„Muana nsuka“:une tragédie en deux actes, signée Mbuta Miyalu
Sur la liste des chansons qu’aimeraient réécouter notre ami Bellak ainsi que d’autres amis du blog, figure en bonne position « Muana Nsuka », une œuvre de Mbuta Miyalu, saluée unanimement par tout le congo culturel vers la fin des années 1970. Qui plus est, fut interprétée tout aussi brillamment en swahili par feu Kibondo Show.
Cette chanson rare était pratiquement introuvable jusqu’à ce que notre mécène Kiku l’a sortie, presque par miracle de sa gibecière. Nous ne cesserons de lui rendre hommage.
« Muana Nsuka », cette mélodie agréable à l’oreille n’est pas une chanson ordinaire. Ne connaissant pas le niveau intellectuel de Mbuta Miyalu, son auteur, nous pouvons ,à travers cette oeuvre le considérer comme étant un « dramaturge de talent ». Car « Muana Nsuka » est plus qu’une chanson. C’est une tragédie, mieux un drame en deux actes. Dans le premier acte, Miyalu met en scène la fatalité ayant atraîné les décès tragiques de douze enfants au sein d’une même famille, avec des scénarios on ne peut plus pittoresques et très diversifiés. Sur le plan purement traditionnel, des parents plusieurs fois éprouvés comme ce père, sont souvent suspectés par l'entourage et mériteraient qu’on leur balance ce refrain cher aux badauts : < tango mosusu ndoki ye oyo >.
Dans le second acte, l’auteur stigmatise trois fléaux à savoir: l’exode rural ; l’analphabétisme, dans un pays où l’enseignement fut, il y a si peu obligatoire ; et les préjugés intolérables ou les dénigrement des populations citadines à l’égard des jeunes issus de l’intérieur du pays, bons à leurs yeux pour des travaux domestiques.
Le récit de ces tragédies a été réalisé sous un ton comique, caractérisé par un accent provincial, éventuellement de ses propres parents (une sorte de l’autodérision). Une mise en scène du langage de nombreuses personnes âgées, bien que citadines depuis des décennies, gardent ou préfèrent utiliser l’accent du terroir, pour mieux marquer leurs origines.
En mêlant ainsi la tragédie à la comédie, Mbuta Miyalu a signé une oeuvre dramatique de grande valeur. Qui mérite d’être adaptée, si elle ne l’a pas encore été, par nos troupes du théâtre. (Messager)
Écoutons :
Bonjour Messager,
Avec ce genre de trouvaille, je retrouve enfin l'esprit de ce site que je connais depuis peu (beaucoup trop tard ?) : nous faire
revivre les bons moments de notre culture en général et de notre musique en particulier.
Je ne me serais même pas rappelé de cette chanson que j'ai pourtant bien connue. Vraiment, félicitations car c'est ce que nous attendons de ce site.
Antoine Nickel
Je vous envoie un autre fichier mp3 de la chanson Muana Nsuka du groupe Bana odeon de la commune de Kintambo.
http://media.putfile.com/MUANA-NSUKA
Papatoto
Mille fois merci à notre ami Papatoto. Un exemple à suivre par tous ceux qui disposeraient de morceaux de musique
rares dans leurs tiroirs. "Partageons nous souvenirs ensemble"
A notre ami Antoine , nous disons que ce n'est pas beaucoup trop tard. Le blog n'a qu'un an d'existence. Il nous reste un long chemin à parcourir ensemble. D'ailleurs , depuis que vous êtes là,
vous contribuez enormément à son succès.
Messager
Je remercie Messager et aussi Kiku de nous avoir permis de retrouver cette chanson « Mwana nsuka ». Cette chanson, on
la chantait parfois de manière naïve et même en riant. Mais elle a été merveilleusement écrite, de la pure poésie, une poésie releguée au second plan par le terrible drame que vit le
personnage principal de la chanson. C'est une peinture on ne peut plus acerbe de notre société, un sérieux réquisitoire contre la bêtise humaine, contre une société qui n'arrive pas à
assurer le bien-être de ses citoyens, depuis l'école jusqu,aux lieux de travail. Tout y passe dans cette chanson, tous les travers, la démission définitive des autorités, le pouvoir
abusif que s'arrogent les enseignants, les infrastructures défaillantes, le chômage et tout le toutim. Et on n'était que dans les années 70, c'est dire si on n'a pas fait du chemin !
Merci beaucoup pour cette magnifique chanson qui montre que dans ces temps-là, on se donnait encore la peine d'écrire de vraies chansons, des chansons qui avaient du sens et une portée, une
richesse et une morale, qui n'étaient pas du rechauffé que nos musiciens actuels nous servent. Pour l'anecdote, sachez que Mbuta Miyalu est mort misereux et dans la plus totale
indifférence, comme presque tous les vrais artistes de notre pays. Je souhaite longue vie au Messager et à tous ses contributeurs
(Kiku et les autres) pour nous permettre de réhabiliter la mémoire de nos poètes disparus, méconnus ou même ignorés.
Bellak
Papatoto, merci pour les fichiers. Auriez-vous aussi quelques chansons de "Bana Odéon" ?.
Messager
Muwan'a Nsuka, je m'en souviens !
Ah mbuta lukasu , yo moko uyebi ndengi nazalaka, tika beseka na bango !
Ainsi était introduite Mwan'a Nsuka, la chanson fétiche, pendant longtemps, des bana kintambo, signé Miyalu Kayonda. Ce Ngembo, ancien de l'école saint Georges, aura évidemment marqué
le milieu des années 70. Il est en effet de l'équipe réuni par Beta Koumaye pour former le Groupe Folklorique de Kintambo, les Bana Odéon, un nom emprunté à l'un des tout premiers orchestres
des débuts de la musique congolaise, celui-ci étant dirigé par le saxophoniste Kasongo, un Ngembo évidemment. Mais l'histoire de Miyalu se confond avec celui d'Odéon. Une success Story,
comme Kinshasa savait en fabriquer, au lendemain d'un passage à la télévision. Souvenez-vous du succès de Minzoto Wella Wella et de sa danse Caneton! Il en est de même de celui drOdéon. le
temps d'un passage à la télévision, avec toutes nos soeurs, moulées dans des joggings qui mettaient en valeurs leurs rondeurs: marthe Loko, la jumelle de Djeskain Loko Masengo ou la frêle
Mankenda egt d'autres soeurs, revenus de l'expérience des gfroupes chocs d'animation du MPR. Le style de ce groupe, basé sur le folklore Bahumbu, comptait dans es rangs de célèbres
chanteurs qui vont d'ailleurs devenirs les premiers atalaku des orchestres kinois comme zaiko ou Choc Star. Ils vont en fait tout chambouler et même ouvrir la voie aux autres floklores comme
celui des mongo et le swede swede.
Tous les vendredi, l'ambiance était à Kintambo ou Ngembo. On venaqit de toute la ville de Kinshasa se trémousser au son du tam-tam des bana Kintambo., dans de petits bars et Nganda. Ici, le
haut cadre se debarrase de son abas-cost le temps d'un concert, pour donner libre cours à ses instincts ancestraux. Derrière cet engouement se cachait un mécène : le grand prêtre Koumaye, et un
as du marketing : Sonnery. Les artistes avaient mission de faire danser et Koumaye reglait chaque mois les salires. Tous les week end, on dansait et on buvait jusqu'à l'aube. A Kintambo on se
donnait rendez-vous au Nganda Mapuya ou au siège d'Odéon du croisement Bangala/Lofoy. Odéon était également mobilisé pour les matanga des bana kintambo. Odéon était à la longue devenue un état
dans un état.
Chaque soirée mbonda s'ouvrait par le "mbonda" les percussions et les danses. les chansons en lingala et kikongo, étaient puisées dans le folklore kongo et humbu. Et comme chanson fétiche,
celle qui clôturait les soirées , Odéom exécutait Mwan'a Nsuka, sans guitare et uniquement aux tam-tam. Quelquefois, avec la guitare sèche. Et là Miyalu Kayonda entrait en scène. Il faut
souilgner qu'il avait une vraie présence. Miyalu dont la famille avait déménagé de Kintambo pour Ozone, continuait de vivre dans le quartier chez ses almis d'Odéon. A chaque éxécution de Mwan'a
Nsuka, on avait droit à une nouvelle version . En effet, l'improvisation aidant, Miyalu Kayonda enrichissait sa chanson de nouveaux testes.
Je tiens à préciser, pour tous ceux qui n'ont pas connu cette époque, et pour messager, que l'accent de Miyalu était emprunté à Beta Koumaye, mécène de son groupe. Il se trouve que pendant
quelques temps même, cet accent était de rigueur dans le milieu d'Odéon. Odéon c'était aussi un état d'esprit et une façon être et de se comporter : un mode propice à la créativité. "D'abord la
danse Zekete zekete va franchir le cap du folkore pour être adopté par zaïko, grâce à notre Nkuya national "l'emppereur Sonnery Zumbu Mayumbu, bras droit de Koumaye et l'un des administrateurs
d'Odéon avant de devenir celui de Zaïko. C'est à cette époque de la rencontre de Jossart et de la Culture Ngembo, inaugurée avec l'ambiance de foot-loisirs des années 70 et prolongée par les
soirées odéon que date le penchant folklorique de Jossart, souvent rapproché à tort du kintueni. je l'ai déjà souligné dans ce blog, le style Zaïko est Humbu, parce qu'il s'inspire
d'Odéon.
Quant au texte de la chanson Mwan"a Nsuka lui-même, il fait beaucoup de clin d'oeil à tous ceux à qui le succès a tourné la tête avant de les reduire à rien, à leur plus simple
expression. Miyalu Kayonda (à prononcer avec l'accent s'il vous plait - le souligne dès les premières notes de sa chanson : Ah mbuta Lukasi, toi même tu sais ce que j'étais, quand j'étais
(riche); laissez-les se moquer (de moi).
Le destin de Miyalu et de son mécène, bien qu'ayant suivi des chemins différents, ont fini par se joindre. Beta Koumaye, chanté par tous les grands groupes musicaux des années 70/80, de l'OK
jazz à l'Afrisa, en passant par les groupes des jeunes, avec en tête Zaiko, a fini sans le sou; tout comme Miyalu. Enivré par le succès de son 45T publié par Alamoule, il s'installera dans un
hôtel juqu'à épuisement de sa petite fortune. Il tentera de se relancer depuis Brazzaville, où l'avait précédé un autre Ngembo célèbre, le griot Kuyena Munzita Banzadio "Vieux Maïs". Je sais
que le Vieux Koumaye est mort il y'a moins de 10 ans, mais je ne savais pas que la mort nous avait ausi arraché Miyalu Kayonda. Il en est ainsi des artistes. ils préviennent les autres des
dangers de l'ivresse du succès et de la rcihesse, tout en s'imaginant que cela ne les concerne pas. En tout cas, à l'auteur de 12 enfants, la vie a fait le plus magnifique des cadeaux
: cet hommage que nous lui rendons sur ce blog, en réagissant et en reécoutant sa chanson fétiche grâce au kindoki des blancs : "kindoki ya mundela emonani na miso ya bantu mama, tala buingi"
chantait-il dans l'une des versions de 12 enfants.
Miyalu Kaonda a gagné sa place dans le panthéon des Grands Ngembo, là haut, à côté de ya Pierre Libanga Botomba Etsike et Nalalunga Lo Unga Ngeli, deux de nos regrêtés aînés qui ont imaginé et
vulgarisé l'animation politique, en s'appuyant sur le riche repertoire des cultures urbaines de Kinshasa et de ses populations flottantes.
Mwan"a Mangembo