Les labels congolais du disque
Les labels congolais du disque
A l’époque du Congo Belge, l’édition du disque est aux mains des étrangers :Opika, Loningisa, Esengo, Ngoma, CEFA (Compagnie d'Enregistrement du Folklore Africain), Olympia, Philips et Ecodis. Ces firmes se partagent le précieux gâteau de l’industrie phonographique au Congo. Mais dès l’indépendance s’amorce un nouveau départ avec la création par des Congolais des labels pour assurer l’édition, la promotion, la production, la distribution et la commercialisation des œuvres musicales des artistes-musiciens congolais. L’avènement de la république crée un onde de choc et les Congolais prennent peu à peu la production phonographique de leurs œuvres en main. Ce phénomène se développe entre les années 1960-1970. Avec la disparition progressive des écuries musicales de l’époque coloniale, les dislocations et la prolifération des groupes musicaux surtout à Kinshasa , les maisons d’édition tenues par des compatriotes se multiplient dans la capitale. Les artistes-musiciens prennent eux-mêmes la relève de l’édition phonographique. Ils sont les premiers à se lancer dans l’entreprenariat culturel. Dans ce domaine précis, Joseph Kabasele fait figure de pionnier. Son passage à Bruxelles où il agrémente la Table Ronde lui ouvre les yeux dans le domaine de l’édition du disque. Il fonde en 1960 son propre label :Surboum African Jazz. Il intègre dans son écurie le TP OK Jazz de Luambo avec qui il signe un contrat de 39 chansons dont Kingotolo mbuta ngani mbote, une dédicace de Franco à l’ancien leader de l’Abako. En 1961, Oncle Yorgho et son orchestre se rendent en Belgique. Il y découvre les délices des droits d’auteur et décide de voler de ses propres ailes. De retour au pays, il s’inspire de l’expérience de Grand Kallé et se lance à son tour dans l’édition phonographique. Demi Amor crée Epanza Makita la même année, ensuite Boma Bango puis les Editions Populaires (Edipop) en 1965 enfin Visa 80avec lequel Grand Maître produit Viva la Musica, Lita Bembo et certains de ses propres albums. Mais vers 1967-1968, plusieurs chansons de l’OK Jazz sortent sous le label Likembe. Quant à Kallé, c’est avec la griffe Musikallé que l’African Jazz des Bombenga et mathieu Nkouka met ses disques sur le marché.
En 1963, Izeidi, Rochereau et Docteur Nico quittent Kallé Jeff et fondent l’African Fiesta sous le label Vita. Lorsque le chanteur et le soliste se séparent quelques années plus tard, chacun crée sa propre maison d’édition : Sukisa pour l’African Fiesta Sukisa et Flash – Rochereau chante pour l’African Fiesta National le Peuple. Tabu Ley change le nom de sa maison d’édition qui devient ISA (International Service Artistique). L’Afrisa (African international service artistique) possède aussi le label Ley. Dans les années 80, le nom ISA disparaît et est remplacé par Génidia qui consacre Mbilia Bel. Avec ses talents de grand mécène, Izeidi Mokoy crée les éditions Tcheza qui éditentles Bantous de la Capitale, Diamant Bleu, Négro-Succès, Conga Succès (qui sortait aussi parfois des disques chez Ebale Mbonge). Le célèbre maracassiste ne s’arrête pas en si bon chemin car il fonde ensuite la maison Paka-Siye qui à l’époque édite les chansons des orchestres moins connus du public.
En 1969, Verckys quitte l’OK Jazz et fait d’une pierre deux coups car il crée à la fois l’orchestre et les éditions Vévé. Sa maison va assurer la promotion de plusieurs formations des jeunes et même de l’Orfaz, l’orchestre des Forces armées. Elle offre ses services à une grande partie des groupes musicaux de la nouvelle génération entre autre Zaïko, Bella-Bella, Langa-Langa Stars, Empire Bakuba, Kiam, Les Kamale, Lipua-Lipua, Amigo, Kamavasty, Anti Choc, Victoria, Historia Musica de Debaba, Stukas, Afro International, Grands Maquisards. Le groupe de Ntesa s’offre aussi les services des éditions Maquis. L’écurie de Kiamuangana possède deux autres éditions-sœurs : Fuka-Fuka et Sakumuna. Vévé prit en 1976 le nom de Zadis (la zaïroise du disque) et enfin EVVI (Editions Vévé International). Cette firme phonographique réussit à dominer le marché congolais de l’édition grâce à la pugnacité de Verckys. Plusieurs jeunes orchestres ne peuvent se passer de ses services. Certains musiciens possèdent leurs propres labels. Edivox par exemple appartient à Bombenga, son Vox Africa est aussi dépanné par Lokole. Il y a Viclong pour Lovy du Zaïre. Mais fait rare, Vicky Longomba crée sa propre édition alors qu’il est dans l’OK Jazz. Encore sociétaire de ce groupe, certaines de ses compositions sortent sous son propre label. A chaque maison de disque son orchestre: Londende de Dewayon dépanne le Cobantou;Zaïre Music s’offre Kintueni Sukisa et Isifi; Biby de Matumona prend en charge Tabou National, Mokako, Mirage, Bangambo, Etumba na Ngwaka; Diabim a GO Malebo (Phenix aussi), Cavacha, Super Tukina, Grand Pizza. Bokelo devient éditeur phonographique après le succès de la série Mwambe et fonde le label Landa Bango. Le Négro Festival s’occupe du Festival des Maquisards. La firme Boboto du capitaine Denis Ilosono s’investit dans la production des disques des orchestres Révolution, Super Négro et aussi Négro-Succès. Au fils des années, plusieurs groupes nagent au gré des nouveautés entre différentes maisons de disque. Véritable Victoria Principal s’est par exemple offert les services de Sangela et Alamoule de BuengoMakengele (Saka Yonsa, Debonheur et Zembe-Zembe aussi). Yoka Lokole est passé par Super-Contact de Papa Ngoma (Zaïko, Makina Loka), Moninga, Parions (Mondenge) de Mfumu Muntu Bambi (Yoka Lokole aussi); sans oublier les éditions Pangolin (Macchi),et B.I.P Inter(Zaïko).
Bien avant de créer son propre label, Zaïko Langa-Langa a profité des services de Zaïre Music (Comet Mambo aussi), Vévé et Cover(Bakuba Mayopi aussi). La Musette de John Lokelo s’occupe des orchestres Mi Amor, African Music de Jeef Mateta et produit les premiers disques des frères Soki. Puis Maxime Soki Vangu, après un passage chez Ndenge Moko, devient à son tour éditeur de musique et fonde les Editions Bella-Bella pour lui-même et Allez-y Frères Sokipour son cadet Emile Dianzenza. Il y a aussi d’autres labels qui ont assuré l’édition et la production du disque congolais notamment CEFA-LBS pour L’Os Backy, Patenge pour Mujos et son ensemble, Molende Kwikwi (Mol-Mol) de Kwikwi Ngeta (Viva le Musica), Mara de Matabisi Ramazani, Bilanga (Bakuba), Musicana (Continental), Sagitta (Festival de Guvano), Apollo (Kin Bantou), Sonora (Mangwana et son ensemble), Mabele (Minzoto et Baya-Baya) sans oublier Zigo (Shama-Shama, Bansomi Lay Lay, Bangambo, Phénomène) et Bana Moja(Bakuba). Après avoir avec succès gravé sur disque les compositions de Stukas, Lokoko et Son Africa, les éditions Kina-Rama de Max Mayaka ressuscitent Franck Lassan en 1981 après un si long silence. Cette maison réussit à sortir le dernier album de Fariala (Laisser tomber, Proverbes) accompagné du groupe The Best. De son côté, Grégoire Ngwango Seli-Ja, ancien big manager de Tabu Ley, crée les éditions Toulmonde et édite les chansons qui accompagnent l’entrée de Mpongo Love dans le monde musical, les Ya Tupas et l’orchestre Niamou-Niamou du professeur Vata Mombasa. Poussés par un vent d’autonomie aussi pour mettre fin à l’exploitation dont ils sont victimes, certains ensembles créent des labels qui portent le nom de leurs formations musicales. Cette vague d’indépendance donne naissance aux éditions Thu-Zahina, Yoka lokole, Sosoliso, Conga, Bakuba,Shama-Shama. L’orchestre de Mopero est d’abord passé par les maisons Biby, Pesa Nzela, Kaba Lisolo et Wondole. Si Zaïko finit par créer le label Langa Langa, Viva la Musica fonde les éditions Molokaïet Rumba Ray met à jour la marque Maray-Maray après s’être défait des services des éditions SKL et Pop Amas. Certains labels presqu’inconnus du grand public réussissent pourtant à éditer des tubes. C’est le cas de la maison Time avec Mère supérieure de Papa Wemba. Il est impossible de citer tous les d’éditeurs congolais et la liste dressée n’est pas exhaustive.
Le mariage entre les éditeurs et les artistes-musiciens compositeurs n’avait jamais été stable. Il se faisait et se défaisait dans le temps au gré des intérêts des parties en présence. Les divorces étaient nombreux. Il n’était pas rare qu’un orchestre passe d’un label à l’autre au gré de ses intérêts. Ce qui occasionnait pas mal d’aller-retour. Les maisons d’édition appuyé par des distributeurs de la trempe de Molende Kwikwi aussi des mécènes ou des producteurs comme FrançoisLondala Bongwalanga de Laudert Production, Henry Wanya de Mave Production, Jean-Louis Tshimbalanga de Promotion SPRL, Jean Pierre Eale de ATL Plus, N’Goss, Prozal, Manglo, Gilette d’or,Lokanga Elua, Jacko, K-dance, Rigo Makengo, Alino Matabisi,Gina Kiaku, Zinago et bien d’autres ont joué un rôle important dans l’essor de la musique congolaise moderne. L’industrie du disque étant tributaire du parrainage des éditeurs conjugué avec l’action des producteurs-distributeurs, Mbokamosika se devait de leur rendre hommage pour le travail accompli.
Samuel Malonga
Palmarès, Tabu Ley et l'Afrisa
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