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Publié par Messager


L'instruction publique a été réglée par divers décrets ; celui de 1890 défère à l'Etat la tutelle des enfants nègres libérés à la suite de l'arrestation ou de la dispersion d'un convoi d'esclaves, de ceux qui sont délaissés ou abandonnés, des orphelins et des enfants à l'égard desquels les parents ne remplissent pas leurs devoirs d'entretien et d'éducation. Pour ces enfants, des colonies agricoles et professionnelles ont été crées par l'Etat, à Boma et à Nouvelle-Anvers ; elles sont dirigées par des religieux de la Congrégation de Scheut-lez-Bruxelles. Les études sont de trois années ; l'horaire comprend trois heures de classe et d'exercices religieux, trois heures d'exercices et de théorie militaires (section spéciale), deux heures de travaux manuels. Après trois années, qui peuvent être doublées, l'élève doit savoir lire et écrire le français, une langue indigène, connaître les quatre règles du calcul ; un officier blanc et des sous-officiers noirs enseignent les exercices et les règlements aux élèves de la section militaire. Après la période scolaire, les colons restent jusqu'à vingt et un ans sous la tutelle de l'Etat. Une partie des pupilles est versée dans la force publique, l'autre dans l'administration de l'Etat.

Boma possède, depuis 1897, une école de candidats sous-officiers comptables ; elle se recrute parmi les meilleurs élèves des colonies agricoles et professionnelles, et forme des gradés comptables pour l'armée ; elle est dirigée par un officier de la force publique. Les études sont d'une année, et comprennent: l'étude des règlements militaires, les règles de la comptabilité, le calcul, opérations et problèmes, la rédaction de rapports militaires, les exercices militaires ; le cours de religion catholique se donne trois fois par semaine, par un missionnaire de Scheut. Une autre école de candidats commis est établie à Boma pour les élèves qui ne sont pas incorporés dans la force publique ; elle est dirigée par un magistrat attaché à la direction de la justice ; les cours durent deux années, et comprennent: le français (lecture, orthographe, rédaction), les quatre règles du calcul, le système métrique, les éléments de la comptabilité, la géographie et l'histoire du Congo, l'hygiène, l'établissement d'une comptabilité de station.

La colonie agricole et professionnelle de Boma a été visitée en août 1908 par M. E. Vandervelde, membre de la Chambre des représentants de Belgique, et jugée en ces termes: « Conduits par nos hôtes, nous visitons les dortoirs et les classes. Dans les dortoirs, assez sales, il faut bien l'avouer, on va remplacer, nous assure-t-on, les couchettes en bambou, infectées de vermine, par des lits en fer. Dans les classes, au nombre de sept, nous trouvons tous les enfants de la colonie, avec quelques petits camarades de Boma, et nous assistons, pendant une heure, à la leçon des grands, donnée par un jeune indigène du Kasaï. Dois-je avouer que ses méthodes d'enseignement m'ont paru plutôt rudimentaires? Comme exercice de lecture, une page de la Bible ; pour la dictée, un extrait de je ne sais quel récit, où il était question des druides dans l'ancienne Gaule ; puis, une analyse grammaticale que, pour ma part, j'aurais été parfaitement incapable de faire ; enfin, dans un pays où les travailleurs gagnent six francs par mois, un problème d'arithmétique où des ouvriers gagnaient six francs par jour ! »

Au sujet de la colonie d'enfants de Nouvelle-Anvers, crée en 1901, voici comment s'exprime M. F. Van der Linden, dans une correspondance écrite au cours de son récent voyage au Congo: « Si je pense qu'à Boma l'enseignement des Pères de Scheut est mal organisé, ce n'est pas un motif pour qu'à Nouvelle-Anvers je ne signale pas les résultats encourageants obtenus à la colonie scolaire. Les cours y sont donnés en langue indigène. Les enfants reçoivent des livres qui peuvent les intéresser. On ne leur parle pas de la Gaule antique, des chinoiseries grammaticales ; on ne leur fait pas résoudre des problèmes dont tous les éléments sont en flagrante contradiction avec les idées communes à leur milieu. »

Eu 1906 ont été instituées à Boma, à Léopoldville, à Stanleyville, des écoles d'apprentissage pour former des ouvriers mécaniciens, ajusteurs-monteurs, chaudronniers, forgerons, maçons, charpentiers, aide-poseurs de télégraphes ; ces écoles sont annexées aux ateliers et aux chantiers de l'Etat, à Boma et à Léopoldville, et à ceux de la Compagnie des chemins de fer du Congo supérieur, à Stanleyville. On reçoit dans ces écoles des indigènes de douze à vingt ans. Ils sont logés, nourris, entretenus aux frais de l'Etat, pendant les deux années d'apprentissage. L'enseignement donné est nettement professionnel et pratique, et est dégagé de tout ce qui n'est pas directement en rapport avec la profession à apprendre. Il comporte principalement, dans chaque catégorie, l'exécution des travaux manuels sous la direction d'un artisan européen présentant toutes les garanties et aptitudes voulues pour former de bons apprentis ; et en outre l'étude des matières suivantes : l'écriture, la lecture et la prononciation de la langue française ; les opérations fondamentales de l'arithmétique et les problèmes qui s'y rattachent ; le système des poids et mesures métriques ; le dessin industriel élémentaire, avec nomenclature des principales figures de géométrie ; la nomenclature des principaux termes techniques employés dans les travaux. L'enseignement théorique a une durée maximum de quinze heures par semaine.

Léopoldville possède une école d'armuriers noirs, fondée en 1905 par l'Etat ; les élèves y apprennent à réparer les armes de la force publique.

En 1908, une école d'infirmiers noirs a été instituée à Boma ; elle est annexée à l'hôpital des indigènes et dirigée par un docteur en médecine. Les études durent trois années ; les élèves sortent de la colonie d'enfants de Boma et sont logés et nourris par l'Etat.

Telles sont les oeuvres d'éducation et d'instruction fondées, dirigées et entretenues par l'Etat.

Il existe, en outre, dans le Congo belge, des écoles établies par des missionnaires. Le décret de 1892 autorise les représentants légaux des associations philanthropiques et religieuses à recueillir les enfants indigènes dont la loi défère la tutelle à l'Etat. Les missions catholiques reçoivent des subsides de l'Etat ; celui-ci s'est engagé, à cet égard, par une convention conclue le 26 mai 1906 avec le Saint-Siège apostolique, et maintenue par la Belgique. Le but de cette convention est « de favoriser la diffusion méthodique du catholicisme au Congo». L'Etat concède aux établissements des missions catholiques les terres nécessaires à leurs oeuvres religieuses, chaque établissement de mission s'engageant à créer une école pour instruire les indigènes ; le programme doit comporter notamment : un enseignement pratique d'agriculture et d'agronomie forestière et un enseignement professionnel pratique des métiers manuels. Le programme des études et des cours doit être soumis au gouverneur général, et les branches à enseigner sont fixées de commun accord. L'enseignement des langues nationales belges doit faire partie du programme (ces langues sont le français et le flamand, mais cette dernière n'a pas été enseignée jusqu'ici). Chaque supérieur de mission doit faire périodiquement rapport au gouverneur général sur le développement et l'organisation des écoles, le nombre des élèves, l'avancement des études, etc. Le gouverneur général peut, par lui-même ou par un délégué, s'assurer si les écoles répondent à toutes, les conditions d'hygiène et de salubrité. Des écoles sont ouvertes aux jeunes négresses orphelines ou abandonnées, auxquelles les soeurs de Notre-Dame enseignent la religion, le français, la lecture, l'écriture, la couture. La nomination de chaque supérieur de mission est notifiée au gouverneur général. Les missionnaires s'engagent à accomplir pour l'Etat, moyennant indemnité, les travaux spéciaux d'ordre scientifique rentrant dans leur compétence personnelle, tels que reconnaissances ou études géographiques, ethnographiques, linguistiques, etc. Chaque mission reçoit cent à deux cents hectares de terres cultivables, qui ne peuvent être aliénées et doivent rester affectées à leur utilisation, c'est-à-dire à l'oeuvre de la mission ces terres sont cédées à titre gratuit et en propriété perpétuelle ; leur emplacement est déterminé de commun accord entre le gouverneur général et le supérieur de la mission. Les missionnaires catholiques s'engagent, dans la mesure de leur personnel disponible, à assurer le ministère sacerdotal dans les centres où le nombre des fidèles rendrait leur présence opportune ; le gouvernement alloue un traitement aux missionnaires en cas de résidence stable. Il est convenu que les deux parties contractantes recommanderont toujours à leurs subordonnés la plus parfaite harmonie entre les missionnaires et les agents de l'Etat ; les difficultés qui surgiraient doivent être réglées à l'amiable entre les autorités locales respectives, et, si l'entente ne s'obtient pas, celles-ci doivent en référer aux autorités supérieures.

Les institutions religieuses, scientifiques ou philosophiques créées par le gouverneur peuvent obtenir la personnalité civile.

La commission d'enquête constituée en 1904 constata que, dans les écoles des missions catholiques, beaucoup d'enfants avaient dépassé l'âge maximum au delà duquel on ne peut les retenir contre leur gré ; certains, qui étaient mariés suivant la coutume indigène, ne pouvaient plus revoir leur femme et leurs enfants ; des enfants étaient placés là quoiqu'ils ne fus sent ni orphelins ni abandonnés. Une enquête judiciaire constata aussi que des noirs étaient retenus dans les missions contre leur gré pour y travailler, et que ceux qui avaient tenté de s'échapper pour regagner leur village avaient été mis aux fers et avaient reçu la chicotte. Les Pères avaient établi des groupes de quinze à vingt nègres dans les termes-chapelles, formant des postes détachés de leur mission, et les habitants étaient surveillés étroitement par les missionnaires ; les produits de leurs cultures étaient dus à la mission ; ces indigènes obtenaient rarement l'autorisation de retourner dans leur village, ou de se marier. En 1907, on comptait au Congo 834 fermes-chapelles (dont chacune était gérée par un catéchiste nègre, placé sous la direction des missionnaires), 3 écoles secondaires, 112 écoles primaires, 21 orphelinats, 22 ateliers.

Outre les missions catholiques relevant du vicariat apostolique, confié à la congrégation du Coeur Immaculé de Marie (de Scheut), il existe des missions protestantes anglaises, américaines, suédoises, qui catéchisent et donnent l'instruction aux enfants, filles et garçons. Les missions protestantes ne reçoivent pas de subsides de l'Etat.

Dans son voyage au Congo, le député E. Vandervelde, visitant la colonie scolaire de Kisantu, dirigée par le P. Baukaert, supérieur des jésuites, et où sont élevés 400 garçons et 500 filles, y trouva, entre les mains des enfants, un Manuel à l'usage des Bacongos pour apprendre le français, qui contient, entre autres choses, des diatribes contre les protestants, desquels le livre dit qu'ils enseignent « la doctrine de Jésus-Christ falsifiée », et contre Luther, « un orgueilleux, un ivrogne, qui, après avoir bu et mangé à l'excès, est mort misérablement ». M. Vandervelde, après avoir fait ces citations, ajoute : « On se demande ce que les jeunes nègres de Kisantu peuvent bien comprendre à ces dévotes querelles? Mais, pour être Juste, il faut dire que si les jésuites n'aiment pas les protestants, ces derniers le leur rendent bien. Depuis quelque temps surtout, on en est à la guerre au couteau. Les jésuites disent que les protestants sont des ennemis de l'Etat, qui poussent les indigènes à la révolte. Les protestants répondent que c'est au contraire l'omnipotence des jésuites, partout où ils ont des missions, qui énerve l'autorité de l'Etat, et que, dans leur rage de prosélytisme, par une interprétation arbitraire de la loi, ils contraignent à entrer et à rester chez eux des enfants qui ne sont ni orphelins, ni abandonnés, et qui sont si nombreux que, ne parvenant pas à les nourrir avec leurs seules ressources, ils les entretiennent avec le produit des impositions indigènes. » Le caractère sectaire de l'enseignement des missions ne peut que nuire au développement de la civilisation européenne au Congo.

L'oeuvre d'instruction de l'Etat indépendant a donc eu un caractère à la fois catholique et professionnel ; elle avait un double but : Je prosélytisme et la préparation de soldats, de commis, d'infirmiers, d'ouvriers, à utiliser dans les services publics. La masse de la population nègre a échappé à l'action de l'école, qui n'a recueilli que les enfants abandonnés. La commission d'enquête a insisté pour que la loi établît dans la colonie l'instruction obligatoire : elle estime que, sans une certaine contrainte, les nègres n'enverront pas leurs enfants aux écoles publiques.

 

A SUIVRE... 

LegrandPuati
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