TOUT MUESINGOMBE N’EST PAS MANIANGA
Faisant suite à l’article de Ndombasi Kupessa Ngombo sur les Bakongo de l’Angola (2) publié sur notre site en date du 22 janvier 2012 à travers le lien ci-après : http://www.mbokamosika.com/article-les-bakongo-de-l-angola-2-97672739.html , le Dr Kiatezua Lubanzadio Luyaluka vient de nous recommander son article intitulé : « Tout Muesingombe n’est pas Manianga », repris ci-dessous intégralement.
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Réponse à Ne Muanda Nsemi : TOUT MUESINGOMBE N’EST PAS MANIANGA
Lors d’un pont de presse, diffusé sur la chaine CCTV le mercredi 16 juillet 2014 à Kinshasa (RDC), Mr Ne Muanda Nsemi, Chef spirituel de Bundu-dia-Kôngo, a déclaré, sans ambages et avec insistance, que : « les Besingômbe sont des Maniânga ». C’est pour corriger cette fausseté criante que j’ai décidé d’écrire ces mots au nom de mes frères d’ethnie : les Besingômbe.
Outre les propos de Ne Muanda Nsemi, je vais aussi répondre à une autre fausseté répandue dans les milieux Maniânga comme étant une explication de l’origine de Besingômbe. Il s’agit de la blague selon laquelle les Besingômbe ont été recrutés sur les terres des Maniânga pour aller élever les bœufs outre-fleuve.
Parler des Bakôngo c’est parler des peuples qui partagent en commun le patrimoine culturel kôngo. Cependant il est important pour cerner l’amplitude de l’aire culturel kôngo de comprendre que celui-ci ne se limite pas aux terres du Kôngo dia Ntotila.
Fukiau écrit dans sont livre sur la cosmogonie Kôngo ce qui suit : « Après l’éclatement du premier Kôngo [Kôngo dia Tûku] (…) les gens allèrent constituer d’autres Etats, royaumes et empires d’où l’appellation de Kôngo. Ainsi : Kôngo dia Buênde (appartenant aux Babuênde – Maniânga). Kôngo dia Ntôtila (appartenant au roi), Kakôngo, Etat de Vûngu, etc. »[1]
Ainsi l’histoire affirme-t-elle que, bien qu’étant indéniablement des Bakôngo, car originaires du Kôngo-dia-Tûku, les Maniânga à l’origine ne faisaient pas partie du Royaume de Kôngo dia Ntôtila, royaume dont la Capitale était Mbanza-Kôngo, située aujourd’hui en terre angolaise. Ce fait est aussi appuyé par Georges Peter Murdock comme le rapporte J. Mouyabi en ces termes : "Bwende appartiennent au groupe Kôngo et (…) leur territoire avec celui des Sûndi, Dôndo, Kâmba et éventuellement des Bêmbe formaient le Nsûndi, une province du vieux royaume de Kôngo".[2] La présence dans cette liste des peuples comme les Bêmbe, les Dôndo, montre bien que le « vieux royaume de Kôngo » dont il est question est le Kôngo dia Tûku.
Les historiens nous apprennent aussi que des populations appelaient Anzico, Anzicana, Anziques, etc. habitaient la rive droite du Fleuve Congo et généralement les auteurs les identifient aujourd’hui aux Banzika. Parlant des Banzika, Batshikama donne une explication qui permet de les identifier effectivement aux Maniânga, il nous rapporte ces propos de Duarte Lopez : « Au-delà du royaume de Loango, on rencontre les peuples appelés Anziques, … Le pays des Anziques contient beaucoup de mines de cuivre. Les habitants de ce pays fabriquent en grande quantités des toiles de palme. Ce sont des hommes très lestes, belliqueux, promptes à prendre les armes, etc. » Batshikama ajoute : « Incontestablement, Duarte Lopez ne fait décrire ici que le pays de Badôndo, c’est-à-dire, le Mayômbe (le Vûngu) et le Nord-Ouest de Luôzi. »[3]
Les Banzika, ces populations « promptes à prendre les armes », avec lesquels l’armée de Ntôtila lutait, sont donc les Buênde dont Mouyabi nous a parlé, c’est-à-dire les Maniânga. Les mines de cuivre on les trouve à Boko-Sôngo. Comme l’indique bien le nom, car « sôngo » fait allusion au cuivre.
Il est connu dans l’histoire que les royaumes formés par les Maniânga n’eurent pas la prospérité du Kôngo dia Ntôtila, et que les Maniânga voulaient-traverser le Fleuve Congo, mais sans se soumettre à l’autorité du Ntôtila. Les traversées de ces ethnies Kôngo de la rive droite du Fleuve Congo furent à l’origine des guerres incessantes, car les Ntôtila défendaient leur territoire contre cette invasion. De Munck nous dit à ce propos que le Ntôtila Don Bernado fut tué en 1567 dans le combat contre les Banzika. Don Henrike, Dwadiki prit la place du roi défunt, mais trouva lui aussi la mort dans le combat avec les même Banzika[4]
Pour ce qui est de la tradition kôngo, Cuvelier nous parle des clans du Kôngo dia Ntôtila qui ont été très marqués par les affres de ces guerres et la débandade qui s’ensuivait. Ainsi le clan Ngômbe Tende, que l’on trouve à Zombo et à Luvitûku (Songololo), dit-il : « Maniânga mabuta Ngômbe, Ngômbe ye Ngômbe zikwenda butana. »[5] Puisque l’auteur n’utilise pas des accents circonflexes, ce dicton peut être compris de deux manières :
- Maniânga mabuta Ngombe : les Maniânga sont les géniteurs des Ngômbe.
- Maniânga mabûta Ngombe : les Maniânga ont battu les Ngombe.
Le problème est donc de savoir laquelle de ces deux interprétations est correcte. La première hypothèse implique que tous les Ngômbe sont des descendants des Maniânga. Or je démontre plus loin qu’une grande partie des Besingombe est venue s’installer dans le territoire de Gombe-Matadi en venant directement de Kôngo dia Ntotila, cette migration a eu lieu au début du 19e siècle. Ces clans ne sont donc pas des descendants des Maniânga.
Ainsi donc, à mon sens, l’hypothèse la plus plausible est celle d’un conflit qui a opposé les Maniânga et les Ngômbe et que l’histoire nous rappelle à travers les ndumbululu (poème épique) des clans. Selon cette hypothèse la bonne traduction du dicton susmentionné est : « les Maniânga ont frappé durement les guerriers Ngômbe et, dans leur fuite, ces derniers ont commencé à se disputer, certainement se rejetant les uns sur les autres la cause du débâcle. » La question est donc de savoir : est-ce que la tradition soutient une telle interprétation ?
Nous savons qu’après l’arrivée des Occidentaux et leurs immixtions dans le règlement des successions au trône du Ntôtila, la succession élective a finalement laissé la place à la lutte armée pour la couronne royale ; de là est sorti le dicton : « Kôngo dia ngolo, vo kuna ye ngolo ko, Kôngo kulendi dio yâla ko. »[6]
Or le clan Ngombe Tende que l’on trouve encore à Zombo déclare : « Ngombe Tende, vo kufwidi Tende ko, Kingombe kulendi dio yâla ko. »[7] Il est à noter ici que le problème ne se posait pas au niveau de la succession à la tête des clans, mais du royaume. Il donc clairement stipulé dans ce ndumbululu que personne ne peut gouverner le pays des Ngombe, si les Ngombe Tende ne meurent pas pour son installation au trône. Or le pays des Ngombe Tende n’est autre que le Kôngo dia Ntotila.
En tout état de cause, quelle que soit la succession dont il est question, ce dicton nous montre que les Ngombe étaient des guerriers du plus prospère des royaumes kôngo. Et c’est ces mêmes Ngômbe Tende que l’on trouve à Luvituku (Songololo) et qui se rappellent des affres de la guerre avec les Banzika en disant : « Maniânga mabuta Ngômbe, Ngômbe ye Ngômbe zikwenda butana. »[8]
Nous pouvons lire ce qui suit dans le livre Nkutana za makanda de Cuvellier : « Kinuani kia nwana ye na Ngombe ; buku-buku kia nkamba kilembana na Ngombe sumbuka. »[9] Ce qui se traduit par : Kinuani s’est battu avec Na Ngombe (les guerriers Ngômbe), Kinuani est une barrière faite du bois nkâmba et que les guerriers Ngômbe ne pouvaient pas franchir. Par ce ndumbululu, Kinuanai, dont le nom indique bien qu’il est un clan de guerriers, nous apprend qu’il a affronté les guerriers Ngômbe. Mais qui sont ces guerriers Kinuani qui ont tenu en échec les Ngômbe ?
Cuvellier offre un élément de réponse à cette interrogation en nous apprenant sur la même page que Kinuani et le frère du clan Ntangi a Mbakala. Or nous lisons à la page 100 du même ouvrage concernant lendumbululu du clan Ntangi a Mbakala : « Kindele dia bundi, buku-buku kia nkamba kina lembana anganga zina. » Les deux clans partagent donc la même fierté d’être des guerriers puissants. Cependant le clan Ntangi a Mbakala occupe des villages de Kasi ce sont donc des Buende, des Banzika.
Ceci me permet donc d’affirmer que les guerriers Kinuani, les frères des Ntangi a Mbakala, sont aussi des Banzika qui ont quitté les confins de Kasi et sont allés s’installer sus les terres du Kôngo dia Ntotila situées sur la rive gauche après avoir défait les Mayombe, comme leur ndumbululu le proclame : « Mwana mbulu watalana ye Mayombe maka-maka. »[10]
Les Mbinda Manianga sont un autre clan Buende qui se rappelle des conflits entre les Banzika et les Ngombe et la défaite de ces derniers. Leurndumbululu comprend cette ligne : « Manianga nkwa Nkenge wayangumuna Kingômbe. »[11] On apprend donc par ces propos que les Manianga ont provoqué les Ngômbe, certainement par leur pénétration outrancière dans le territoire du Ntotila sans vouloir se soumettre à son autorité.
Tous les témoignages évoqués ci-dessus constituent donc une confirmation du fait que les Maniânga ont affronté les guerriers Ngômbe. Ces défenseurs de l’autorité du Ntotila se faisaient aussi appeler les Ngômbe za Nsala, expression donc qui n’a rien à voir avec Gombe-Matadi et Gombe-Lutete.
De Munck confirme les faits expliqués ci-haut. Il dit : « Qui sont les Banzika ? Ce sont ceux que nous appelons par un nouveau nom les Maniânga : dans leurs vrais noms ce sont des Babwende et des Basûndi. »[12] De Munck ajoute qu’ils eurent beaucoup de guerres contre les Ntôtila, mais plus tard ils se soumirent à l’autorité du roi et acceptèrent de payer l’impôt. Ce qui implique une intégration tardive des clans des Banzika dans le Royaume Kôngo.
C’est dans l’invasion des Maniânga à la rive gauche du Fleuve Congo et les guerres que menèrent les Ntôtila contre ces envahisseurs Banzika qu’il faut donc situer les origines des populations qui forment aujourd’hui l’ethnie Besingômbe. Ces guerres opposaient les Buênde et les Basûndi, desquels nos alleux se distinguaient clairement en les appelant les « Maniânga ma Ngômbe », contre les guerriers du Ntôtila qui se faisaient appeler les « Ngômbe za nsala » ou les taureaux volants. Les Besingômbe d’aujourd’hui sont donc un mélange qui inclut entre autres les « Ngombe za nsala » et les Maniânga ma Ngômbe ».
Mbuta Bisadidi Siwambanza de Kivianga, village situé non loin de Ngombe-Lutete, qui tenait à me faire voir que les Besingômbe actuels ne sont pas tous des originaires de Maniânga et que les Ngômbe za nsala ne sont pas originaires de la rive droite du Fleuve Congo, m’a rapporté les faits suivants : lorsque les vieux de sa contrée veulent parler de manière à ne pas se faire comprendre aux jeunes, ils utilisent la langue profonde des « Ngômbe za nsala » qui est le Lungombe ou le Lungongo. Pour Mbuta Bisadidi, l’une des différences entre les « Maniânga ma Ngômbe » et les descendant des « Ngômbe za nsala » est que les premiers disent « kâni » pour traduire la négation à l’instar des Buênde, tandis que les second disent « nkatu » comme c’est le cas avec la beaucoup de dialectes de Kôngo dia Ntôtila.
Le fait que la vraie langue des Ngômbe za nsala se dit le Lungombe ou le Lungongo, laisse à penser que ces guerriers devaient être en grande partie des originaires des régions de Kôngo dia Ntôtila portant les noms de Ngômbe et de Ngôngo, ou alors ils devaient avoir un lien avec les différents clans Ngômbe et Ngôngo du Kôngo dia Ntôtila. Ainsi, tout comme le terme Lungongo qui est synonyme de Lungômbe, l’expression Besingômbe ne fait-elle donc pas nécessairement allusion à Gombe-Matadi ni à Gombe-Lutete.
On trouve bien à Kôngo dia Ntôtila des régions, tout comme des rivières, qui sont désignées par les termes Ngômbe et Ngôngo ; on trouve aussi à Kimpangu des clans nommés Ngômbe et Ngôngo.[13] Il faut noter aussi que les historiens reconnaissent l’existence des Bangômbe. De Munck cite les ethnies Kôngo en disant : « Certains Bakôngo sont appelés Maniânga, les autres Basûndi, Bazombo, Bampângu, Bandibu, Bambata, Mimboma, Bangombe. »[14]
Les faits historiques évoqués ci-dessus impliquent que si les Bangombe sont des « Maniânga ma Ngômbe » leur origine doit être la rive droite du Fleuve Congo, le fief originel des Babuênde et des Basûndi. Par contre si leur origine est au Kôngo dia Ntôtila, comme je le soutiens ci-haut, cela doit se vérifier par les généalogies. Il est de tradition que chaque famille Kôngo garde les traces de ses origines, ainsi les généalogies constituent-elles les preuves les plus fiables concernant les origines des peuples chez les Ne-Kôngo.
3.2.1La généalogie de Ne Kiâna Mazâmba
Les missionnaires protestants de Gombe Lutete appelaient « Zunga kia Kiâna » la région des Besingômbe qui comprend les villages des besi Kinkênzi kia Lukeni Nkênzi. Cette appellation était en l’honneur de Ne Kiâna Mazâmba, mon ancêtre qui était l’homme le plus riche de la contrée. On trouve les Lukeni Nkênzi entre autres dans les villages suivants de Besingômbe : Kimpête, Zênga, Kimôngo, Ngându, kilua, Kinkele, etc.
Le Lusansu de Besi Kinkênzi de Kimpête et de Zênga dit ceci : « N‘tuka Kôngo mu mpayik’êto mu kânda dia kinkênzi kieto, e vata dia ntete tua tûnga Tûku. Ma vata tua landa tûnga êma : Lufuku, Pâza, Mbidizi, Kinkânda Kindûndu. Tuvâmbane bankaka bêle kinsaku, beto tuizidi tûnga Mbanza Kiûlu. Ni Nsânda mia Nsûndi tûngidi Kinsânda. Ni Kiâna Mazâmba wele tûnga Malônga ma Kiâna.» Ce qui se traduit par : « Depuis les origines, quittant nos frères de Kinkênzi, nous avons d’abord habité Tûku. Puis nous nous sommes établis dans les villages suivants : Lufuku, Pâza, Mbidizi, Kinkânda Kindûndu. Nous nous sommes séparés, certains sont partis à Kinsaku, nous nous sommes venus nous installer dans la ville de Kiûlu. Ni Nsânda mia Nsûndi s’est fixé à Kinsânda. Ne Kiâna Mazâmba est allé habiter Malonga ma Kiâna.»
Il est à noter qu’il n’est pas ici question d’une traversée quelconque du Fleuve Congo, préalable pour être un Maniânga chez les Besingômbe. Ne Kiâna Mazâmba et sa suite sont donc venus du Sud, de Kôngo dia Ntôtila, car ils sont passés par la ville d’Ambriz, appelé Mbidizi en Kikôngo. Or Ambriz est située en Angola, comme nous le montre bien de Munck[15]. C’est donc de Kôngo dia Ntôtila que les descendants de Ne Kiâna Mazâmba sont venus occuper leurs villages de Kimpête, Zênga et Kimôngo au début du 19e siècle.
Dans son livre intitulé Nkutana n’vila za makanda, Cuvelier nous fixe sur les origines des Nkênze a Nzînga en donnant leur ndumbululu (poème épique) où on peut lire : « Nkênze a Nzînga wa kaya nkuwu muna wene wa Kôngo dia Ngûnga. » Dans ce vers Nkênze a Nzînga nous annonce fièrement que c’est lui qui à Kôngo dia Ngûnga, un autre nom de Kôngo dia Ntôtila, distribuait les bâtons de commandement ; en d’autres termes, Nkênze a Nzînga se vante d’avoir été un haut fonctionnaire de la cour de Ntôtila. Ceci indique sans équivoque que Nkênze a Nzînga n’est pas un Maniânga, car nous avons vu que les Maniânga ne faisaient pas à l’origine partie du Kôngo dia Ntôtila[16] ; les clans sortis de Kôngo dia Ntotila ne sont donc pas des Maniânga.
Or Cuvelier poursuit en donnant les villages où habitent actuellement les Nkênze a Nzînga : Nsûndi, Luseka, Fuâtu. Il précise que tous ces villages sont du secteur Gombe Matadi. Cependant, il faut ajouter à cette liste : Zonzo Ntâmpa, Kilwa et Yânda que cite aussi l’auteur. Tous ces villages sont occupés par des Besingombe. On doit donc à fortiori conclure que ce sont des populations assimilées aux Bangômbe, car ils sont venus du Sud, de Mbanza Kôngo, et n’ont donc pas eu à traverser le fleuve Congo pour atteindre la terre de Besingômbe.
Concernant le lusânsu de Mfumu Kimbangu, il est connu que son père est un Maniânga ma Ngômbe du village de Nkâmba. Mais les Bakôngo sont matrilinéaires, ainsi il est donc question de savoir plutôt quelles sont les origines du clan de sa mère.
L’histoire nous rapporte ceci : Nsengele Kia mbota, l’ancêtre du clan de Simon Kimbangu, sorti de Mbanza-Kôngo avec sa nièce Maman Mfuilu, ils s’installèrent à Songololo, puis la descendance s’installa à Botongo et Sawana. Sawana est le village voisin de Kimpête dont nous avons parlé ci-haut. La généalogie du prophète Simon Kimbangu indique donc que l’origine de son clan est au Kôngo dia Ntôtila.[17]
Le prophète Simon Kimbangu est donc un Mungombe établi sur les terres des « Maniânga ma Ngômbe » à Nkâmba. Ce fait est connu dans son clan, dont les souches sont encore présentes au village Sawana.
Ma mère, descendante de Ne Kiâna Mazâmba, est du clan Lukeni Nkênzi. Elle est donc une Mungombe. Les terres du village de Kimpête, village de ma mère, appartiennent aux clans Kinkênzi et Nlaza Mpânzu, le clan de mon grand-père maternel, dont le village s’appelle Belge (Belezi). Les Besibelezi, des Nlaza Mpanzu, sont des Maniânga ma Ngômbe.
Quant à mon père, il est du village de Yânda, que l’autorité coloniale dans sa politique d’intégration des petits villages a rattaché au village de Mputu du secteur Ntimansi. La généalogie de Kiatezua Kuamadio, mon père, indique une origine septentrionale de son clan de Kinzînga. Une partie de la famille de mon père se trouve à Mpati, village situé en plein territoire Maniânga ma Ngômbe.
Lorsque l’on considère l’axe Nkâmba-Mbanza-Ngûngu en passant par Kimpête, le chemin emprunté par le prophète Simon Kimbangu lors de son arrestation, les dernières terres des Maniânga ma Ngômbe sont celles des villages Mputu et Belge et le premier village des Bangômbe est Kimpête. Au-delà donc de Kimpête toutes les populations sont venues donc directement du Sud, du Kôngo dia Ntôtila : ce sont donc des Bangombe qui partagent la frontière avec les Bandibu.
Quant à l’assertion selon laquelle les Besingômbe ont été amenés du Maniânga pour élever les bœufs, seuls des gens qui ne font aucun effort de réflexion peuvent l’admettre. Car une telle affirmation implique au moins l’une de ces affirmations :
- Les Maniânga sont des experts en élevage de bovin, or il n’y a rien chez les Maniânga pour étayer un tel argument ; d’ailleurs la viande préférée des Banzika, jusqu’à ce jour, c’est celle du porc ; qui ne se souvient pas là-bas de ngulu mako ? Celui qui doute de cette dernière affirmation n’a qu’à bien relire l’histoire de l’académie initiatique Lêmba.
- Les Bangombe trouvaient l’élevage des bœufs tellement rabaissant, qu’il eut fallu que les ouvriers de conditions inférieures viennent du Maniânga ; hypothèse que les Maniânga consciencieux n’accepteront pas.
- La région occupée par les Besingômbe est plein d’élevages de bovin. Or, je n’ai jamais trouvé une seule tête de bœuf dans les villages que j’ai eu à traverser dans ma jeunesse de Kimpête à la rivière Ngôngo sur le chemin de Mbanza-Ngûngu. Dans ce cas en quoi ces Bangômbe sont-il des spécialistes en élevage de bœufs ?
Aux dires de Mbuta Bisadidi Siwambanza, celui qui a initié l’élevage des bœufs parmi les Besingômbe c’est Mfumu Lutunu, qui a eu des têtes de bétail en métayage à Moerbeke. Combien des Maniânga aurait-il eu besoin pour son petit élevage ? Pas tout un village si c’était le cas. En outre, Mfumu Lutunu a succédé à Mfumu Makitu. Pourquoi un chef régnant déjà sur les Besingômbe, aurait-il eu besoin d’exporter de la main d’œuvre Maniânga ? Et comment dans ce cas ces derniers seraient-ils considérés aujourd’hui comme les seuls Besingômbe ?
Tout Maniânga qui avance cette thèse doit donc accepter que Mfumu Lutunu a jugé que garder les bœufs n’était pas une tâche qui devait occuper ses nobles administrés, d’où il lui a fallu faire venir des Maniânga, des gens prêts à tout besogne au bénéfice des Besingômbe de souche ! Pourquoi un Manianga fière de l’être peut-il soutenir une telle fausseté ?
J’ai montré ci-haut que l’expression Besingômbe, n’a pas nécessairement trait aux missions de Gombe Matadi ou de Gombe Lutete ; ces missions ne sont donc pas à l’origine de l’appellation de l’ethnie de Besingômbe. Sur le plan grammatical Besingombe veut seulement dire ceux qui habitent Ngômbe. Combien des Ngombe il y a-t-il en territoire Kôngo ? Cuvelier dans l’ouvrage précité nous parle de Ngômbe-Kimpangu (p. 24), Gômbe à Hombe, près de la rivière Madimba (p. 46), Ngômbe Makulukulu (p. 53), etc. Il y en a même un ici à Kinshasa, cette commune de Ngômbe que nous avons francisée en Gombe.
Comment appelle-t-on en Kikôngo les habitants des tous ces Ngômbe ? Pour celui qui connait parfaitement la grammaire Kikôngo la réponse est évidente : Besingômbe. On trouve donc plusieurs gens dans le territoire de l’ancien Royaume du Kôngo qui sont des Besingômbe, sans être des Maniânga ma Ngômbe ni des Bangombe ou Bangongo. Il serait donc insensé de prétendre que tous ces gens sont venus de Maniânga pour élever des bœufs. Simon alors où élève-t-on des bœufs dans la commune de Gombe à Kinshasa ?
Les Besingômbe ne sont pas tous des Maniânga, ni ne sont-ils tous de l’ethnie appelée Besingômbe. Cette ethnie est composée principalement de trois groupes : d’abord il y a les Maniânga ma Ngômbe, venus de la rive droite du Fleuve Congo, non pour élever les bœufs, mais par souci d’extension du territoire des Babuênde et de Basûndi vers le sud du fleuve Congo pour profiter de la richesse du Kôngo dia Ntotila ; et ensuite il y a les Bangombe (ou les Bangongo) qui sont venus les contrer pour empêcher l’invasion. A ces deux groupes il faut ajouter ceux qui sont venus plus tard du Sud pour occuper le no man’s land resté entre les deux groupes et qui sont aussi à identifier aux Bangômbe.
Par Kiatezua Lubanzadio Luyaluka Ph.D. Hon.