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Publié par Samuel Malonga

Qui n’a pas encore mangé du poisson salé n’est pas Congolais. Ce plat qui fait partie intégrante de la gastronomie congolaise se prépare de plusieurs façon. Il se trouve sur les tables dans plusieurs foyers et garni celles des fêtes. C’est un des mets les plus prisés par les Congolais. Le poisson salé est ainsi appelé pour avoir subi une salaison pour les besoins de conservation. Ce poisson qui est sûrement le plus consommé dans le bassin du Congo a pourtant une très longue histoire.

 

Introduction au Royaume du Kongo

Le poisson salé est venu des contrées lointaines. Il arrive dans le bassin du Congo au XVe siècle grâce aux Lusitaniens qui l’ont amené dans leurs bagages. Lors de son audience à la cours royale à Mbanza-Kongo, l’ambassadeur portugais offre à  son hôte le roi Nzinga a Nkuvu, un plat jusque-là inconnu dans le royaume : une morue salée séchée. Dès la première bouchée, les papilles gustatives du souverain ne parviennent pas à supporter le goût de ce poisson bourré de sel. Cette saveur inconnue fait craindre au souverain la présence de poison. Aussitôt, il crache cet aliment à forte teneur saline. Pris d’émoi, les gardes paniqués se précipitent tout en s’interrogeant "bwe kabueni?" (que lui est-il arrivé). Les Portugais s’en sortent sans problème après avoir témoigné de leur volonté de n’avoir pas voulu nuire à la santé du roi. Mais malgré le constat d’échec de cette toute première dégustation, la morue en dépit de sa forte note saline finit par s’imposer dans la gastronomie du royaume. L’expression "bwe kabueni" (boue kaboueni) qui marque cette découverte gustative désigne aujourd’hui le poisson salé au Congo-Brazzaville.

 

Variétés

Dans la famille des poissons salés existe aujourd’hui une gamme variée. Les diverses espèces se différencient les unes des autres par leur chair dérivée du poisson qui a été industriellement préparé et saliné. On distingue notamment le kisala kindeki ou sala kindeki (littéralement, aile d’oiseau) appelé bwe kabueni au Congo-Brazzaville, ambassade ou makayabu ya pembe, kibola bola (parce qu’il sent le pourri), makayabu ya bitoyo (tilapia séché salé) aussi appelé makayabu ya Kisangani, Kongo ya sika, corvina, le capitaine, etc.  

 

Quel poisson ?

Aujourd’hui, les différentes sortes de poisson utilisées ont multiplié les variétés et les saveurs. Le sala kindeki vient du thon, le tilapia nous donne le makayabu ya bitoyo, du cabillaud sort l’ambassade. Il y a aussi la corvine et la sole tout comme bien d’autres qui entrent dans le traitement des différentes sortes de poisson salé. Au Congo, des produits faits maison sont réalisés avec la transformation du poisson chinchard (mpiodi) autrefois appelé "lamer" est aujourd’hui devenu "thomson", voire avec des poissons pêchés dans nos cours d’eau (rivières, lacs, fleuve). A Pointe-Noire, le makouala fait l’affaire. La méthode locale de transformation du makayabu made in Congo consiste au salage des poissons à la main suivi de leur séchage au soleil pendant plusieurs jours.

 

Le nom

Le mot makayabu est une déformation du portugais "bacalhau" (prononcez : bakaliawu) qui en français signifie cabillaud ou morue. Le poisson salé porte des noms différents. Les premiers termes viennent du kikongo : munsambu, kimungua (en lari), likayabu/makayabu. Ce dernier terme a au fil du temps donné naissance à plusieurs  appellations dans le parler kinois. Les Kinois ont inventé une dizaine de synonymes pour leur plat préféré entre autre likanza/makanza, likanzenze/makanzenze, likian/ makian, likrenze, makarda, makia, kibosha. Cette pléthore de synonymes montre l’importance que les Congolais attachent à ce plat. En Angola, le terme portugais "bacalhau" est souvent employé surtout chez ceux qui n’ont pas vécu au Congo et que l’on appelle vulgairement "shungura".

Dans les années 50-60 à Kinshasa, la locution "mama kangela ngai" (littéralement, maman emballe ça pour moi) devenue plus tard "kangela ngai" désignait toute chair  pimentée cuisinée prêt-à-manger (poisson salé ou fumé, brochette, rôti). Mais étant plus consommées que les autres, les tranches de morue salées grillées à la poêle ont fini par s’imposer en s’appropriant ce nom. Vendu le plus souvent en petits morceaux, ce plat prêt-à-manger épicé au piment rouge était à l’époque la nourriture préférée des célibataires et des fervents disciples de Bacchus. Ces derniers consommaient ces grillades pimentées pour paraît-il atténuer les effets de leur cuite.

 

A table !

Dans plusieurs foyers, le poisson salé grillé ou sec accompagne le plus souvent des plats de haricot,  de pondu ou saka-saka (feuilles de manioc) ou ceux préparés à base de pâte d’arachide (muamba) comme le mfumbwa. La sauce de la morue salée est aussi très appréciée. Le makayabu se prépare de plusieurs façons. Certains cordons-bleus ont créé de nouvelles recettes qui ont enrichi la cuisine et la gastronomie congolaises.

Grand consommateur, le Portugal qui a introduit le makayabu dans le bassin du Congo, importe aujourd’hui du poisson salé de Norvège. Ce pays est de nos jours devenu un grand producteur de la morue séchée et salée.

Samuel Malonga

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K
A la fin des années 50 et au début des années 60, nos mamans préparaient en assaisonnant la sauce d'un poisson qui répond exactement à la description de ce que vous appelez "AILE D'OISEAU", il est salé et a un (parfum) hors la sauce que beaucoup n'aiment. Chacun le nommait selon son ethnie. Nous en DAN on l'appelait GOUAMBA (poisson de lagune) ou GOUAMBA DAGLA (poisson lacunaire en forme de vent, instrument qui sert à vanner le riz). Mais je vous assure qu'on regrette aujourd'hui la disparition de ce poison à la faveur de l'avènement des cubes d'assaisonnement actuel. Quand j'ai vu le titre de cet article c'est la chanson ZONGOLA (moi je vais te manger) de Zao qui m'est venue en tête et je me suis dit c'est pourquoi l'artiste y a insisté sur le poisson salé.
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A
Très instructif acticle, comme Malonga a l'art de le faire. On déplorera le fait que les habitants des plateaux Batéké situés au Gabon, connaissent bien sûr le makayabu, désigné akayebu en Téké de cette zone.
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