Qui était Pereira, le gourou du football Kinois?
Chers Mbokatiers,
Le sujet que nous allons aborder aujourd’hui est assez complexe. Il faut beaucoup de courage pour l’aborder, car certaines personnes vont même nous taxer de fétichistes. Sachez que pour avoir évolué dans le sillage des sportifs, avec notre curiosité légendaire, nous été des témoins oculaires de plusieurs scènes et actes rocambolesques sur notre football.
Considéré en RD Congo comme notre sport-roi, le football n’est pas une science exacte. En conséquence, il ne respecte aucun principe ou règle immuable. Dans notre pays, nos équipes de football sont assujetties à une pratique qui est propre à notre culture. Les sportifs appartiennent à un monde où les acteurs principaux sont issus de toutes les couches sociales de la population. Il est donc difficile à un groupe d’imposer sa vision et ses propres convictions aux autres.
Lorsqu’on fait partie d’une même famille sportive, les relations qui vous régissent aux autres membres sont purement circonstancielles. Le plus souvent, chaque dirigeant, chaque supporter a sa propre vision sur la conduite des affaires dans leur club, cependant tous sont animés par un seul idéal. Celui de conduire toujours leur équipe sur le chemin de la gloire et de la victoire. Pour ce faire, tous les coups sont permis.
Un homme est resté très longtemps sur la scène sportive kinoise. Pour l’avoir connu et côtoyé, nous nous permettons de vous le présenter. Cet homme est un véritable phénomène de société. Il a marqué de sa façon, la vie du football à Léopoldville. Pereira, car c’est de lui qu’il s’agit était de son vivant, l’homme le plus fréquenté par les sportifs Kinois. Avec toutes les réserves d’usage, découvrez cet homme. Vous auriez ainsi levé ce mystère qui plane sur son nom. Qui était-il ? Comment est-il entré sur la scène sportive ? Après avoir lu cet article, vos critiques et observations seront les bienvenues.
Qui était Pereira, le Gourou du football kinois ? |
Originaire d’Uige en Angola, Pereira que certains désignaient sous le sobriquet de Rail, pendant que lui-même adorait qu’on l’appelle avec son surnom de Dynamique est un vieux kinois, arrivé à Léopoldville avant l’accession de notre pays à l’indépendance. Il était employé à l’usine TEXAF, l’actuel UTEXARFICA.
A l’instar de tous les angolais de sa génération, il n’a éprouvé aucune difficulté pour s’intégrer dans son domaine de prédilection, dans l’ambiance et la vie mouvementée de la capitale congolaise. Lui, c’est le football qui l’a rendu célèbre, non pas en tant que joueur, mais grâce à son statut de « préparateur psychologique » hors pair.
Le récit que nous allons vous faire vivre ici est véridique. Par respect et pour ne pas blesser certaines personnes ou porter atteinte à leur intimité, nous l’avons amputé de quelques faits réels qui pouvaient faire mal aux personnes concernées ou à leurs progénitures. C’est de sa propre bouche que Rail nous a raconté la manière dont il a mis ses connaissances mystiques au service du football de notre pays.
Vieux Rail est entré dans les milieux footballistiques de Kinshasa de manière très fortuite. Le seul élément que je ne peux pas vous confirmer avec précision, c’est la date exacte où cet évènement avait eu lieu. Toutefois, nous savons que cela remonte à l’année1954.
Le championnat de l’AFLEO touchait à sa fin. Le sprint final devait se jouer entre Daring qui occupait la première position au classement partiel et le FC V-Club son poursuivant immédiat qui le talonnait de très près, avec un écart d’un petit point. Un simple match nul suffisait aux verts blanc pour remporter le titre de la saison dans la mesure où leur goal average était très favorable, quel que soit le résultat qui allait sanctionner l’autre rencontre qu’allait livrer les verts noir.
En cette journée mémorable qui allait consacrer leur couronnement, toutes les dispositions furent arrêtées dans le clan vert et blanc pour que le match programmé ce dimanche-là se transforme en une fête. Tous les joueurs de Daring, firent une entrée en fanfare au stade Roi Baudouin. Ils étaient habillés pour la circonstance avec des chemises dernier cri de couleur blanche de marque « Arrow », qui rappelait l’élégance à l’époque. En outre, chaque joueur portait un sac à main pimpant neuf où était rangé ses équipements sportifs. C’était la grande classe de cette équipe dirigée de main de maître par le Révérend Père Raphaël de La Kéthule de Ryove.
L’adversaire du jour s’appelait Vaticano, sa bête noire. Mais avec un moral gonflé à bloc, les imaniens étaient certains de rompre cette malheureuse tradition qui les liaient aux bleus noirs. Hélas, à l’issue des 90 minutes règlementaires du jeu, le FC Vaticano resta égal à sa légende. Il l’emporta haut la main sur le score significatif mais serré de 1 but à 0. Adieu, veaux et vaches ! Les imaniens, la queue entre les pattes rentrèrent en pleurs à leurs domiciles, surtout que V-Club leur ennemi juré qui remporta son dernier match, coiffa sur la ligne d’arrivée son éternel en remportant le titre de champion de cette saison.
Le football en tant que sport de masse a toujours occupé le devant de la scène dans notre vie courante. Au lendemain de cette défaite qui priva au FC Daring le titre de la saison, toutes les discussions se focalisèrent autour de cette rencontre dans les différents lieux publics. C’était la routine chaque lundi où les fanatiques des grandes équipes rivalisaient d’ardeur dans leurs commentaires en se rappelant les bons moments vécues durant le week-end dans les différents stades. Un ami de Pereira, de surcroit daringmen, était ce lundi de triste mémoire la risée de tous ses collègues de travail qui profitèrent de cette occasion pour vilipender son équipe.
Pereira, feignant de se désintéresser de cette discussion, avait pourtant suivi toute la scène. Pris de compassion pour son compagnon, il le prit en aparté et lui avoua qu’en bon muzombo, il était dépositaire de certains pouvoirs traditionnels et ancestraux qui étaient désignés dans son bled sous le jargon de « Ntuka Kongo ». Pereira insista qu’il suffisait de mettre ses connaissances au service de Daring pour que la joie et le sourire reviennent dans les rangs de leurs nombreux supporters. Mais qu’avant de se mettre à l’ouvrage, il ne pouvait travailler qu’avec l’accord tacite des leurs dirigeants. Or, il se fait que Daring, c’était l’équipe de Père Raphaël, un Prêtre qui ne pouvait pas encourager des telles pratiques dans l’encadrement des jeunes footballeurs.
Mais se faisant violence, cet agent de TEXAF pris son courage entre ses mains et décida de se confier à Ebumba Piola et Ntela Henri, deux des joueurs les plus en vue de leur équipe qui pouvait porter la bonne nouvelle dans les oreilles du responsable n° 1 du club. Après avoir écouté religieusement le récit de ce supporter, Ebumba et Ntela n’hésitèrent pas un seul instant pour affronter leur président à qui ils ont reporté cette information, d’autant plus que ça faisait belle lurette que les daringman étaient au courant que V Club était déjà plongé dans ce genre des pratiques qui faisaient leur force. Après avoir écouté religieusement ses joueurs, le Père Raphaël piqua une crise de colère.
Dans un premier temps, il opposa un niet catégorique à cette démarche qui ne cadrait pas avec ses convictions réligieuses. Mais suite à son refus, il s’ensuivit un bras de fer entre d’une part, les joueurs qui décrétèrent une grève des jambes et d’autre part, leur dirigeant qui finit par céder face aux caprices de ses joueurs. Aussi, après plusieurs conciliabules, Tata Raphaël, en personne accepta de rencontrer ce faiseur des miracles. Toutefois, il posa certains préalables qui selon sa logique auraient arrêté cette démarche, car estimait-il, Pereira n’était qu’un imposteur et qu’il serait incapable de satisfaire sa curiosité. C’est là qu’il se trompa.
Jean Koke Miezi
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Astrid
L'Eglise St. Pierre et
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