L'indépendance à Albertville (Kalemie)
(MSG)
L'Indépendance à Albertville, vue par Symphorien Semvua Sikyala
Albertville venait de jubiler lors de la visite de la Reine Elisabeth et déjà des vicissitudes nouvelles allaient embarquer ma ville vers un tourment dont elle ne s’est pas encore sortie jusqu'à ce jour. Et sûrement elle en souffrirait encore longtemps. Son seul salut réside dans la capacité des générations futures de s’investir à tout reconstruire.
En 1958, la ville avait connu des grèves à la CFL, à la Filtisaf et dans bien d’autres fabriques de la ville. La question principale était surtout d’ordre salarial. Mais les évolués locaux ont vite suivi à la radio et dans des conversations les avancées des tractations politiques entre la Belgique et les politiciens congolais. Les commentaires dans les milieux populaires divergeaient fort de ceux des cercles des rares évolués qui avaient des postes de radio attentivement collés à leurs oreilles. La dérive désastreuse d’Albertville était liée à l’incrédulité de sa jeunesse d’alors qui, dans un élan de furie générale, s’est laissé intoxiquer par des propos fallacieux de quelques politiciens démagogues et populistes : elle a tout sabordé… oubliant qu’elle devait sauvegarder l’élan économique qui avait changé la face le la ville d’année en année par une dynamique communauté d’expatriés pleins d’initiative et par une main-d’œuvre bon marché prête à fournir n’importe quel sacrifice. Sa jeunesse s’est laissé tromper facilement et elle a hypothéqué son avenir en détruisant son capital : les outils de travail et les infrastructures bâties par les entreprises parties à jamais. Mais j’espère qu’elle est avide de nous prouver, dans un avenir proche, sa capacité de faire mieux que nous, leurs aînés, qui avons tout simplement abandonné la ville.
Je voudrais d’abord situer le contexte de ce qui s’est passé à Albertville en juin, juillet et août 1960 à la cité dite « Centre Extra Coutumier », derrière les collines dites de l’Etat, de la CFL et même derrière la grande église Christ-Roi communément appelée « la Mission ». Peu de personnes à la cité savaient ce qui venait de se passer à Bruxelles en janvier 1960 : la table ronde, une concertation entre la Belgique, puissance colonisatrice, et une myriade de partis politiques congolais. Quelques évolués en quête de positionnement politique ont commencé à la cité à tenir des meetings, regroupant au début quelques écervelés… jeunes chômeurs. Mais bien vite ils se sont rabattus sur des sympathisants de leurs respectives tribus d’origine. Ainsi, à la cité, nous avons vu le grand photographe de la cité, Mwambai, alias Belgophoto, devenir le dirigeant du parti Balubakat. D’autres ont profité du succès de leurs troupes de danse soit folklorique, soit mondaine, pour se lancer dans la lutte politique comme Kitenge Gaston. D’autres encore ont initié la propagande des partis nationalistes, comme le MNC et même des partis provinciaux comme la Conakat. A peine sortis de leurs « victoires » sur le « posho » à la CFL et à la Filtisaf, les activistes incitaient la population avec des slogans xénophobes, pour la plupart anti-colonialistes et de surcroît anti-belges. A part la Conakat, tous les partis à la cité criaillaient que tous les Blancs devaient rentrer chez eux et que les Noirs allaient occuper les maisons des Blancs, qu’ils enviaient par dessus tout. Mais personne ne disait exactement ce qu’ils allaient faire du Congo après le 30 juin 1960. Toute la verve s’articulait sur l’éjection de la puissance coloniale et de ses agents. La campagne électorale a été, du moins à Kalemie, sans grands heurts à part quelques exploits et excès de la part du Militants de la jeunesse du MNC–Lumumba. Les curés de l’Eglise Catholique Romaine se sont mêlés à cette campagne en disant dans leurs prêches dominicaux aux croyants qu’ils ne devaient pas voter pour les partis du cartel MNC et ses alliés car, selon eux, ceux-ci allaient introduire le Communisme au Congo, et que dans ce cadre on allait « arracher des enfants aux parents et les priver de toute forme de liberté ». La Conakat, elle, s’enfermait dans un discours sur la « katangité », disant que les richesses du Katanga revenaient aux familles katangaises, aux Noirs et Blancs du Katanga, et qu’ils demanderaient aux Blancs de rester. Le scrutin reflétait bien le clivage et les contours tribaux. A la cité vivait une forte et dynamique communauté du Maniema qui animait une grande et éclatante équipe de football « Maniema » qui souvent se trouvait en finale pour la coupe de l’association de football. Elle rivalisait avec l’imbattable équipe « Katanga » qui regroupait les originaires du Katanga. Cette dualité se prolongeait en dehors du terrain, de sorte que les fanatiques de telle équipe se retrouvèrent ipso facto dans les formations politiques de leurs communautés. Les Katangais, bien sûr, soutenaient mordicus la Conakat et la plupart des gens du Maniema militaient au MNC-Lumumba. Cette vive tension se traînait jusque dans les bars qui étaient devenus des points de rencontres exclusivement des membres de tel ou tel parti politique. J’avoue que bien des gens n’avaient pas compris ce qui se passait. Des rumeurs en tout genre commencèrent à circuler à la cité : que les Blancs étaient fâchés, et qu’ils ne lâcheraient pas le Congo, qu’ils allaient tuer les Congolais avant de partir. D’autres, en majorité les Balubas du Katanga, commencèrent à aiguiser leurs fléchettes en prévision d’une confrontation intertribale. Une tension vive s’installa à la cité, le vieux démon des guerres tribales ancestrales s’était réveillé. Des alliances tribales étaient envisagées. D’un côté se retrouvaient, les membres de la Conakat et de l’autre les Balubakats qui venaient de faire des alliances au niveau national avec les MNC-Lumumba. Les Batabwas, les Bahembas, ainsi que les autres Katangais étaient déclarés vendus aux Blancs, des collaborateurs des Blancs, des gens du statu quo, tandis que les autres se disaient être des Nationalistes et Indépendantistes. Des violents heurts et des batailles rangées étaient régulièrement signalés à l’heure des fermetures des bars à la cité entre les groupes opposés. Hélas, les urnes avaient tranché : Belgophoto et bien d’autres avaient été élus par leurs compères tribaux. Ce fut une jubilation toute la nuit à la cité, des défilés de militants chantant des airs vantant la fin de la colonisation et l’ascension de leurs leaders au pouvoir. Et arriva enfin la date fatidique du 30 juin 1960.
La veille, toute la nuit, des échos de cris de joie soufflaient sur tous les versants des collines à la cité: UHURU, UHURU et encore UHURU. Ce matin-là, une grande messe solennelle de TE DEUM réunissait les autorités belges et une poignée d’évolués dans les premiers rangs dans l’église Christ-Roi, dite église de La Mission. Les soldats de la Force Publique rendaient les honneurs militaires aux Autorités Belges et étaient toujours commandés par des Officiers Blancs avec le plus gradé des Noirs au grade de Premier Sergent Major. D’accoutumée, je ne ratais jamais ces parades militaires lors des TE DEUM. Il était prévu ce jour-là des exercices militaires au stade d’Albertville. Des rumeurs avaient circulé toute la nuit à la cité, selon lesquelles les Blancs allaient tuer les Noirs au stade. Ainsi, bien des personnes s’étaient interdit d’assister aux réjouissances populaires organisées au stade. Moi, ce jour-là, j’avais enfilé ma culotte bien nettoyée et repassée et je me suis retrouvé à la tribune du stade de Kalemie, juste à côté de Mademoiselle NAGANT, l’Assistante Sociale bien connue des Noirs de la cité par ses activités professionnelles combien bienfaisantes au Foyer Social de la cité et par son encadrement des filles noires dans le mouvement des Guides affilié aux Boys Scouts. Je me souviens qu’elle s’était exclamée, regrettant la presque absence de la communauté noire au stade. Rien de comparable à l’arrivée de la Reine Elisabeth quelques mois auparavant, le vide était bien remarquable. Pendant que nous étions au stade, une personne a informé Mademoiselle NAGANT que des incidents avaient eu lieu au Monument Albert où quelques jeunes affiliés à la Jeunesse du MNC-Lumumba avaient déchiré le drapeau belge qui, selon eux, flottait encore arrogamment là-bas. Quelques heurts avec la police avaient été signalés. A la cité, la peur hantait tout le monde, on conseillait aux enfants de ne pas trop s’éloigner de leur domicile. Cela n’a pourtant pas empêché certains groupes folkloriques tribaux de faire sortir leurs tam-tams pour commémorer ce jour d’indépendance du Congo. Le lendemain, la vie était vite revenue à la normale. Tout se passait comme avant. Après les festivités, les travailleurs s’étaient présentés à leur poste de travail, épiant les considérations et avis de leurs employeurs. Nous, les étudiants et les élèves des écoles pour les Noirs, nous étions en vacances. Il était prévu que nous passions nos matinées dans des colonies de vacances organisées par les prêtres de la Mission. Tous les matins, trois fois par semaine, pour les familles qui le souhaitaient, nous devions nous rassembler au stade et participer à des jeux de masse en nous affrontant les uns aux autres sportivement dans des compétitions de football; une collation, des biscuits, des chocolats et même du lait étaient prévus chaque jour.
A la cité, la nuit surtout, les gens criaient à tue-tête : UHURU. Mon grand-père, lui, était un grand conservateur. Septuagénaire, il avait vécu toutes les différentes transformations sociales et la construction des infrastructures par les Belges et ne comprenait surtout pas les slogans de ces politiciens de malheur qui haranguaient la population en demandant le départ des Belges. Il ne ménageait aucun moment pour désapprouver les déclarations des différents orateurs. Mais moi, je voyais les choses autrement. Pour moi, cela voulait dire que désormais, j’irais à l’école des Jeunes Blancs et participerais de plein droit à leurs mondaines manifestations, sans savoir très bien qui allait payer pour moi.
Mais bien vite, dès les premiers jours du mois de juillet 1960, tout allait tourner rapidement au désastre. Des rumeurs circulaient selon lesquelles des soldats congolais avaient été désarmés par les officiers belges. Quelques extrémistes préconisaient d’aller leur prêter main forte. Ainsi les nouvelles incontrôlées disaient que les soldats noirs étaient en train d’être renvoyés dans leur milieu d’origine. La garnison de la Force Publique d’Albertville était constituée par une majorité écrasante de soldats originaires de la province d’Equateur, et par quelques soldats venant de la province Orientale. Nous ne savions pas exactement ce qui se passait au camp militaire. Seulement mon grand–père racontait que le prêtre de la mission, avec qui il allait tous les dimanches dire la messe au camp militaire, lui avait conseillé de rebrousser chemin. A part quelques évolués qui suivaient les nouvelles soit à Radio Léopoldville, soit à Radio Elisabethville, ou même à Radio Usumbura, la masse était fort ignorante du drame qui se tramait malheureusement dans le pays et surtout dans sa ville. Avoir un poste de radio était un luxe et ceux qui en avaient préféraient les émissions de divertissement du genre musique et théâtre de chez nous. La source des nouvelles s’était institutionnalisée en des rumeurs incontrôlées et incontrôlables émanant d’ignorants activistes.
Le lendemain mon grand-père, fidèle comme à l’accoutumée à son assistance quotidienne à la messe de 6 heures du matin, rentra en courant a la maison et dit à ma grand–mère que la cité était bouclée. Nous habitions juste la première avenue de la cité sur le prolongement de la route qui mène à la résidence des Sœurs, proche du quartier Kindu. Il confirma qu’il avait été interpellé par des civils blancs armés qui empêchaient les Noirs d’aller en ville et à leur poste de travail. Je m’étais joint à un groupe d’adolescents de mon âge et nous étions partis voir de nos propres yeux ce qui se passait à la dernière maison de la cité en direction de la ville. Nous pensions que les paras belges de Kamina étaient de retour et qu’ils allaient nous remettre quelques boîtes de rations alimentaires militaires dont nous raffolions. Nous étions surpris de voir des civils belges et non des paras belges. Gentiment et sans brutalité, ils nous dirent que l’accès à la ville était interdit. Ils avaient installé leur poste avancé de défense juste à l’entrée de la cité, mettant ainsi leur famille à l’abri derrière eux, dans leur quartier. Sûrement, à d’autres portes de la ville, d’autres travailleurs matinaux ont fait le même constat. La nouvelle a escaladé à toute allure tous les flancs de nos collines. Des rumeurs révoltantes avaient insinué la mise aux arrêts des politiciens et activistes locaux et leur déportation à Elisabethville. La cité passait de l'état de siège à l'état d’insurrection. Des jeunes gens excités par des politiciens se regroupèrent et formèrent une sorte de milice pour démasquer et punir tous les collaborateurs des Blancs qui, à les entendre, voulaient confisquer l’indépendance du Congo. Des militants de la Conakat furent démasqués par ceux des partis nationalistes. Des barrières s’érigèrent un peu partout et une chasse à l’homme débuta. Le chef de notre centre extra coutumier s’était enfui, bien à l'abri en ville. J’ai vu des personnes battues à mort, des membres de la Conakat pour la plupart.
Entre-temps, nous avions appris que le Katanga venait de déclarer solennellement son Indépendance le 11 juillet 1960. La police locale avait essayé d’intervenir, je crois que leur nombre était insuffisant. La cité était en rébellion et les premières tueries à caractère politique commencèrent. Elle était coupée complètement de la ville. C’était du jamais vu ni entendu à Albertville. Des rumeurs attisées par des incrédules politiciens et activistes anticipaient la nouvelle selon laquelle les Blancs allaient empoisonner l’eau potable des robinets. La panique était à son comble. Certains avaient même déjà déserté la cité.
Après trois jours de désordre généralisé, la Police Katangaise, bien entraînée et armée, encadrée par des officiers Blancs, fut expédiée en renfort d’Elisabethville. Et nous vîmes survoler la ville par des avions cargos rectangulaires que nous, à la cité, nous appelions « Kikombola » car ils avaient la forme de l’outil qu’utilisent les briquetiers de la cité. Au quatrième jour de l’insurrection, très tôt le matin, vers 7 heures, des crépitements d’armes automatiques réveillèrent la cité. Comme nous habitions la première avenue de la cité, nous avons eu ce privilège de voir des soldats, selon nous, en somme, c’étaient des policiers différemment habillés de nos policiers municipaux. Ils tirèrent sur tout ce qui bougeait à Albertville. Et la jeunesse politisée se mobilisa afin de les faire reculer. Rien à faire, les rafales secouèrent toutes leurs barrières. Les premières victimes se comptaient sur les flancs des collines. La jeunesse militante pro nationaliste qui n’avait jamais vécu une telle offensive lâcha prise et s’enfuit, laissant de nombreux corps inanimés. Sans tarder, des contrôles massifs furent organisés, et chaque jour il y avait le « mukwao », contrôle des pièces d’identité. Personne ne pouvait se déplacer sans ses pièces d'identité. De nombreux habitants originaires d’autres provinces fuyaient leurs maisons et rentrèrent chez eux dans leur province d’origine.
La ville s’était dépeuplée. Entre-temps, les nouvelles arrivèrent, nous confirmant que des Européens d’Albertville avaient abandonné leur ville, pendant l’insurrection, et avaient quitté la ville par bateau pour le Burundi. Bien des travailleurs s’étaient présentés à leur poste de travail et, avec désolation, ils ont trouvé leurs patrons partis à jamais. Le mari d’une de mes cousines travaillait comme commis à la CSK, Comité Spécial du Katanga, dont le bureau se situait en face du bureau du Territoire d’Albertville. Son patron avait aussi décidé de partir et mettre sa famille à l’abri sous d’autres cieux. Bien vite le mari de ma cousine déménagea avec toute sa famille dans la maison de son patron située quelque part derrière le bureau du Commissaire de District du Tanganyika. Beaucoup d’autres africains firent la même chose, les uns prétextant que c'était pour garder les biens de leur patron, d’autres seulement dans l’intension d’ « africaniser » la ville. Entre-temps, le chômage s’installa dans les foyers car bien des patrons Blancs avaient quitté précipitamment la ville.
Le comble était qu’il n'y avait pas eu de préparation des cadres pour assurer cette remise et reprise. Ainsi je suis parti visiter ma cousine dans sa nouvelle demeure à la colline Etat. Pour la première fois de ma vie, j’ai passé une nuit dans un bon lit bien feutré, dans une maison bien propre fort différente des maisons en potopoto couvertes de paille de la cité. Mieux, quelle n’a pas été ma surprise de trouver que l’eau chaude était prête à être utilisée et qu’elle coulait bien chaude en divers points de la maison. Et le comble de tout, quel plaisir de me laver dans une salle de bains avec les savons bien parfumés qu’avait abandonnés le propriétaire blanc de la maison. C’était autre chose que les bons savons de lessive, fabriqués sur la route de Makala, que nous à la cité utilisions aussi bien pour la baignade à la plage du lac que pour la lessive.
Les semaines suivantes, nous vîmes certaines familles déménager de droit dans les maisons de la ville de par les nouvelles fonctions que l’Etat Indépendant du Katanga leur conférait. A la cité, des purges et des arrestations étaient devenues régulières. Des rafles quotidiennes s’opéraient à la cité dans le milieu des jeunes ; mon grand-père conseilla à mon grand frère de nous éloigner provisoirement de la ville. Ainsi, nous sommes partis demander refuge chez les Frères d’Oostakker à Lubuye où nous avons passé deux semaines. A notre grande surprise, la paix était bien garantie dans tous les camps africains de la Filtisaf et des villages environnants. Bien sûr, le calme étant revenu au Centre Extra Coutumier, l’Intendant des Frères allait tous les matins en ville et nous rapportait les nouvelles de la cité et de la Mission. Le jour de notre retour au Centre Extra Coutumier, j'ai exigé des Frères qu'ils me donnent une pièce d’identité, une attestation signée par notre directeur certifiant mon statut d’étudiant régulier de son établissement. C’était la première fois à Albertville que des élèves et étudiants devaient exhiber des documents aux nombreuses barrières de la police. Ceux qui n’en avaient pas écopaient de quelques heures et même de quelques jours au cachot tant qu’ils ne prouvaient pas leur statut d’élève ou étudiant. C’était la première innovation pour nous les élèves et étudiants de l'ère post 30 juin 1960, car nous n'avions jamais eu de papiers auparavant et nous voguions allégrement à nos adolescentes occupations.
A mon retour à la cité de Kapulo, nombre de mes amis avaient fui la ville avec leurs parents. Certains, je ne les ai jamais revus. C’est alors que nous vîmes arriver des Blancs militarisés qui n’étaient pas des paras belges et un nouveau vocabulaire nous était désormais familier : les mercenaires firent partie de notre paysage quotidien. Certains ne parlaient même pas le français et encore moins le flamand, ils étaient d’un peu partout. Mais ils étaient dans chaque coin de la ville en patrouille, prêts à dégainer à toute résistance. Nous étions surpris de voir que l’un des bons joueurs de l’équipe de football des Blancs de Kabimba ou de Bendera, que nous avions surnommé « Kabaya » au stade, s'était reconverti en mercenaire et ensuite en commissaire de police. Le Katanga était devenu indépendant et il avait jugé utile de rester et de servir l’Etat du Katanga.
La première africanisation des cadres de la territoriale s’est opérée sans heurts. Le chef de la Conakat devenait Commissaire de District et le chef du centre extra coutumier devenait Administrateur de Territoire. Plusieurs jeunes membres des tribus katangaises furent recrutés soit dans la Police Katangaise, soit dans La Gendarmerie Katangaise. Les jeunes de la cité se sont enrôlés. Le commandement de la police fut aussi africanisé. Nous avons vu ainsi un noir qui avait été à l’école de la police à Kasapa-Elisabethville devenir commissaire de police.
En août, nous vîmes arriver à Albertville les soldats de l’Onu, des soldats Maliens (en fait de la défunte Union Senegal-Mali). Ils ne restèrent pas trop longtemps à Kalemie à cause de la désunion de leur pays respectif. Début septembre 1960, j’avais repris mes cours TOUJOURS à LUBUYE chez les Frères d’Oostakker alors que je pensais, du moins le 30 juin, que j’allais étudier à l’Ecole des Jeunes Blancs dès la rentrée suivante. Illusion, déception d’adolescent. L’athénée était fermé et tous les professeurs partis pour ne plus jamais rentrer. Rien n’avait changé pour nous, les élèves des Frères à Lubuye. Tous nos professeurs étaient là à la rentrée, bien aguerris pour nous transmettre les connaissances. La grande nouveauté était le large drapeau katangais avec ses trois croisettes qui flottait désormais au mât de notre école. Et dès les premières heures de la rentrée scolaire, nous avons étudié comme première leçon à bien chanter La Katangaise : l’Hymne National de L’ETAT INDEPENDANT DU KATANGA.
Symhporien Semvua Sikyala