LA TONALITÉ EN LOMONGO.
LA TONALITÉ EN LOMONGO.

Père Gustaaf Hulstaert, spécialiste du lomongo
Après avoir évoqué quelques aspects linguistiques spécifiques en langues « ngbandi » et « kongo », nous aborderons aujourd’hui ce qui caractérise le plus le « lomongo », à savoir sa tonalité. Il est de notoriété publique que la plupart de grands artistes musiciens des deux rives sont issus de cette ethnie, et qu’ils disposent d’un accent musical dans leurs gènes.
Avant de décortiquer brièvement la tonalité en lomongo, qu’il nous soit permis de noter que cette notion fait partie de la linguistique, un cours que tout le monde sur ce site n’a pas appris. Nous éviterons à cet égard de soulever les points scientifiques incompréhensibles par le commun des mortels. Raison pour laquelle nous avons privilégié des exemples pour ceux qui ne s'intéressent pas à la théorie.
Pour préparer cet article, nous avons recouru à notre cours de "linguistique africaine" dispensé par le professeur Marcel Kadima, et à « La grammaire du Lomongo », publié en 1958 par Albert De Rop M.S.C , Dr en linguistique africaine , qui s’est inspiré des publications sur la littérature Lomongo, du Père Gustaaf Hulstaert.
Nous estimons que nos différents articles sur les particularités des langues africaines vont servir les nombreux chercheurs qui s’enquièrent souvent auprès de notre site.
Définition de la tonalité.
Selon les notions générales de la linguistique africaine, « phonétiquement le ton est la hauteur relative à laquelle chaque son ou mieux chaque syllabe est prononcée. Cette hauteur, qui est toujours présente, peut avoir une valeur distinctive dans une langue ; cela est précisément le cas pour la grande majorité des langues africaines ».
De son côté, Albert De Rop, le spécialiste du lomongo, écrit que « le ton ( l’accent de hauteur, accent musical) consiste dans une élévation de la voix . Chaque syllabe du mot a sa tonalité propre ». Il ajoute que « le ton est relatif, c’est-à-dire la hauteur varie d’après les personnes qui parlent. (hommes, femmes, ou enfants). Selon qu’on parle plus ou moins vite ». Il précise encore que « le ton est le plus aisément perçu quand des personnes se parlent à distance.
En lomongo, comme dans beaucoup de langues africaines, on distingue deux tons simples : le ton haut- á- et le ton bas –a-. La combinaison de ces deux tons donne deux tons doubles : un ton montant-ᾰ- et un ton descendant-â-.
En lomongo, les tons ont une valeur sémantique, c’est-à-dire qu’ils déterminent la signification des mots.
Exemples.
Bokongo | Dos |
Bokongó | Sable blanc |
Bokóngo | Filtrage |
Bongongo | Queue |
bongóngó | Cerveau |
Bolemo | Travail |
Bolémo | Fureur |
Lifoku | Puits |
Lifokú | Belle femme |
Líná | Abcès |
Lína | Nom |
Lina | Trace |
Nkémá | Force |
Nkéma | Singe |
Les tons ont aussi une valeur grammaticale en ce sens que par eux-mêmes, ils peuvent indiquer un autre temps ou un autre mode d’action.
Exemples.
Passé d’aujourd’hui | Ókelaki, tu faisais (aujourd’hui) |
Passé d’avant | Ókeláki, tu faisais (hier) |
Parfait d’aujourd’hui | Ŏokela, tu as fait (aujourd’hui) |
Parfait d’avant | Óókela, tu as fait (avant) |
Futur immédiat | Óŏkela, tu iras faire |
Présent distanciel | Oókelé, tu fais (là-bas) |
Subjonctif distanciel | Óókele, que tu fasses (là-bas) |
L’intensité ou l’accent dynamique.
Lors de notre cours de linguistique africaine, parmi les exemples relevés pour illustrer l’accent dynamique dans les langues congolaises, les exemples en lomongo venaient en tête.
A cet égard, selon Albert De Rop, l’accent d’intensité ou accent dynamique consiste dans la force plus grande avec laquelle on articule une des syllabes d’un mot.
En général, l’accent dynamique en lomomgo porte sur la 1ère syllabe du radical.
Exemples.
Bo-konji | Chef |
Bo-kulaka | Patriarche |
Á- sanga | Il dit |
Băo-tungama | Ils sont emprisonnés |
Rarement, l’accent dynamique porte sur la dernière syllabe du radical.
Exemples.
Bo-kelé | Œuf |
Lo-kolé | Tambour |
Les radicaux monosyllabiques ont l’accent dynamique sur le préfixe.
Exemples.
Bo-nto | Homme |
Á-yá | Il vient |
Cependant quand un suffixe s’ajoute au radical monosyllabique, l’accent d’intensité ou l’accent dynamique porte sur le radical même.
Exemple
Á-yá-ki | il venait |
Le placement de l’accent dynamique résulte souvent de la dérivation : en cas de dérivation, l’accent porte souvent sur la pénultième ( c-à-d, sur l’avant- dernière syllabe).
Exemples
Ŏlanga | Aimer |
elangéla | Caprices |
Ŏlombola | Adoucir |
Bolombójwá | Adoucissement |
Ósanga | Dire |
Átosangélé | Qu’il nous dise |
Áfótosangélé | Il ne nous dit rien |
Dans un mot composé, chacun des mots composants garde son accent dynamique propre.
Exemples.
Boumámpambá | Toute-puissance |
Ekukúmekú | Taciturne |
itómbenkándá | Facteur |
Chers amis, nous avons déjà souligné la ressemblance de la structure des langues africaines. Nos articles sur quelques langues sont choisis tout simplement à titre indicatif étant donné la rareté des publications disponibles. Ceux qui veulent nous compléter avec d’autres langues sont les bienvenus.
Pour conclure cet article sur la tonalité en lomongo, nous avons sélectionné une chanson dans cette langue, interprétée par Jeannot Bombenga Wewándó dont le titre comporte un accent dynamique :
« Aóntona »
Compilé par Messager