Congo-Zaïre, le destin tragique d'une nation
Voici un
extrait du livre CONGO-ZAIRE, LE DESTIN TRAGIQUE D’UNE NATION (ed l’Harmattan,
Paris), sur les événements du 4 janvier 1959
« Arrive ainsi l’année 1959. Un dimanche, le 4 janvier, l’annulation par l’autorité coloniale d’un meeting
de
l’ABAKO programmé dans les installations de l’YMCA à Léopoldville, aujourd’hui Place du 4 janvier, provoque la colère et la
frustration de ses partisans. Ceux-ci sont vite rejoints par une foule
nombreuse des supporters furieux de l’équipe de football V. Club sortant du grand stade Roi Baudouin proche, où leur équipe venait
de perdre son match contre l’équipe Mikado.
Pendant quatre jours, du 4 au 7 janvier, Léopoldville, ville de 400.000 habitants à
l’époque, est le théâtre d’actes de violence contre les Européens; leurs magasins et résidences sont saccagés et pillés, les
symboles de l’Etat colonial sont détruits. Une manière pour les
congolais de manifester le rejet du système colonial.
La réaction du pouvoir colonial est brutale. La Force Publique qui intervient, réprime dans
le sang ces manifestations de colère aux allures d’une véritable insurrection populaire. Les sources officielles font état de 49
personnes tuées, pendant que d’autres sources affirment que
l’action répressive menée par la Force Publique aurait fait des centaines de victimes. Kasa-Vubu, président de l’ABAKO, est arrêté
le 12 janvier 1959. Il sera libéré le 14 mars 1959.
Prenant la mesure de la situation, le roi Baudouin Ier prononce le 13 janvier 1959 un
discours resté célèbre à ce jour, dans lequel il annonce l’engagement de la Belgique à « conduire sans atermoiements funestes
mais sans précipitation inconsidérée les populations
congolaises vers l’indépendance, et l’organisation à la fin de l’année d’une conférence devant discuter des modalités d’accession
du Congo à l’indépendance ». Pour la première fois, les
Belges, par la bouche de leur roi, venaient de reconnaître le droit des Congolais à l’indépendance.
Prenant au mot le roi des Belges, les Congolais répandent comme
un « leitmotiv » le mot magique « indépendance » traduit dans les langues locales en
« dipanda » en lingala, « kimpwanza »
en kikongo, « uhuru » en kiswahili , et « budukadidi » en tshiluba, le criant à la face des belges par défi et
pour exprimer l’inéluctabilité de
l’indépendance.
Le 4 janvier 1959, la population de Léopoldville, menée par l’ABAKO, avait exprimé dans la
violence son rejet du système colonial, ébranlant sérieusement l’ordre colonial et faisant précipiter les événements qui ont
conduit à l’Indépendance. Dans le calendrier officiel cependant, cette
date du 4 janvier n’est généralement connue que comme fériée et l’absence de manifestations commémoratives officielles à la
hauteur de sa grande signification et portée historique tend à
l’effacer progressivement de la mémoire.
Il en est de même de l’histoire officielle de l’Indépendance dans laquelle le rôle
déterminant de l’ABAKO dans la conscientisation politique de la population et son antériorité historique dans la revendication de
d’indépendance sont souvent passées sous silence. Cela
s’expliquerait-t-il par un certain refus d’exposer les premières revendications de l’indépendance comme le fait des seuls
Bakongo ?
Qui se souvient encore de ceux qui, comme Antoine Kingotolo, Raphael Batshikama, Filibert
Luyeye ou encore Raymond Bikebi pour ne citer que ces quelques personnes qui, avec un courage héroïque, avaient bravé le pouvoir
colonial en mobilisant les militants de l’ABAKO suivis de toute la
population à Léopoldville et dans le Bas-Congo, pour porter haut la revendication de l’Indépendance du Congo dans son
ensemble? »
©Mbokamosika 2012
Ngimbi Kalumvueziko.
Auteur de CONGO-ZAIRE, LE DESTIN TRAGIQUE D’UNE NATION, et de LE PYGMEE CONGOLAIS EXPOSE DANS UN ZOO AMERICAIN, éditions l’Harmatta, Paris