diato Lukoki) : 1981
- Bana OK : de 1993 à 2001
- Carrière solo : à partir de 2001
Rencontre avec Simaro Lutumba
Josky est à peine âgé de 16 ans lorsqu’il fait la connaissance du futur poète Lutumba. Grâce à l’insistance de Matondo Lankis son ami d’enfance, il lui rend visite chez lui à Lingwala. Lutumba l’encourage après l’avoir entendu chanter. Cette rencontre entre le guitariste et le jeune chanteur augure un avenir meilleur et une collaboration future qui va durer de longues années. En 1973, c’est Simarro qui facilite l’entrée de Josky dans l’OK Jazz.
Problème de style dans l’OK Jazz
Fanatique de Tabu Ley, Josky écrit ses textes dans la lignée de l’école African Jazz. Ses chansons dans l’African Fiesta Sukisa et Continental le confirment. Dans l’OK Jazz, les choses se compliquent car du style fiesta à celui d’odemba, le passage se fait dans la douleur. Dès le début, Josky présente trois chansons à Franco qui les refuse pour incompatibilité de style. C’est alors qu’intervient Simaro Lutumba. Le poète aide le crooner à s’accommoder de la sauce odemba. Ils travaillent ensemble pendant plusieurs jours. Les chansons Monzo et Kebana sont sorties de cette collaboration. Josky affirme que si ces deux titres lui reviennent, Simaro y a été pour beaucoup dans l’agencement des idées, l’écriture des textes et la structure desdites chansons. L’adaptation est rapide, l’ascension aussi. Après avoir maîtrisé les tenants et les aboutissants du style odemba, Josky vole de ses propres ailes et s’impose comme un des meilleurs auteurs-compositeurs du TP OK Jazz.
Style Josky
Les soucis d’adaptation terminés, Josky étonne par sa capacité à écrire des chansons à succès. De la maîtrise du style odemba ressort une phraséologie musicale et une ligne expressive qui lui est propre. Le style Josky qui vient de naître s’incorpore dans la structure rythmique du groupe à côté de ceux de Franco et Lutumba. Le sien n’est pas à cheval entre les deux tout comme il est aussi éloigné de celui de l’école Fiesta. C’est un savant mélange du folklore du Manianga et de la musique moderne. Aussi avec Bimansha introduit-il dans l’OK Jazz un rythme beaucoup plus saccadé.
Pseudonymes tous azimuts
Lorsqu’il fait ses premiers pas dans la musique professionnelle aux côtés de Docteur Nico, il porte encore le pseudonyme de Josky. C’est un dérivé de son prénom et de son patronyme. Mais lorsqu’il intègre Continental, il reçoit un surprenant surnom des mélomanes brazzavillois fidèles du bar Chez Faignond à Poto-Poto sur la rue Mbaka. L’orchestre Continental a créé le rythme sex forcing et la danse sex soum émanation du soum djoum de Tabu Ley. Tête d’affiche du groupe, Josky exhibe cette danse à merveille. C’est alors que le public lui colle le sobriquet de Josky Sex Soum c’est-à-dire la danse sex soum avec Josky devenu en abrégé Djo Sex. En 1973, il fait partie du TP OK Jazz dont il devient le crooner. Le dancing Un-Deux-Trois est le lieu de rendez-vous de ceux qui aiment la musique de Franco. La voix de Josky s’impose dans le groupe. Ses compositions envahissent le lieu. Il interprète plusieurs chansons de ses collègues. Kiambukuta enflamme le bar par des mots pleins de sensualité. Cette omniprésence prépondérante du chanteur fait lui le maître des céans. En récompense, les mélomanes commencent à l’appeler Commandant de bord. En lingala parlé à Kinshasa, le mot ″bord″ a beaucoup de significations parmi lesquelles truc, objet, marchandise, sexe de l’homme ou de la femme. Cette gratification qui lui est faite veut tout simplement dire que Josky est aux commandes du dancing Un-Deux-Trois. Mais les Kinois pensent autrement. Contrairement à ce que raconte le chanteur lui-même, pour eux ces sobriquets font référence au sexe de la femme eu égard aux termes sensuels que Josky utilise parfois dans certaines de ses chansons.
Chanteur principal
Le mérite de Josky Kiambukuta réside en sa capacité à produire avec son timbre vocal les sentiments les plus profonds qui peuvent ressortir d’un texte chanté. De ce fait, il devient le chanteur attitré du TP OK Jazz. Sa voix est présente dans presque tous les titres -phares du groupe. Il garde cette position privilégiée pendant de longues années. Comme autrefois avec Vicky Longomba, la voix de Josky finit par se confondre avec son groupe où son apport est sans commune mesure. Vu l’importance de l’homme et le rôle primordial qu’il joue dans le groupe et dans ses comptes, Luambo le bombarde deuxième vice-président de l’OK Jazz après Lutumba.
Quelques titres mythiques
- Sincérité
Josky est formel. Il a écrit ses compositions depuis toujours. Mais pour cette chanson, il fait une révélation de taille. Pour la première fois dans sa vie d’artiste, une mélodie lui est révélée dans un rêve. Alors qu’il séjourne à Bruxelles à l’hôtel Le Chevalier, une nuit dans son sommeil, il entend le couplet de cette chanson. Au petit matin à son réveil, il répète le chant et le couche sur papier tel qu’il l’a reçu en rêve. Il n’y ajoutera que le refrain.
- Chacun pour soi
En 1983, Josky apprête la chanson pour le 10e anniversaire du mariage de son ami Perry Bisengambi. La même année, Mobutu fête ses trois ans de mariage avec mama Bobi Ladawa. Pour marquer cet heureux événement d’une pierre blanche, le président demande à son ami Franco de composer un titre pour cette mémorable journée. Grand-Maître qui n’a pas d’inspiration propose à Josky de revisiter son titre ″Chacun pour soi″ et de le mettre sur le compte du chef d’Etat. Mobutu organise sa fête à Nsele. La chanson est jouée quatre fois à la demande du maréchal qui l’a vivement appréciée. Une version relookée de la chanson plus connue sous le titre de Likambo ya ngai na papa est enregistrée de nouveau à Bruxelles. Les mots employés et les endroits cités font penser au Guide. Franco a aimé cette chanson que beaucoup pensent qu’elle est sa composition.
- Baby
Comme bien d’autres chansons écrites par le crooner Josky, ce titre a une certaine particularité. Elle sert de socle d’inspiration à Nyoka Longo. Le leader de Zaïko s’inspire de cette mélodie pour composer Dédé sur mesure. Nioch pour une fois s’est abreuvé à une source appelée Kiambukuta Londa.
Hélène, Jakie, Falasua
Des titres écrits par Luambo qui ont connu la participation de Josky. L’OK Jazz se trouve dans une situation difficile en 1978 suite au succès de Tabu Ley et son Afrisa. Le public ne fréquente plus Un-Deux-Trois mais va gonfler le bar Type K pour participer à la soirée surnommée Jeudi K. Pour pallier à la situation, Luambo trouve la solution qu’il annonce à ses musiciens. Il va écrire des chansons osées à caractère obscène. Elles sont enregistrées sur cassettes que Luambo lui-même distribue gratuitement. Elles circulent aussitôt sous le manteau dans Kinshasa car ne pouvant pas être injectées dans le circuit officiel de consommation et de distribution des œuvres phonographiques. Luambo persiste et signe en composant une autre chanson au titre provoquant : Sous-alimentation sexuelle. Le public applaudit et retourne fréquenter le dancing Un-Deux-Trois dans le but affiché de voir ces chansons interprétées par l’OK Jazz. L’Etat intervient. Les artistes qui ont participé à ces enregistrements sont condamnés et emprisonnés notamment Luambo, Josky Kiambukuta, Papa Noël, Simaro Lutumba et Makoso. L’OK Jazz finit par relooker ces titres illicites. Hélène se transforme en Ilouse.
Le crooner
Dans l’African Fiesta Sukisa et dans Continental, Josky est dans la lignée de ses modèles Kallé Jeff et Rochereau. Mais manque la fougue dans ses titres. Il introduit cet aspect dans son comportement sur scène et une certaine virilité dans les mots qu’il place dans ses chansons lesquels changent la donne dans l’OK Jazz. Il comprend son rôle et sa place dans la société musicale congolaise. Le charme de sa voix et son image de playboy aux paroles sexy marquent les mélomanes dans les concerts. Il s’impose dans l’attaque chant de l’OK Jazz à la fois comme une valeur sûre et comme un compositeur hors pair.
TP OK Jazz
Josky Kiambukuta se fait remarquer dès son début auprès de Docteur Nico et son African Fiesta Sukisa. Il confirme son talent dans continental. Mais c’est dans l’OK Jazz qu’il impose ses marques. Ses compositions tiennent le haut des palmarès. Sa prestance est à la hauteur de l’artiste qu’il est. Ses textes sont parfois sensuels et osés. La voix de Josky se confond avec l’orchestre dont il devient l’un des ténors de l’attaque chant.
Discographie
De sa première chanson dans l’African Fiesta Sukisa à sa dernière, Josky ne connaît pas le nombre des titres qu’il a écrits. Il ne veut pas les compter parce qu’il veut se surpasser. Dans cette lutte interne entre l’homme Kiambukuta et l’artiste Josky, la victoire revient à la musique congolaise qui savoure ses œuvres. Auteur prolifique, il lègue des centaines des titres à la postérité. Il est difficile d’avancer une estimation sur le nombre de ses chansons qui se concurrencent entre elles sur le plan du succès auprès des mélomanes et dans les hit-parades. On peut citer pêle-mêle :
African Fiesta Suksa : Bolingo ya sens unique, Sadi naboyi masumu , Motema se likolo , Okosuka wapi, Chérie Julie, Marianne.
Continental : Mokili, Nakombela bolingo, Bakokamwa, Yo motéma
Mamaki : Limbisa ngai, Masivi, Mosese
Canon du Zaïre : Tshebo.
OK Jazz : KSK, Proprétaire, Fariya, Tu es méchant, Baby, Alita Tshamala, Bisengambi, Missile, Soweto, Lukusa Tanzi, Monzo, Kebana, Bimansha, etc.
Nzonzing : Sincérité, Erreur personnelle, Le monde et ses problèmes, Ayez pitié, etc.
Bana OK : Point faible, Papa pasteur, Baracuda, etc
Carrière solo : (albums) Oui ça va, Double vie
Samuel Malonga
Compilation Josky : Chérie Julie, Bakokamua, Bisengambi, Sincérité, Na mabele, KSK, Adieu mama Albertine Londa.