Parents des personnalités politiques congolaises.
Il y a dans la vie, des gens qui écrivent l’histoire non pas directement mais par
leur progéniture interposée. Ils font parler d’eux à travers leurs enfants. Ils ont en amont joué le rôle d’encadreur, de préparateur parfois de conseiller. Ils sont comme tous les parents du monde mais peut-être
qu’ils sont nés avec une belle étoile. Auraient-ils seulement deviné un jour que leurs enfants deviendraient des grands hommes qui marqueraient les esprits et que leurs noms survivraient longtemps après leur disparition ? Avaient-ils pensé un seul instant que leurs fils ou leurs filles pèseraient de leur poids dans l’histoire du pays dans tel ou tel domaine ? Qui aurait d’ailleurs cru que ces gosses deviendraient un jour de respectables messieurs? Il y a dans certaines nations développées des parents qui préparent leurs progénitures à une carrière précise parfois même à devenir un jour président de leur pays. Tel fut le cas de John Kennedy, de George W. Bush ou de Martine Aubry. Chez nous, à part peut-être les Kanza, rien n’était prédisposé à ce que Lumumba, Kasa-Vubu, Mobutu ou même Laurent- Désiré Kabila jouent les premiers rôles dans l’histoire de notre pays. Si le premier ministre était né dans une famille pauvre, les deux premiers présidents par contre étaient devenus orphelins de père dès le bas âge. Il faut avouer que ces personnalités avaient ce caractère et ce tempérament indispensables à tous ces grands hommes qui marquent leur époque de leur empreinte. Outre cette volonté de fer qui les avaient animés, dame la chance étaient aussi de leur côté. Si certains avaient bénéficié d’un concours de circonstance, d’autres étaient jusqu’au-boutistes. N’oublions pas aussi de relever le courage, la ténacité et la persévérance dont ils ont fait preuve pour atteindre les sommets malgré les difficultés rencontrées. Qui sont alors ces parents dont les enfants sont devenus des personnalités et dont les noms se confondent avec l’histoire du Congo ? Ils sont certes nombreux mais nous parlerons aujourd’hui d’un homme et de deux femmes.
Mbuta Daniel Kanza
Le nom de Daniel Kanza Kinsona avait presque toujours été précédé de l’adjectif « mbuta » qui en langue kikongo veut dire « grand-frère ». Né en 1905, il était sûrement le doyen d’âge des leaders de l’Abako dont il fut le vice-président. Il était peut-être aussi le plus âgé des hommes politiques d’avant l’indépendance. Sûrement ses « petits-frères » du parti tels les Kasa-Vubu, Nzeza-Nlandu, Kingotolo et autres Bikebi ou Batshikama l’appelaient « mbuta » parce qu’il était leur aîné. Homme politique de première heure, il participa aux travaux de la Table ronde de Bruxelles en 1960 dont il était le premier vice-président. Mbuta Kanza dont le nom est cité dans Indépendance cha cha a eu une progéniture presque universitaire. C’est à lui que revient paraît-il la paternité du slogan «Kimpwanza» (indépendance) repris dans la chanson de Kallé Jeff. Ce qui est frappant, c’est le fait que certains de ses enfants avaient été dans les premières loges. Le Congo se rappellera toujours de cette famille, comme nulle autre à l’époque, qui avait fait figure de pionnière à bien des égards. Tenez : le papa lui-même fut le premier gouverneur congolais de la ville de Kinshasa et premier détenteur de la carte de mérite civique n°1 au Congo ; ses enfants André Kanza fut le premier expert-comptable, Thomas Kanza (1933-2004) fut le premier universitaire laïc, Sophie Madeleine Lihau Kanza (1940-1999 ) fut la première femme ministre et Philippe Kanza fut le fondateur et premier directeur du Conservatoire National de Musique et d’Art Dramatique aujourd’hui INA. Cette famille a dans le passé joué un rôle important dans l’histoire socio-politico-culturel du Congo. Le patriarche fut fondateur de Abako aile Kanza puis plus tard de l’ALCO (Alliance des Congolais). En réalité Kanza était Nkanza en kikongo. Mais le nom fut quelque peu francisé. Ce fut aussi le cas de Sona-Bata au lieu de Nsona-Mbata ; Sona-Nkulu au lieu de Nsona-Nkulu ou Kokolo pour Nkokolo. Notons que papa Daniel Kanza passa 13 ans dans la Force publique et y était sorti sergent-major et aide-comptable. Il fut aussi membre du conseil Exécutif Provincial en 1960, correspondant à La Voix du Congolais, député national et dignitaire de l’Ordre national du Léopard. Décédé à 85 ans le 28 août 1990, il repose à Kilanda, son village natal près de Luozi dans le Bas-Congo. En 2010, à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance, la Fondation Mbuta Daniel Kanza (FMDK) fut créée par ses petits-enfants pour réhabiliter sa mémoire et pour pérenniser ses idées socioculturelles. Mbuta Daniel Kanza a eut onze enfants dont sept avec sa première épouse maman Elisabeth Mansangaza. Il est en tout cas un des rares hommes politiques congolais à avoir donné à la nation autant de personnalités aussi éminentes.
Maman Julienne Amato, avec son fils Louis-Richard Lumumba. Photo prise en 1972.
Une maman a eu la chance et le bonheur d’enfanter celui qui sera l’homme politique congolais le mieux connu en dehors de nos frontières, le plus craint par les Occidentaux au lendemain de l’indépendance et le plus vénéré plusieurs années après son assassinat. Cette femme à qui Dieu a donné ce privilège s’appelait Julienne Amato. Elle était inconnue du grand public. Et pourtant c’était elle qui fut la mère de Patrice Lumumba. Contrairement à son fils qui aura une vie éphémère, et bien que la date exacte de sa naissance ne soit pas connue, elle est morte à l’âge de cent ans ou presque le 13 juillet 2000. Elle a vécu simplement comme toutes les mamans congolaises, loin des caméras et de la curiosité des gens alors que le nom de son fils était porté aux nues dans bien des pays. De par sa longue vie, elle a vu se défiler devant elle les moments forts de l’histoire du Congo pendant au moins un siècle. Maman Amato a non seulement été la mère du premier ministre puis du héros national, mais aussi une des bibliothèques de notre pays et la mémoire de sa famille. Née tout comme mbuta Kanza alors que le Congo était une propriété de Léopold II, elle traversa tout le 20e siècle et ne s’éteindra qu’à l’aube du second millénaire. Elle aura tout vu : L’Etat Indépendant du Congo, Le Congo belge, la république du Congo jusqu’à la RDC actuel en passant par le Zaïre. Elle a vécu tous les soubresauts qu’a connu le Congo. Sa plus grande peine de mère aura sûrement été le fait de n’avoir pas vu le cadavre de son fils, et de n’avoir pas fait son deuil selon les normes de nos us et coutumes. Son célèbre fils Patrice était ami au fils de mbuta Kanza, Thomas. Quelle vie heureuse qui avait été la sienne pour avoir vu plusieurs générations de sa descendance. Mais quelle vie heureuse qui avait été la sienne pour avoir vécu si longtemps. Elle s’en est allée comme elle a vécu, simplement et incognito. Dommage que les médias congolais n’aient pas fait écho de sa disparition. Le peuple congolais n’avait pas rendu un ultime hommage à celle qui pourtant fut la mère de l’un des plus dignes et nobles fils que notre pays ait eu. Maman Amato fut l’épouse de papa François Tolenga, le père de Patrice Lumumba.
Maman Marie-Madeleine Yemo avec son fils J.D. Mobutu
http://archives.tsr.ch/player/personnalite-mobutu
D’elle, Mobutu disait que non seulement il l’aimait mais aussi qu’il l’adorait. D’elle, le fils garda une image pieuse presque religieuse. Cette brave dame svelte n’était autre que Marie-Madeleine Yemo. Selon le témoignage du président lui-même, pour se choisir le nom de l’enfant qu’elle aurait voulu que les familles amies l’appellent, elle n’hésita pas à prendre le prénom du fils aimé. Jusqu’à sa mort, on l’avait toujours appelée « mama na Joseph ». Entre la mère et le fils existait une sorte de complicité mutuelle. Elle n’avait ni rôle ni titre officiel mais était considérée comme la « mère de la nation », un peu comme le fut la reine-mère au Royaume Uni. Elle était donc une référence mieux la déesse qui enfanta dieu. Après tout n’était-il pas la mère de Joseph ? Ayant fait preuve d’allégeance à l’amour qu’il portait pour sa maman, le président n’hésita pas à donner son nom au plus grand hôpital de Kinshasa qui disait-on recevait la moitié du budget alloué à la santé. Son buste y sera même placé mais sera profané lors de la chute de Mobutu. A Lubumbashi, la deuxième ville du pays, il y avait aussi une avenue Mama Yemo. Lorsqu’elle meurt en 1971à Gemena, on lui ferra des obsèques quasi nationales avec drapeau en berne et quelques jours de deuil déclarés. Des chefs d’Etat étrangers viendront assister à ses funérailles dont un certain Jean-Bedel Bokassa. Jeannot Bombenga sans oublier Tabu Ley composeront des chansons pour marquer sa disparition d’une pierre blanche. Le nom de mama Yemo revenait aussi bien des fois dans les chansons révolutionnaires de différents groupes d’animation politique. Le maréchal fut le premier fils qu’il a eu de son deuxième lit avec papa Albéric Gbemani qui selon le président lui-même fut cuisinier. Celui-ci mourut en 1938 dans cet hôpital qui 33 ans plus portera le nom de son épouse mama Yemo.
Samuel Malonga
Samuel, comme convenu, j’ajoute une des premières photos de famille prise en 1935. Le jeune Mobutu est assis à l’avant-plan. Derrière lui, sa mère mama Yemo et son père Gbemani (D.R)
Cette photo est extraite du Livre : Mobutu, dignité pour l’Afrique, par Jean-Louis Remilleux, 1989.
Elle complète ton intéressant article sur les parents des personnalités congolaises.
Messager