CES BRILLANTES CARRIERES SPORTIVES AVORTEES.
CES BRILLANTES CARRIERES SPORTIVES AVORTEES.
Football. C’est le sport par excellence en Afrique en général. Et la RDC ne fait pas exception. Nos interminables parties de foot, suivies de bagarres générales, font parties de nos merveilleux souvenirs d’enfance. Nos championnats de quartiers, de zones ou d’écoles furent de véritables centres de formation. Beaucoup, parmi nous, furent très doués. Mais d’autres n’eurent pas la carrière à laquelle leurs talents les prédestinaient. Voyons quelques cas qui nous marquèrent sur ce chapitre…
FREDDY MAYAULA MAYONI
Nous sommes à la fin des années 1970. Les Dauphins Noirs de V.Club de Kinshasa sont dans une période
euphorique. Dans l’axe de leur attaque, au bombardier Luc Mawa, vient de se joindre un prodige, natif de Inkisi-Kisantu, il s’agit de Pépé Jean Kembo dit Pinto. A l’aile droite des « bana
mbongo » trône l’excellent Mungamuni, l’Homme d’Asmara. Comme avant-centre de soutien, il y a bien sûr l’inoubliable Joseph Kibonge, Gento pour les moscovites. A l’aile gauche, il y a un
enfant terrible des « verts noirs », Adelar Mayanga. Joueur talentueux et très soigné dans ses dribles. Majestueux et élégant dans ses phases de jeu…Est-ce tout, à l’attaque
« mitraillette » ?
Non. Au poste d’ailier gauche, en concurrence au talentueux « Good year », il y avait un autre virtuose, bourré des talents, Freddy Mayaula. Joueur insaisissable, aux démarrages fulgurants. Doté d’une frappe ultra puissante et précise, Mayaula avait un dribble déroutant. Bref, ce joueur était bien armé pour écrire une page en or chez les « bana Véa » et les Léopards. En ces années-là, être entraîneur des Léopards équivalait à une véritable torture…tellement il y avait de bons joueurs. Faire un choix entre ces prodiges, était un réel calvaire…Je me souviendrai toujours d’une question. Celle que posa l’inoubliable Louis Paul Basunga Nzinga à Blasgoje Vidinic, l’entraineur yougoslave des Léopards. Basunga posa à ce monsieur la question suivante, lors de la belle et populaire émission des sports de dimanche : « monsieur Vidinic, il y a, ces temps-ci, un garçon qui fait fureur aux entraînements des Léopards. Il s’agit de Ndume. Ce garçon est quasiment insaisissable par les défenses adverses. Pourquoi il ne joue pas ? Quand l’aligneras-tu à l’attaque des Léopards ? » Le brave Slave regarda Basunga d’un regard plein d’énormes douleurs...Et voici sa réponse : « mon cher Basunga, comment toi poser moi telle question !!! Regardez toi-même poste avant centre Léopards…toi prendre joueur comme Ntumba Pouce, grand « mouscoulatoure », joueur complet, botter ballon comme tennis deux pieds. Marquer beaucoup de « bouts » avec tête. Toi prendre joueur comme Jean Kembo. I-nfatigable attaquant. Beaucoup fatiguer défense adverse et « bouscouler » gardien adverse. Toi prendre Mbungu Tex, courir vite et très intelligent ballon au pied. Toi prendre joueur comme Tshiamala Machine…I-nfatigable attaquant. Beaucoup courir et intelligent. Quand toi prendre Ndaye, courir très vite, botter ballon deux pieds comme fusée, joueur complet. Quand toi regarder joueur comme Ndongala ou autre Ndaya Sanga Balende, même pas trouver place dans équipe nationale. Alors mon cher Basunga, toi dire moi, où moi mettre Ndume ? ». On en rit. Mais la situation était belle et bien celle-là…Le pauvre Vidinic. Revenons au phénomène Diantela euh, zut…phénomène Mayaula. Soit dit en passant que Diantela offrit à V. Club un titre dans les années 1971-1973, et dans les journaux on l’appelait « phénomène Diantela ». Déjà chez les bana Véa, il était impossible de départager Adelar et Freddy…Voici qu’un coup du sort vint trancher les choses autrement…Le père de Mayaula était diplomate à notre ambassade en Tanzanie. Réussir dans la vie chez nous, revenait à faire les études jusqu’à l’université. Faire la musique, c’était pour les ratés. Le football, sa pratique dans le haut niveau de nos championnats, n’était pas très bien vu par nos pères. C’est ainsi que le papa de Mayaula mit fin à ce vagabondage footballistique de son fils. Pour l’éloigner de cette perdition qu’était le foot, il emmena son fils avec lui en Tanzanie. Ni les pleurs des bana Véa, ni les pressions diverses ne vinrent à bout du vaillant papa. Ainsi s’arrêta net une des plus prometteuses carrières de footballeur de la RDC. Rêvons un peu…Imaginons que Mayaula eût continué sa carrière…Le pauvre Vidinic allait encore perdre son latin. On aurait eu à ce poste d’ailier gauche les joueurs suivants : Tshinabu Tshondo dit Brinch ; Mayanga Maku Adelar ; Emmanuel Kakoko Etepe ; Freddy Mayaula pour ne citer que ces quatre là…Posons-nous la question de savoir qu’aurait fait Vidinic wa Vidinic ? S’il parvint à résoudre l’équation à trois inconnues: Brinch, Adelar, Etepe en transformant Adelar en ailier droit, rien ne nous dit qu’avec la variante de cette équation en quatre inconnues, notre Vidinic s’en serait sorti…Donc le malheur des bana Véa et des Léopards dans la perte de l’excellent Mayaula a fait, en quelque sorte, le bonheur de Vidinic…Mais malgré la vigilance de Papa Mayaula, son fils passa du foot à la musique, à sa grande consternation…Et le gars nous gratifia, de ce côté-là, de belles œuvres musicales. Quelques années plus tard, Freddy tentera un come back. Mais l’expérience se révéla infructueuse. Les bana mbongo de V. Club n’hésitèrent pas à le surnommer « chérie Bondowe »…Car de l’enfant redoutable du foot qu’il fut, il ne restait plus grand-chose.
Jean-Marie Kayembe.
Véritable bulldozer. « Capable » était impossible à arrêter balle au pied. Le colosse balayait tout sur son passage avant de loger une véritable fusée dans les buts adverses. Sambi, le gardien d’Imana doit s’en rappeler…Tous les anciens de Mbanza-Mboma, Kisantu et Mbanza-Ngungu en savent quelque chose. Jean-Marie étaient de ceux qui étaient né avec un petit ballon dans le ventre. Partout où ce garçon est passé, tout le monde lui prédisait une brillante carrière de footballeur. Mais voilà, c’était sans compter avec la vigilance de papa Tshifunda. Il était hors de question que son fils devienne joueur de foot. Seule voie : les études. Malgré les sollicitations de tous les grands clubs, c’était niet. Une fois son bac obtenu, Kayembe s’aventura une demie saison chez Bilima. Mais le Vieux veillait au grain. Et l’impénitent fut envoyé loin de Kin, à Mbandaka. Malgré les supplications des dirigeants de Bilima, papa Tshifunda resta inflexible. Ainsi, Jean-Marie n’eut que deux courtes apparitions chez Bilima. Il termina ses études à l’ISTA, au grand plaisir de son père…
Danny Mbuku dit Licencié.
Tous les anciens de Kisantu connaissent la frêle silhouette de Mbuku Licencié. Milieu de terrain infatigable et doté d’une intelligence et d’une vision de jeu hors pair, Licencié était, à lui seul, toute une attraction. Je me souviendrai toujours de nos matchs interscolaires. Que de batailles épiques entre l’Institut Technique et Commercial de Kisantu et l’Athénée de Mbanza-Ngungu. Il faut dire qu’à l’Athénée de Mbanza-Ngungu regnait un petit lutin du nom de Lumanisha, un garçon de Bandal. Un véritable piment aux tirs meurtriers… Je dirai ici pour la petite histoire que les Léopards de passage à l’hôpital de Kisantu ne s’ennuyaient guère les dimanches. Vu la qualité des matchs inter internants qui se jouaient à Kisantu. Les Kibonge, Adelar, Pouce, Kembo, Zumbel, Kidumu ou Nday Volvo etc…passaient de beaux après-midi. Je voudrai m’arrêter ici pour rendre hommage à un très grand monsieur. Il s’agit du docteur Matondo de l’hôpital de Kisantu. Lui qui sut rafistoler avec beaucoup de brio les tibias et les péronés de nos Léopards. Homme de grande qualité et de grande écoute. Je garde un souvenir impérissable de ce monsieur, qui en dehors des ses occupations de médecin, dirigeait aussi notre chorale à Kisantu. Pour revenir à Mbuku, je dirai que maintes fois les dirigeants de Vita vinrent à Kisantu pour lui, mais c’était toujours niet…Il faut dire que Jeff Kibonge jouait aussi le rôle de recruteur pour V. Club pendant ses hospitalisations à Kisantu. Mbuku avec Mateta « Major » passèrent ensemble le test chez Air Zaïre. Ils furent retenus tous deux. Mais le Vieux de Major refusa sec cet aventurisme « footballier » de son fils…Fin de carrière pour Mateta. Encore, je rends ici hommage à tous ces héros de nos championnats d’internant. De Kimpese, de Mbanza-Ngungu, de Sona-Bata, de Ngidinga, de Mpese, de Mbanza-Mboma, de Lemfu, de Kisantu, de Kipako, de Ngeba etc…Il n’était pas rare qu’un père vienne rappeler aux curés que son fils était là pour étudier et pas pour jouer au foot…ceci à cause du fait que les talents dudit fils commençaient à faire beaucoup de vagues…
Mayenda Gento dit Muller.
Le natif de Thysville. Gento était déjà sur les traces de son ainé Raoul Kidumu dans les Diables Rouges de Mbanza-Ngungu. En cette année 1969, il avait déjà tout d’un grand…Le grand gardien Nzau de V. Club Matadi, s’il est encore en vie, n’oubliera jamais Mayenda. Mayens lui infligea une véritable humiliation au stade Lumumba de Matadi lors de la finale du tournoi de l’Indépendance…quatre mangenda !!! Mais pourquoi, Mayenda était-il toujours scotché à Thysville ? Simple, il devait d’abord obtenir son bac, visa de sortie pour Daring. Pas question de se livrer à des aventures sans lendemains de foot…c’est l’avis de ses parents. Donc, Gento patienta, pour raisons d’études au Collège St Clément de Mbanza-Ngungu, actuel Institut Nsona-Nkulu. Ceci pour le bonheur des pères Ontelet et Tarouet…Le championnat interscolaire de ces années-là était un des plus disputés. En effet, à l’attaque du Collège St Clément, il y avait deux monstres : Kayembe Jean-Marie et Gento Mayenda…La puissance et la vitesse réunies…Les anciens du Collège Disengomoka (Codis) et de l’Athénée de Mbanza-Ngungu doivent bien s’en rappeler…Une fois son bac en poche, Mayenda obtint ainsi son bon de sortie pour Imana. Mais, le joueur que j’ai vu jouer dans Imana n’avait rien à avoir avec le mitrailleur que j’avais connu au Kongo Central. Encore une carrière ralentit pour raisons d’études.
Balaluete Muller
Voici plus de 10 ans que Dragons n’a pas remporté le titre de champion de Kinshasa. En cette année 1978, il y a deux prodiges dans ses rangs. Il s’agit du célèbre Santos et de Bolaluete Muller. Ces deux joueurs sont les principaux artisans du titre de champion de Kinshasa remporté par Bilima en 1978. Si Santos est très connu, Bolaluete l’est moins. En effet, celui-ci préféra privilégier ses études au détriment de sa carrière de footballeur. C’est ainsi qu’en 1979, Muller laissa ses camarades entamer la campagne africaine sans lui…L’arrivée de Mayele Awul Ayel, le caïman de Bilima atténua un peu cette perte. Encore une carrière passée aux pertes et profits des études.
Nous voyons tous aujourd’hui comment finissent nos joueurs de légende. De Pembele Ngunza, dit Tchang Laï à Ricky Mavuba…Au vu de cette triste fin de carrière, devons-nous dire que nos pères avaient raison ou non de passer nos études avant le foot ?
C’est qu’en ces temps-là, le foot ne nourrissait pas son homme. Surtout, il n’était pas une garantie pour l’avenir. Mais aujourd’hui, il en va autrement. Je pense ici à Ricky Mavuba, le Ndoki-a-ndombe des bana Véa, qui n’a pas eu le bonheur de jouir de l’aisance matérielle de son fils, aisance gagnée grâce au foot. J’associerai Jean Kembo, monsieur but, à Mavuba. Seul Soucous Makelele aura eu le privilège de jouir du fruit de son fils. Les fils de ces trois joueurs jouent ou ont joué en championnat de France. Personnellement, sur le plan qualité, je trouve que leurs papa étaient meilleurs qu’eux…En plus, ils jouent exactement au même poste que leurs pères : Makelle fils est comme son père, Soucous Makelele, milieu de terrain récupérateur. Rio Mavuba est comme son père, Ricky Mavuba, milieu organisateur de jeu. Et Jirès Kembo est comme son père, Jean Kembo Uba Kembo, avant centre buteur. Si hier, seules les études assuraient le devenir, aujourd’hui, le sport fait partie des paramètres de réussite aussi.
Claude Kangudie.