Le général et les anecdotes autour de son nom
Le général et les anecdotes autour de son nom
Photo fournie par Sonny Mokonzi
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Le général Louis de Gonzague Bobozo était le seul ’officier supérieur dont le nom alimentait bien des anecdotes. Les unes tout au tant fausses ou vraies que les autres parfois même exagérées. Pourtant, Kinshasa en raffolait surtout que le généralissime n’avait pas bonne presse auprès de la population. Rien ne prouve que tout ce qui se disait sur sa personne était vrai. Mais personne n’ignore aussi la puissance des émetteurs de la rumeur publique et la force de conviction et de persuasion des informations données par ses journalistes bénévoles et invisibles. Info ou intox, nous parlerons de quelque anecdotes qui autrefois furent diffusées sur les antennes du plus grand tam-tam du Congo qui n’est autre que Radiotrottoir.
Anecdote 1
Joseph Mobutu décida un jour d’ajouter un deuxième prénom (en l’occurrence « Désiré ») pour accompagner celui qu’il a acquis à sa naissance. C’est ainsi qu’il est devenu tout d’un coup Joseph-Désiré Mobutu. Quelque temps après, cette belle idée séduit Louis Bobozo, frère d’armes et oncle du futur guide de la révolution zaïroise authentique. Il alla voir ce dernier pour lui faire part de son souci. Il voulait lui aussi avoir un nouveau patronyme occidental qui sera juste placé après son prénom mais devant son nom de famille.
- Désiré moke, lui dit-il, trouve-moi un joli nom. Un patronyme flamboyant digne du grand monsieur de l’armée que je suis. Le tien sonne déjà bien, tu sais.
- Promis, lui rétorqua Joseph-Désiré, promis.
Quelques jours plus tard, Mobutu vint voir son oncle pour lui apporter la bonne nouvelle.
- Je t’avais promis et j’ai tenu promesse.
- Tu as donc trouvé ce quelque chose qui manque à l’appel ?
- Tout à fait, lui répondit-il.
- Dis-le moi donc, ce nouveau nom.
- Tu t’appelleras désormais « De Gonzague ».
- O que c’est joli, s’exclama-t-il.
Emporté par une joie indicible, Louis de Gonzague Bobozo embrassa son Désiré moke et le remercia de tout cœur. Il devait désormais portait ce patronyme comme sur ses galons il portait ses étoiles de général. D’un coup, il était devenu l’équivalent congolais d’un autre général, français celui-là, le général Charles de Gaule.
Anecdote 2 C’était une grande fête de l’armée. Notre général devait prononcer un discours en français. Le généralissime Louis de Gonzague Bobozo, chef d’Etat-major de son armée s’adressa alors à ses troupes dans la langue de Molière. A la fin de son speech, comme d’habitude, il félicita ses hommes qui frénétiquement l’acclamèrent. Mais avant de rejoindre son siège à la tribune dressée pour la circonstance, et comme pour clore, il prononça cette formule anodine et presque conventionnelle : « Que vive l’Armée nationale congolais ». Puis , il partit s’asseoir sans se douter de quoi que ce soit. Mais une fois assis, un officier supérieur lui souffla à l’oreille.
- Mon général, vous avez omis le « se » à la fin, car il a fallu dire « congolaise ».
- Laisse-moi d’abord avaler un peu de salive, je corrigerai, rétorqua-t-il.
Aussitôt dit aussitôt fait, le généralissime se leva non sans avoir ingurgité quelques millilitres de sa propre bave afin de badigeonner ses cordes vocales. Et droit dans ses bottes il s’avança de nouveau devant les troupes plantées sous le soleil. Les soldats le voyant revenir sur ses pas croyaient qu’il allait leur dire quelque chose de spécial. Justement, n’était-il pas retourner vers eux pour ajouter quelque chose de spécialement grammatical ou de grammaticalement spécial? C’était en effet un fait rare dans les annales de l’histoire de l’armée. Une première. Regardant ses frères d’armes dans les yeux, et pour corriger le lapsus sur l’accord de l’adjectif en question, il prit le micro et dit tout simplement: « se ». C’était court, trop court même mais précis. Abasourdis, les hommes en uniforme qui rien compris le regardèrent regagner calmement sa place. Le général ,lui, partit donc se rasseoir avec dans le cœur le sentiment d’avoir orthographiquement fait ce qui était de son devoir de faire. On avait frôlé la catastrophe grammaticale. L’erreur venait d’être corrigée de justesse. Heureusement.
Anecdote 3
Le général était en visite privé donc en vacances chez les banoko, plus précisément à Bruxelles. Après une petite promenade, la faim lui tenailla l’estomac. Il devait donc mettre quelque chose sous la dent pour assouvir la colère de ses intestins qui réclamaient ravitaillement. Vite, il entra dans un de ses restos chics qui fourmillent dans la capitale belge. Il alla s’asseoir. Il avait grand envie de manger du poulet au riz comme au pays. Mmm, déjà la salive lui montait dans la bouche. Mais que dire alors? Quoi dire ? Comment dire ? Justement, le serveur qui l’a vu entrer vint à sa table et lui demanda poliment.
- Bonjour monsieur, que désirez-vous manger ?
- Du « losho », dit-il.
- De l’eau chaude ? demanda le garçon.
- Oui, du « losho ».
Le garçon n’en croyait pas ses oreilles. Il partit à la cuisine puis revint quelques minutes plus tard avec un plateau sur lequel se trouvait une tasse et un bol remplit d’eau chaude. Il le posa respectueusement sur la table du général en disant : « S’il vous plait monsieur », et s’en alla s’occuper d’autres clients. En un clin d’œil, le généralissime comprit tout de suite que ce n’était pas ce qu’il voulait. « Ah ! ces banoko, grommela-t-il, ils ne comprennent rien. J’ai grand envie de manger un peu de ‘’loso’’ accompagné de ‘’ soso ‘’ et voilà qu’on m’apporte du ‘’mayi ya moto’’. Ce n’est pas possible. Que faire alors? » That is the question. Il regarda autour de lui. Heureusement pour notre officier, un serveur s’était présenté à une table voisine à la sienne. Un client venait justement de terminer le délicieux poulet accompagné du riz. Mais comme il n’était pas rassasié, il voulut jouer les prolongations en commandant le même repas. Ainsi, pour formuler sa nouvelle demande au garçon, il dit simplement : « plat répété ». Quelques minutes plus tard, le voilà servi de nouveau du plat tant convoité par le général. Voilà déjà que l’odeur savoureuse de ce menu vint effleurer les narines du généralissime qui commença déjà à se pourlécher les babines.
« Enfin, il était temps. Voilà que j’ai maintenant la réponse à ma question de toute à l’heure. ’’ Plat répété’’ est donc le nom du plat du poulet au riz», se dit-il intérieurement. Aussitôt, le général leva son doigt pour faire signe au serveur qui prestement vint vers lui.
- Oui, monsieur.
- Plat répété, lui dit-il sans broncher.
Le serveur vida d’abord de son contenu la table du général. Puis quelques minutes plus tard, apporta sur un plateau le plat que notre officier n’a pas daigner regarder deux fois. Ce fut encore et toujours du « losho » que dis-je de l’eau chaude. Furieux, l’officier quitta le restaurant jurant de ne plus jamais y mettre ses pieds à l’avenir. Décidément, ce fut une très mauvaise journée pour le général. Un jour sans. Le poulet au riz lui avait tourné le dos cet après-midi-là. Et de quelle manière ! Sacré De Gonzague, avait-il seulement songer à payer l’addition pour son double plat répété de « losho » ? La question reste posée.
Anecdote 4
De par son grade et sa fonction, le général disposait d’un parc impressionnant. En véritable militaire, il n’avait pas l’habitude de tailler bavette avec ses domestiques et avec tout son personnel. En plus, il avait de drôle des manières de donner des ordres. Lorsqu’il sortait, le chauffeur passait un petit mauvais quart d’heure. Le généralissime ne disait rien, ne parlait pas. Il devenait muette comme une carpe. Seule sa canne faisait l’affaire car elle lui servait pour transmettre un message ou un ordre au conducteur. Assis à la banquette arrière, comme tout patron digne de ce nom, le chauffeur conduisait sans connaître la destination. Il avait sûrement la peur dans le ventre et serrait ses dents en attendant que le patron ne lui parle au moyen de ces codes dont lui seul connaissait le secret. Pour aller tout droit, le général lui donnait un coup de canne sur la tête. Il tapait très fort. N’était-il pas un militaire ? Un coup à l’épaule gauche signifiait tourner à gauche alors que pour prendre la droite, le pauvre conducteur recevait un coup à l’épaule droite. Que faisait-il pour dire au chauffeur de s’arrêter, de parquer ou pour lui signifier qu’ils étaient arrivés à destination ? Mystère ! Même mon narrateur n’avait pu donner une réponse.
Samuel Malonga