L’Etat du Katanga (11 juillet 1960 – 14 janvier 1963)
L’Etat du Katanga (11 juillet 1960 – 14 janvier 1963)
Au lendemain de l’indépendance, Moïse Tshombe est un homme politique doublement puissant. Il est président du plus important parti du Katanga , la Conakat, et président du gouvernement de la plus riche province du Congo. Fort de l’appui de la Belgique, des colons et de l’Union Minière; en parfait accord avec le Collège des Ministres et profitant du chaos créé par la mutinerie des soldats de l’ANC, il s’apprête à faire sécession. Pour s’adresser à sa nation et au monde, il a besoin de la radio. La scène se passe à Elisabethville dans les locaux du studio de Radio-Collège créée en 1947 par père Dethier, professeur de sciences au Collège Saint François de Sales. Le lundi 11 juillet 1960 à 22h30, heure locale, Moïse Tshombe est à l’antenne. Au micro, il proclame solennellement mais unilatéralement l’indépendance de la province cuprifère qui de facto cesse d’être une entité territoriale congolaise. L’Etat du Katanga est né. Président autoproclamé, il est ovationné par une foule en liesse entièrement acquise à sa cause puis porté en triomphe par ses partisans. Tshombe est désigné chef d’Etat du Katanga par l’Assemblée nationale et le Grand Conseil réunis en congrès. Après la promulgation de la constitution katangaise le 5 août 1960, le gouvernement provincial élu le 16 juin 1960 devient le gouvernement katangais. Il est élargi en octobre avec la nomination des secrétaires d’Etat. Le Katanga indépendant a toutes les institutions et tous les attributs d’un Etat souverain : constitution, garde présidentielle, gouvernement, assemblée nationale, monnaie (franc katangais), devise (Force, espoir et paix dans la prospérité), hymne national (la Katangaise), journal officiel (le Moniteur katangais), armoiries et drapeau. L’armée est baptisée Gendarmerie katangaise (Gkat) ; la force aérienne s’appelle Aviation militaire katangaise (Avikat) ; la compagnie nationale de transport aérien se nomme Air Katanga. L’ordre public est garanti par la Police nationale katangaise. L’Etat indépendant du Katanga n’est jamais reconnu par l’ONU. Le nord du Katanga échappe presque au contrôle de Moïse Tshombe. La Balubakat dirigée par Jason Sendwe s´oppose fermement à la sécession et joue le jeu du gouvernement central à Léopoldville. Sendwe est même promu vice-premier ministre dans le gouvernement Adoula en août 1961. En décembre 1962, les forces de l’ONU prennent le contrôle d’Élisabethville. Moïse Tshombe s’enfuit et se réfugie à Kolwezi qui devient la nouvelle capitale du Katanga indépendant. Le 14 janvier 1963, le gouvernement katangais capitule et proclame la fin de la sécession. Tshombe prend le chemin de l'exil en Rhodésie du Nord (Zambie) puis plus tard en Espagne en emportant 92 millions de francs belges avec lui.
Superficie
496.877 km² représentant plus de 20% du Congo ou soit environ la taille de l'Espagne
Population: 1.709.659 Katangais soit environ 13% de la population totale du Congo en 1960
Capitale : Elisabethville (Lubumbashi)
Divisions administratives
Le Katanga est divisé en quatre districts centralisés dirigés par des gouverneurs Conakat ou pro-Conakat nommés par le gouvernement. Ces districts sont :
• Haut-Katanga : 21 sièges, chef-lieu : Jadotville (Likasi). Elisabethville, la capitale de l’Etat y est localisée
• Lualaba : 16 sièges, chef-lieu : Kolwezi
• Tanganyika : 16 sièges, chef-lieu : Albertville (Kalemie)
• Haut-Lomami : 11 sièges, chef-lieu : Kamina
Moïse Tshombe est acclamé par une foule nombreuse après la déclaration de l’indépendance
du Katanga (photo CEGES).
Le gouvernement sécessionniste katangais
Le gouvernement sécessionniste katangais est le gouvernement formé par Moïse Tshombe en août 1960 en application de la constitution katangaise. Il se compose essentiellement des membres de l’ancien gouvernement provincial du Katanga. Il est ensuite élargi avec la création des secrétariats d’Etat en octobre de la même année.
Composition du gouvernement
Chef d’Etat et Président du Conseil des ministres
Moïse Kapenda Tshombe (Conakat)
Ministres (août 1960):
• Finances et vice-président du Conseil : Jean-Baptiste Kibwe (Conakat)
• Intérieur : Godefroid Munongo (Conakat)
• Télécommunications et Postes: Alphonse Kiela Conakat)
• Affaires étrangères : Evariste Kimba (Conakat)
• Justice : Valentin Ilunga (Conakat)
• Santé publique : Cléophas Mukeba (MNC/Kalonji)
• Education nationale : Joseph Kiwele (Conakat)
• Travail et Affaires sociales : Paul Muhona (Indépendant)
• Agriculture : Sylvestre Kilonda (Conakat)
• Affaires économiques : Salomon Tshizand (Indépendant)
• Ministre résident auprès de la CEE : Jacques Masangu (Cartel)
Secrétaires d’Etat (octobre 1960) :
• Travaux publics : Gabriel Kitenge (Union congolaise)
• Commerce extérieur : Bonaventure Makonga (Conakat)
• Information : Lucas Samalenge (Conakat)
• Défense nationale : Joseph Yav (Conakat)
• Fonction publique : Albert Nyembo (Conakat)
• Secrétaires d’Etat auprès de la CEE : Odilon Mwende (Conakat) et
Collège des Ministres
Organe de l’exécutif katangais qui exerce le pouvoir en cas d’absence ou d’empêchement du Président
• Alphonse Kiela, ministre des Communications
• Jean-Baptiste Kibwe, ministre des Finances
• Joseph Kiwele, ministre de l'Education nationale
• Godefroid Munongo, ministre de l'Intérieur
Kolwezi, le 13 janvier 1963, Moise Tshombe tient son dernier meeting de chef d'Etat
devant
Assemblée nationale
Elle se compose de 64 membres dont 58 pour la Conakat
• Président : Charles Mutaka (Conakat)
• Vice-président : Jean-Marie Pweto (Conakat)
Grand Conseil
Organe législatif purement consultatif, il se compose de 20 notables pro-Conakat élus par les chefs coutumiers du Katanga
• Président : Muteba Mushidi
Banque nationale du Katanga
• Directeur : Prosper Makasu-Tshimuanga
Gendarmerie katangaise
Elle ne compte que 350 soldats en juillet 1960. Mais ses effectifs atteignent 11.000 militaires actifs en 1961. Elle soutenue par 200 mercenaires, les fameux affreux. La Gendarmerie est encadrée par près de 250 officiers et sous-officiers belges.
• Chef suprême des armées : Moïse Kapenda Tshombe
• Commandant en chef : Général Norbert Moke
• Chef de cabinet du Secrétaire d’Etat à la Défense : Lieutenant-colonel Grandjean
• Conseiller militaire du Président : Major Guy Weber
• Commandant en second : Major Perrad
• Chef d’Etat-major : Commandant Collet
• Directeur du génie : Major de Troyer
• Directeur de l’aviation : Lieutenant-colonel aviateur Volont
• Aide de camp du Président : Capitaine Mwamba
Police nationale katangaise
• Inspecteur général : Raphaël Mumba
• Inspecteur général adjoint : Christophe Kingombe
• Commissaire en chef: Pius Sapwe
• Conseiller de l’inspecteur général : Frans Verscheure
• Chargé de la police supplétive du Katanga : Gérard Soete
Administration Générale de la Sûreté katangaise
• Administrateur général : Jérôme Disase
• Adjoint : Pierre Pandakufua
• Commissaire principal : Paul Kazembe
Milices
Toutes les milices légales sont reconnues par le ministère de l’Intérieur et fonctionnent grâce aux allocations gouvernementales. Créées en 1960 et possédant parfois des armes modernes, elles ont pour tâche d’aider l’armée à défendre l’indépendance du Katanga. Les deux plus importantes milices sont dirigées par des notables qui siègent au Grand Conseil. Bien que reposant sur une base tribale, les milices sont pro-Tshombe et très loyales à leurs chefs tribaux. Leurs effectifs sont concentrés au centre et à l’Est du district du aut-Katanga
Haut-Katanga.
• Milice Kamina : elle est dirigée par Emmanuel Ndaie , chef des Baluba. Elle compte 500 combattants.
• Milice Bayeke : elle est dirigée par Antoine Munongo, chef des Bayeke. Elle compte 100 combattants.
Citations
► Peu après avoir proclamé l'indépendance du Katanga. Tshombe déclare: « On nous reproche, n'est-ce pas, de vouloir garder les richesses pour nous. Nous, nous voulons aussi aider les autres États qui sont pauvres. Mais quant aux affaires politiques du pays, nous voulons les conserver nous-mêmes. »
► Lorsque les troupes de l'ONU essayent de reconquérir le Katanga pour le réintégrer au Congo, il réplique : « Du côté katangais, n'est-ce pas, nous ne voulons pas la guerre, mais si l'ONU persiste...(sourire) c'est la fin de l'ONU. »
►Lorsque le Premier ministre Adoula dit à un journaliste : « Je me méfie de Tshombe, car je connais le joueur et je connais le jeu », il répond : « Moi, je suis d'abord né dans une famille de chefs, mon père est riche, mes frères sont riches. Adoula, c'est un ancien commis de la Cophaco qui gagnait quoi ?… 2 000 francs. »
Samuel Malonga
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Moïse Tshombe
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