More More, l’héritier spirituel du football congolais (Suite et Fin)
More More, l’héritier spirituel du football congolais (Suite et Fin)
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KEMBO ET KAKOKO
Daring a connu ses moments de gloire avec Pereira. Dragons avait fait autant avec Vieux Bony. V-Club qui n’est pas né de la dernière pluie dispose de son propre réseau. Chaque fois qu’une équipe de seconde zone s’impose devant une grande équipe, on félicite en coulisse tous les conseillers qui travaillent dans l’ombre. La défaite est orpheline, mais toute victoire est revendiquée. C’est dans ce registre que nous allons terminer par celui qui est considéré comme le prince des temps modernes et qui a révolutionné les méthodes de travail…
Le football nourrit bien ses hommes-clés. La preuve la plus palpable nous est administrée par un jeune seigneur qui règne sans partage sur le football congolais. André alias More-More, car c’est de lui qu’il s’agit, est devenu aujourd’hui l’homme des situations difficiles. C’est lui qui a instauré le système de Nzombo le soir. Avec lui, un match n’est gagné qu’au dernier sifflet de l’arbitre et dans ce chapitre, il est le meilleur. C’est à la tribune latérale de Daring au stade du 20 mai qu’il a fait ses premières preuves et qu’on l’a découvert. Les supporters l’ont présenté à notre aîné André Lotutala qui le propulsa au devant de la scène dans Daring. Aujourd’hui, il est devenu incontournable et toutes les équipes du pays rampent à ses pieds. Son sanctuaire du Q. Livulu est fréquenté par toute la crème footballistique congolaise. Yaya est devenu aujourd’hui un « Monsieur Tout le monde ». Ses exploits retentissent jusqu’en Angola et au Congo Brazzaville. More More dispose d’un Cabinet pour ses consultations. Il roule carrosse. Il compte parmi les personnes branchées à Kinshasa. Il a des gardes du corps. Il est devenu un « people », un homme public qu’on ne présente plus et que tout le monde respecte… Voilà comment le football peut transformer la vie d’un simple citoyen.
Au-delà de toutes les choses incroyables que nous avons vécues au contact de certains membres influents de Daring Motema Pembe, notre club du cœur, nous pouvons affirmer que le football congolais est un cas de société. Cette notion des bilongos est tellement ancrée dans nos mémoires qu’il est difficile de s’en débarrasser. Lorsque ça marche, c’est l’entraîneur, mais dès qu’il y a un couac, il faut vérifier auprès des dépositaires des chambres noires. Ce qui fait que le football reste jusqu’à ce jour, l’un des secteurs de la vie où les fétichistes jouent encore leur véritable rôle.
C’est pour nous l’occasion de vous livrer notre point de vue personnel. D’emblée, nous confirmons que toutes les grandes équipes du pays font appel, d’une manière ou d’une autre aux féticheurs. Pour des raisons de commodité, nous préférons désigner cette catégorie des personnes sous le vocable de Préparateur psychologique. Circulez dans tous les pays faisant partie de l’espace de Kongo dia Ntotila. Que ça soit en Angola, au Congo Brazzaville ou Chez Nous, les fétiches faisaient partie de notre patrimoine culturel. Même si l’Eglise catholique s’est évertuée à combattre ce fléau, les vestiges de cette culture sont restés dans certains secteurs de la vie. Le sport est un monde à part. Sous d’autres cieux, les athlètes se dopent. D’autres invoquent leurs dieux avant de monter sur le terrain. Aujourd’hui, l’exhibitionnisme du passé n’existe plus. Mais le mal est toujours présent. Si ces pratiques servent à jouer sur la psychologie des joueurs, reconnaissons aussi qu’on est parfois confronté à des situations inexplicables.
Lorsque des scores de certaines rencontres importantes vous ont été annoncés à l’avance. Lorsque les noms du ou des buteurs du jour ont été identifiés et cités avant le coup d’envoi. Lorsque le moment précis et les circonstances où ces buts seront marqués ont été prédits... Lorsque dans un pays où la météo est une illusion, mais des intempéries ont été confirmées avant le match… Tout cela par des hommes appelés « féticheurs », la plupart résidant dans les quartiers périphériques de Kinshasa que sont Kimbanseke, Makala, Selembao, Livulu, Masina et dont quelques-uns viennent du fin fond du Bas Congo, de Bandundu ou de CFA (Brazzaville pour les non initiés), on comprend facilement pourquoi chaque club rêve de dénicher son oiseau rare.
Loin de nous l’idée de croire abusivement aux forces obscures, nous tenons à signaler à nos interlocuteurs que ce qui faisait la force de V-Club, Daring et Dragons, c’était avant tout la grande qualité de leurs joueurs. Pourquoi se donne-t-on la peine de recruter des nouveaux joueurs au début de chaque saison, si ce n’est pas pour relever le niveau de nos équipes. Quel est le rôle des entraineurs dans la préparation technique et physique de leurs joueurs ? C’est à eux que revient l’ingrate tâche de faire progresser le club. Pourquoi une équipe comme l’AS Dragons tarde-telle à se relever ? Est-ce par manque des bons joueurs ou suite à une carence de sa préparation psychologique ? Finalement, on se rend de plus en plus compte, que l’ensemble du système repose avant tout, sur le niveau de chaque club avec comme soubassement, la qualité des joueurs faisant partie d’un groupe bien déterminé.
Pris comme tels, les bilongos deviennent comme un accessoire et peuvent être comparés à un simple stimulant, un ingrédient nécessaire servant à doper le moral des joueurs. Dans le football moderne, les fétiches qui font la différence, ce sont les entrainements. Les vrais fétiches qui conduisent à la victoire, ce sont aussi les onze joueurs et leurs qualités techniques et physiques. Voilà pourquoi la période de recrutement est assez cruciale. Les nouveaux joueurs recrutés doivent être placés sous l’encadrement d’un staff technique compétent, capable de mettre en place une machine bien huilée. Enfin, pour avoir un bon entraineur, il faut un comité sportif composé des hommes responsables et dévoués pour la cause de leur équipe. C’est ce mélange ou cocktail détonnant qui va faire la force d’une grande équipe.
Ayant trop cru dans les forces occultes, nos Léopards furent incapables d’esquisser le moindre geste ou de marquer un ou deux buts dans l’antre de Gelsenkirchen en Allemagne. Les fameux féticheurs Pende qui les avaient accompagnés dans cette aventure démontrèrent à la face du monde qu’ils étaient partis en Allemagne pour faire du simple tourisme. Plus près de nous, le football congolais a été rejeté aux oubliettes de l’histoire. Comme nos joueurs ne maîtrisent plus leur sujet, le pouvoir ayant horreur du vide, nous avons laissé aux camerounais et Ivoiriens les premières loges dans les grandes compétitions mondiales.
Qu’on se le dise.
Coup-Franc, par le trio Sosoliso
Jean Koke Miezi
©Mbokamosika 2012