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Publié par Samuel Malonga

L’indépendance de la République démocratique du Congo, proclamée le 30 juin 1960, résulte d’un long combat mené par plusieurs figures aux visions parfois opposées mais unies par un même rejet du colonialisme. Joseph Kasa-Vubu, Patrice Lumumba, Moïse Tshombe, Albert Kalonji et d’autres ont, chacun à leur manière, contribué à faire chuter l’ordre colonial belge. Ils ont incarné à la fois l’espoir de l’unité et les premières lignes de fracture d’un État jeune et vulnérable.

Un combat commun, des chemins parallèles

Dans les années 1950, la contestation coloniale s’intensifie. Joseph Kasa-Vubu, à la tête de l’ABAKO, devient la voix d’un nationalisme d’abord ethnique, avant d’évoluer vers un nationalisme plus politique. Patrice Lumumba, figure montante et leader du Mouvement National Congolais (MNC), articule un projet politique inclusif, résolument anticolonial et panafricain. Face à eux, Moïse Tshombe (CONAKAT) et Albert Kalonji privilégient une logique régionaliste. Tshombe défend l’autonomie du Katanga, riche province minière.

Ces leaders participent néanmoins ensemble aux négociations de Bruxelles. Le 30 juin 1960, l’indépendance est proclamée. Mais les fractures apparaissent aussitôt.

 

Le jour de l’indépendance : l’éclat et le choc

Lors de la cérémonie officielle, le roi Baudouin de Belgique rend hommage à l’œuvre du roi Léopold II, suscitant stupeur et indignation. Patrice Lumumba répond frontalement dans un discours non protocolaire resté célèbre :

Ce discours marque une rupture symbolique et politique, saluée par la masse, redoutée par les élites conservatrices et les puissances étrangères.

 

Sécessions et trahisons

Quelques jours après l’indépendance, le Katanga fait sécession, sous la direction de Moïse Tshombe. Soutenu par des milieux belges et certaines multinationales.

Albert Kalonji, dans la foulée, proclame l’indépendance du Sud-Kasaï.

Face à ces sécessions, Lumumba, isolé mais déterminé, tente de mobiliser l’armée et sollicite l’aide soviétique. Mais il est trahi, d’abord par Joseph Mobutu, puis livré à ses ennemis. Il est assassiné le 17 janvier 1961.

 

Héritage complexe, mémoire partagée

L’histoire a retenu Lumumba comme une icône, en particulier grâce à ses dernières lettres dont celle à son épouse Pauline. Kasa-Vubu, discret président, est resté une figure républicaine. Tshombe, longtemps considéré comme traître par certains, devient Premier ministre en 1964 avant d’être exilé. Kalonji, quant à lui, s’efface dans l’ombre de l’histoire.

Ce qui les relie tous, c’est la lutte pour une souveraineté congolaise, bien que leurs méthodes et visions aient différé. Leur héritage est fait de lumière et d’ombres, mais il constitue la fondation politique et symbolique d’un Congo qui cherche encore, aujourd’hui, à réunir ce que l’histoire avait commencé à diviser.

Voici un tableau comparatif synthétique des cinq principales figures politiques de l’indépendance congolaise notamment Joseph Kasa-Vubu, Patrice Lumumba, Moïse Tshombe, Albert Kalonji et Joseph-Désiré Mobutu, avec leurs idéaux, rôles et héritages respectifs :

 

 

 

Origine / Groupe

Vision politique

Rôle en 1960

Actions marquantes

Limites / erreurs

 

Joseph Kasa-Vubu

Kongo/ Kongo Central

Conservateur modéré, fédéraliste, chrétien

Président de la République

Premier président élu, tente de modérer les conflits, démet Lumumba

Trop hésitant, manque d’autorité,  manipulé par les Belges et Mobutu

 

 

Patrice Lumumba

Tetela / Sankuru

Nationaliste unitaire, panafricanis-te, anticolonial

 

Premier ministre du 1er gouverne-ment indépendant

Appelle à une indépen- dance radicale, dénonce les Belges, refuse les sécessions

 

Trop radical, mal préparé à gouverner, orgueil et isolement diplomati-que

 

Moïse Tshombe Kapenda

Lunda / Katanga

Fédéraliste, libéral, pro-occidental

 

Président du l’État sécessionniste du Katanga, initiateur de la Confédéra-tion des États-Unis du Congo

 

Proclame la sécession du Katanga, collabore avec la Belgique, revient comme Premier ministre en 1964

 

Accusé de trahison, complice dans l’affaire Lumumba, échec politique

Albert Kalonji

Luba / Sud- Kasaï

 

Régionaliste ethnique, traditionalis-te

Chef de l’État autonome du Sud-Kasaï

Proclame l’autonomie puis se fait sacré Mulopwe (roi)

 

Marginalisé, isolement politique, retour à une logique précoloniale

 

Joseph-Désiré Mobutu

 

Ngbandi /

Équateur

Militaire pragmatique, autoritaire, pro-occidental au début

Chef de l’armée, arbitre du conflit Kasa-Vubu / Lumumba

Organise deux coups d’État (1960 et 1965), devient président, installe une dictature

Trahison de Lumumba, autoritaris-me, corruption systémati-que

 

 

Remarques :

Le tableau montre que les divisions idéologiques et ethniques dès 1960 ont contribué à l’échec de la transition démocratique.

- Kasa-Vubu et Lumumba incarnaient une ligne de rupture avec le colonialisme, mais ils étaient irréconciliables.

- Tshombe et Kalonji ont porté la voix d’un Congo fédéral, mais au prix de sécessions soutenues par des puissances étrangères.

- Mobutu, en homme de synthèse et de force, s’est imposé comme la "solution", avant de devenir le principal problème.

Samuel Malonga

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B
Merci monsieur Malonga pour ce rappel historique suscinte mais riche en enseignements. Après ce que nous venons de lire, la situation que vit aujourd'hui la RDC (disons que vit le pays depuis) est prévisible. N'est-ce pas la suite des secessions Kasa-Vubu et Tshombé? Cette histoire même si elle est typique pour la RDC, explique en partie l'instabilité de beaucoup de pays africains.
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