Les congolais et la marche militaire
La marche est une forme musicale qui a connu son heure de gloire à l'époque des grands défilés officiels et des processions catholiques à l'époque coloniale. L'une des plus célèbres processions
étant la "mariale" du 15 août. Évènement populaire par excellence le "Nziunga Nkembo" comme disait les bakongo tombant pendant les grandes vacances-certaines entreprises fermant pour l'été de
leurs chefs blancs, mobilisait énormément de monde. Les défilés étaient organisés autour des paroisses de référence, paroisse par paroisse, étant entendu qu'une paroisse regroupait parfois
plusieurs communes. Et pour l'occasion, chaque paroisse faisait appel à une fanfare locale ou militaire voire de police pour ouvrir le défilé.
Chez moi à Kintambo, la fanfare Ste Cécile dirigée par Jeannot Lopongo était toujours présente à côté de celle de la Police et son porte "Lokele" Charlot. la procession partait devant l'Église
Saint François, en direction de l'avenue Lusambo,(on passait devant la parcelle des"Loko -Djeskain", avant de tourner à gauche en direction de Mayi Ya Makelele jusqu'à l'embranchement avec
Kilimani d'où l'on tournait de nouveau à gauche pour rejoindre l'école des filles, le lycée Bolingani. pendant deux heures, on devait faire des prières à marie et chanter des cantiques.Après la
bénédiction, la procession reprenait en repassant par l'avenue Bangala pour retourner à la paroisse où se tenaitent les réjouissances chrétiennes, avec cette fois-ci une ambiance Big Band avec la
fanfare Ste Cécile.
C'est d'ailleurs un ancien de la fanfare Ste Cécile qui a dirigé pendant longtemps la fanfare de l'armée congolaise: Major Kelé.Ami du pianiste Joseph Booto Mandjala (ils étaient voisins sur
l'avenue Bandundu) et de Jeannot Lopongo, il a révolutionné la marche militaire en lui donnant des airs Rumba.
En effet, les marches militaires au Congo, étaient toutes calquées sur le modèle occidental, dont ils reprenaient les airs populaires et ce, jusqu'à ce que, au début des années 70, le Major Kele,
s'inspirant du rythme Sosoliso, africanise la marche militaire. En quelques années, il va élaborer le répertoire le plus rythmé des marches militaires de l'Afrique.Certains ont été édité sous le
label Milipop.
Les français s'en souviennent encore.
Invité en première partie de Julien Clerc à l'Olympia, une formation de 8 fanfaristes des FAZ ont fait danser la salle mythique de Brunon Coquatrix, au point d'avoir droit à un passage à Champs
Elysées, la célèbre émission de Michel Drucker sur la première chaîne française à l'époque de Giscard. Cette série de marche militaire intitulée "Madjesi" est encore d'usage aujourd'hui. il s'est
enrichi de beaucoup d'autres thèmes d'OK jazz ou Afrisa.
Enfin, on notera que la marche d'Edingwe reposant en grande parties sur des airs populaires de deuil et chrétien, a conquis elle aussi les congolais au points qu'aujourd'hui on trouve des
fanfares privés à kinshasa, à côté de celles de l'armée du salut ou de l'église kimbanguiste. le modèle de fanfare "edingwiste" est une formation légère composée d'un tambours, d'une grosse
caisse et d'un ou deux trompettes ou clairon.
Les clairons Sekumbata
Les clairons étaient ceux qui rythmaient la vie des militaires dans les casernes ou camp. Il y avait ainsi le clairon de réveil (celui que reprend Zao dans l'ancien combattant) celui du dîner ou
de la fin des corvées. mais il y a aussi celui de l'adieu aux morts.
C'est en 1972 que j'ai rencontré le plus célèbre des clairons de ma vie. Dans le village de mon père, dans les environs de Nselo. Démobilisé en 1945, il avait ramené avec lui au village, outre
ses médailles, son clairon.,Il était très respecté dans toute la contrée aussi bien pour sa bravoure militaire - il était revenu sain et sauf de la guerre mondiale que pour l'art du clairon qu'il
maîtrisait à la perfection. Quand on sait le respect que l'on voue aux morts chez nous, vous comprenez la place importante qu'il tenait au sein de la communauté.Sa présence à l'enterrement d'un
proche était un signe d'honneur, puisque pour l'occasion, il jouait la partition des "morts", avant les coups de feux "Nkelo". je me souviens encore de lui, arborant avec fierté ses médailles et
croix de guerre, embouchant son clairon d'abord le soir à la tombée de la nuit, puis le lendemain, accompagnant le mouvement des ceux qui devaient déposer le cercueil de mon oncle défunt dans sa
dernière demeure. Une musique si poignante sortait de son clairon que même ceux qui pleuraient se taisaient. je n'ai jamais rien entendu d'aussi poignant depuis.
J'ose espérer que Messager nous retrouvera quelque trésor de marches militaires, à moins que ce ne soit du big bang de Kasongo pour nous rappeler cette belle époque.
Mwana Mangembo