LA NAVIGATION FLUVIALE EN RDC
LA NAVIGATION FLUVIALE EN RDC.
Baron Liebrechts , un des bateaux de l'époque
coloniale
Les trois piliers de l’économie du Congo Belge étaient les huileries, l’office des transports coloniaux et l’Union minière du Haut-Katanga devenue la Gécamines. Chacune de ces trois compagnies employait pas moins de 35.000 employés. Ce qui fait qu’avec la population congolaise de l’époque, cela absorbait énormément le chômage. Pour aujourd’hui, parlons spécialement des activités de l’office des transports coloniaux (OTRACO) qui avait le monopole de la navigation sur le fleuve Congo et ses affluents. Le fleuve Congo - Zaïre, cette majestueuse masse d'eau alimentant tout ce territoire africain de 2.345.000 km2 et mesurant 5.432 km de longueur était un véritable lieu d’évasion, de tourisme, d’excursion et une source d’inspiration pour les poètes, les écrivains et les artistes musiciens. Je n’en veux pour preuve que la chanson Ebale ya Zaïre de Lutumba Simarro. De nos jours, la navigation fluviale au Congo est devenue très périlleuse. Le monopole de cette catégorie de transport étant relégué aux privés, leurs embarcations sèment la mort à tout vent sur le fleuve Congo et ses affluents. Les baleinières sont devenues des cercueils flottants. Avec un personnel navigant pas bien formé et surtout inexpérimenté, des tonnages non respectés, les embarcations privées sèment la mort et la désolation. Pas si longtemps, nous avons perdus une centaine de nos compatriotes dans le naufrage d’une de telles embarcations dans la province de Bandundu. Dans la nuit de vendredi 3 à samedi 4 septembre 2010, un convoi des pirogues motorisées a fait naufrage sur la rivière Ruki dans la province de l’Équateur. Sur un total de 100 passagers, on faisait état d’un bilan provisoire de 15 morts et une soixantaine de disparus. La même semaine, on parlait d’un autre naufrage dans la province du Kasaï. Partout dans le monde, la vie d’une personne est sacrée, sauf au Congo. Vaut mieux prévenir que guérir, dit-on. Le Gouvernement doit s’y pencher sérieusement pour remédier à cette situation, car la vie de milieux de Congolais ne doit pas toujours être mise en danger par ces cercueils volants et flottants et par une insécurité grandissante partout dans le pays. Résoudre le problème de la navigation va de l’intérêt de notre économie nationale.
A l’époque du Congo Belge, l’Otraco avait deux missions principales. La première était celle d’évacuer vers l’étranger la production congolaise de l’intérieur et la seconde acheminer l’outil de production et des biens de consommation courante par la voie nationale. Pour réaliser ces deux missions, l’Otraco disposait d’un charroi fluvial énorme, des ports tout le long du fleuve Congo (Port de Kinshasa, de Matadi, de Mangai, d’Ilebo et j’en passe) et des affluents et sous-affluents navigables (Kasaï, Kwilu, Itimbiri, Aruwimi, Lulonga, Tshuapa, Mungala, Lomami, Lukenie, Oubangi). En amont vers Ilebo, les bateaux reprenaient à partir de Port Franqui (actuel Ilebo) les produits miniers du Katanga, transportés par train et à partir du port de Bumba la production agricole et minière de la province Orientale que transportaient les trains de la Société de chemins de fer vicinaux. Hormis le transport des marchandises, l’Otraco assurait également le transport des voyageurs en toute sécurité. Voyez ce qu’était l’importance vitale et stratégique de l’Otraco dans l’économie de notre pays. Avec les recettes ainsi générées, l’Otraco assurait son fonctionnement interne et les salaires de ses fonctionnaires.
Après l’indépendance, l’Onatra, un descendant de l’Otraco prit la relève en assurant le ramassage de la production agricole dans le Congo profond et le transport des personnes et il pourvoyait les provinces en produits et biens manufacturés. Héritant l’importante flotte de l’Otraco, on ne déplorait pas comme aujourd’hui de pertes matérielles et en vie humaines sur le fleuve Congo et ses affluents. Tenez! En 1980, j’enseignais dans une école secondaire à Mangai, une cité située au bord de la rivière Kasaï. Les bateaux suivaient un horaire régulier pour l’amont, autrement dit la montée vers Ilebo et pour l’aval c’est-à-dire, la descente à Kinshasa. Quand un bateau en provenance de Kinshasa se dirigeait vers Ilebo, il nous nous ravitaillait en produits manufacturés en provenance de Kinshasa (, les habits, de la bière, du pain (Baka 100- baka 200, Quo Vadis) et beaucoup d’autres biens de première nécessité.
Mais depuis que la deuxième république avait dérobé à l’Onatra un de ses bateaux les plus performants, un bateau long de 90 m, large de 12, avec quatre ponts et deux moteurs de 1250 chevaux pour le transformer en M/S Kamanyola ou bateau présidentiel, c’était le début même de la descente aux enfers. L’exemple vient d’en haut, dit-on. Comme le sommet avait prêché par l’exemple, on verra surgir une flottée d’armateurs des dignitaires du MPR, Parti-État et des épaules galonnées de l’armée qui procéderont à la création des petits ports partout le long du fleuve Congo. Je ne citerai que deux exemples : Libongo ya Baramoto, Libongo ya Nzimbi. Ces généraux iront jusqu’à transformer les moteurs de chars de combats pour monter leurs petites embarcations et pour s’élancer dans les affaires au lieu de s’occuper de l’armée. La suite, vous le connaissez bien que moi. C’est la déconfiture de l’armée. Un autre fait marquant de cette descente aux enfers est le fameux problème d’effort de guerre avec l’arrivée foudroyante de l’AFDL. On procédera à la réquisition de la flotte de l’Onatra pour le ravitaillement et le transport des troupes engagées au front. L’Onatra sera encore privé de ses bateaux pendant plusieurs décennies pour les récupérer dans un état piteux et lamentable. Il est donc impérieux que les pouvoirs publics investissent dans ce domaine de transport tout comme dans les autres domaines pour préserver des vies humaines et pour la remise de notre économie nationale sur le rail. Comparez ces deux images, en haut vous avez un bateau de l’Onatra et au bas de la page une embarcation de fortune composée d’un ensemble des pirogues motorisées pour vous rendre compte de l’ampleur du danger. Une moindre bousculade, tous les passagers et leurs marchandises se retrouveront dans l’eau.
ZÉPHYRIN KIRIKA NKUMU ASSANA