L'affrontement Musungayi Ne Mbua Matumba
LES REALITES HISTORIQUES LUBA :
Musungayi ne mbua Matumba
L’affrontement ou MVITA YA MUSUNGAYI NE MBUA MATUMBA.
.
Nous avons choisi de parler de l'une des histoires populaires les plus célèbres de l'espace kasaïen. Cette histoire a été chantée par plusieurs griots. Parmi ces chanteurs-musiciens traditionnels, il y en a un qui a su chanter cette histoire avec brio. Il s'agit de Kabongo Mbonkodi Kunvu Butolo. De quoi s'agit-il ?
Le cadre dans lequel se déroule cette tragédie se situe vers Katanda, dans le pays luba de bena Nshimba. Nous sommes à l'époque coloniale. Le Congo dit belge est sous domination totale de l'église catholique. Voici que l'église Protestante cherche aussi un point d'ancrage dans cet immense territoire. Sous le mauvais oeil du frère ennemi catholique. C'est connu au Kasaï, pour bâtir une infrastructure neuve, il faut l'accord du pouvoir coutumier qui détient la propriété de la terre au nom des ancêtres. C'est ainsi que l'église Protestante qui voulait construire son église sur les terres de bena Nshimba s'adressa à leur chef. Il s'agissait du chef Mbua Matumba Kazadi. Mais celui-ci refusa net l'installation sur ses terres de l'hôpital et de la mission protestante. Pour quelles raisons ce refus ? Il se dit que c'était l'église Catholique et ses « mumpe » qui ne voulaient pas de l'arrivée des Protestants au Congo. Et pour mettre les batons dans les roues de ceux-ci, ils se mirent à inciter les chefs coutumiers à refuser l'installation de ces intrus de Protestants sur leurs terres. Mais toujours est-il que les protestants s'en allèrent construire leur mission et leur hôpital dans le pays de bena Nsona et bena Manda, à Ngandajika. C'est l'hôpital de Bibanga, connu dans tout le Kasaï.
Il y avait, dans le Territoire de Tshilengi, au Kasaï, deux grands chefs coutumiers. Il s'agit de Musungayi de bakua Ndoba, village du célèbre journaliste Lucien Tshimpumpu. Il y avait aussi Mbua Matumba Kazadi, déjà mentionné ci haut. Tous les chefs coutumiers du Kasaï avaient, dans leur cour, une résidence prévue pour leurs hôtes, « nzubu wa tshiala benyi ». Le colonisateur belge trouva un intérêt de ce genre de structure. Il demanda au chef Musungayi de rebâtir sa maison d'hôtes ou « nzubu wa tshiala benyi ». Pour ces travaux, Musungayi avait besoin d'une grande quantité de bois. Il alla ainsi chercher ce bois vers Nagandajika. Mais son équipe eut vite des problèmes d'approvisionnement et de nutrition. Musungayi envoya un message à son collègue de bena Nshimba. Il se plaigna auprès de Kazadi Mbua Matumba. Il lui dit qu'il ne comprenait pas, que se trouvant sur les terres de Kazadi, que son équipe puisse manquer de quoi manger et de quoi boire. Quelle est la valeur de leur amitié ? Il fit remarquer à Mbua Matumba Kazadi que, chaque fois qu'il se présentait à sa cour, il mangeait et buvait à sa faim...D'une certaine manière Musungayi se plaignait de ce qu’il considérait comme de l'avarice et de l'indifférence de son collègue alors qu'il était sur les terres de ce dernier...
Quand Mbua Matumba eut ce message, il fit dire à son ami Musungayi qu'il n'était pas au courant de cette situation. Il promit qu'il allait vite redorer son blason auprès de son ami. Chose promise, chose due...Mbua Matumba demanda à sa cour de préparer une grande quantité de nourriture, des boissons. Il alla à la rencontre de son ami Musungayi et lui présenta sa table. Il reçut un accueil des plus chaleureux. Le visiteur eut tous les honneurs dus à son rang. Et quand ils en arrivèrent au vin et lotoko, les choses s'envenimèrent… La cuite aidant, Musungayi commença à se plaindre du protocole, de la quantité et de la qualité de la nourriture offerte à sa délégation, du retard dans les services divers... Sous l'emprise de l'alcool les provocations doublèrent. Chacun de deux chefs faisant de la surenchère sur ses qualités et les mérites des siens. De défi en provocation, voici que les deux chefs se défièrent en duel...ceci devant leurs sujets...Et l'affrontement eut lieu. Au premier « kankosu », Musungayi se retrouva par terre. Le « kankosu » est une prise de combat chez les Luba. Les deux adversaires se remirent débout. Au deuxième « kankosu », rebelote, Musungayi se retrouva quatre fers en l'air !!! Troisième round, troisième « kankosu » et Musungayi mordit encore la poussière, 3-0...La tension, entre les deux camps, était telle que le sang risquait de couler. Musungayi ne voulait pas, du tout, accepter sa défaite, surtout devant les siens. On ne doit pas voir son roi rouler dans la poussière. Avant le quatrième round, un sage demanda à Mbua Matumba Kazadi de se laisser faire pour cette manche et de laisser son hôte l'emporter, ne fut ce que pour l'honneur. Mais celui-ci refusa net et sec. Et pour la 4ème fois consécutive, Musungayi bouffa encore la poussière. Le déshonneur était total dans le camp de bakua Ndoba. Dans un coup de colère, pour réparer son blason ainsi terni, Musungayi s'engouffra dans sa résidence. Il en sortit armé d'un fusil et tira sur Mbua Matumba Kazadi. Celui-ci reçut une décharge de chevrotines fatale. Mais il ne rendit pas l'âme sur le champ. Musungayi ayant commis son forfait tenta de fuir. Mais le « muadia nvita » de Mbua Matumba Kazadi, un certain Majambu, transperça d'une lance Musungayi et lui trancha la tête. Et toute sa délégation s'éparpilla pour retourner à Kasengelu. Les enfants de Mbua Matumba vont tenter de sauver leur père. L'hôpital le plus proche, se trouve à Bibanga, vers Ngandajika. Mais, c'est presque à une journée de marche. On transporta ainsi Kazadi Mbua Matumba vers Bibanga. Voici qu'en cours de route, on croise le fils ainé de Musungayi du nom de Muteba. Les enfants de Mbua Matumba, dans leur colère, décident aussi de décapiter Muteba. Kazadi Mbua Matumba, bien que mourant dit ceci à ses fils: « ne touchez pas à l'enfant de mon ami Musungayi. Le problème qu'il y a eu, s'est passé entre moi et son père. Lui, c'est un innocent. Laissez le tranquille. » Chose que firent ses fils. Quand on arriva avec Mbua Matumba Kazadi à Bibanga, il était trop tard. Il rendit ainsi l'âme.
La moralité de cette histoire, c'est le pardon. Celui qu'accorda Kazadi Mbua Matumba au de fils Musungayi. Et ce pardon le fut dans des conditions difficiles et particulières. Au Kasaï, on se dit, jusqu'à nos jours, que si Kazadi Mbua Matumba avait laissé les Protestants construire leur hôpital sur ses terres, peut-être qu'il aurait été sauvé...Le pardon et la justesse des décisions quand on a des responsabilités, c'est indispensables. L'alcool est dangereux, destructeur et nuisible. Voici deux notables du Kasaï qui ont été amenés à perdre leur dignité à cause de l'alcool. Bannissons la bière et d'autres liqueurs qui nous font danser sur des insanités et des obscénités avec nos enfants, nos mamans, nos soeurs et nos belles mères...!!!!
LA TRAGIQUE FIN DE MULOWAYI wa NZABA.
L'histoire que nous allons relater a pour cadre le pays luba, plus précisement vers Badibanga wa Katende aux confins de la rivière Lubi, chez Mulowayi wa Nzaba.
Nous sommes à l'époque coloniale belge. Beaucoup de petits commerçants européens se sont installés un peu partout au Congo. Ils ont créés de petites communautés européennes dans presque tous les centres urbains. Ils constituent la classe moyenne, donc des colons...Parmi ces Européens, il y en avait de toutes les nationalités. Dans cette contrée, il y a un commerçant de nationalité portugaise. Il vivait avec sa femme et ses enfants dans cette région du Kasaï. Ce colon portugais se prénommait Mr Diascossé (transcription phonétique).
Nous devons rappeler la fascination qu'exerçait le Blanc sur nos grands pères et arrières grands pères...La femme blanche était un grand sujet de fascination et des fantasmes divers pour les autochtones...et tous les mâles de l'époque fantasmaient énormément sur les femmes européennes. Parmi eux, nous citerons un certain Mulowayi wa Nzaba. C'était un homme fort, sain d'esprit et de corps. Donc un mâle dans la force de l'âge et jouissant de tous ses attributs. Mulowayi éprouvait une forte attirance pour la femme Mme Diascossé. Il en arriva à élaborer un scénario des plus ahurissants. Il procéda à l'enlèvement de cette femme et la cacha dans une maison de son village. Toutes les recherches entreprises par l'autorité coloniale belge furent vaines. Les cases des villages au Kasaï ont un deuxième niveau. Celui-ci est appelé en tshiluba « pelu ». On y entrepose la viande boucanée, les denrées alimentaires diverses, les semis de la prochaine saison etc...Le « pelu » constitue ce qu'on appelle aujourd'hui les caves dans nos maisons modernes. Et notre malin Mulowayi wa Nzaba avait caché l'infortunée européenne dans le « pelu ». Il rejoignait la pauvre femme régulièrement pour ses ébats amoureux. Il voulait la transformer en une femme noire. Pour ce faire il entreprit d'enfumer la pauvre femme enfin de la transformer en une femme noire. Il pensait qu'ainsi, le Blanc perdrait toute trace de la malheureuse. Nous devons rappeler que dans nos cases, au village, il y a toujours un feu de bois tous les soirs. Il sert à préparer, à sécher la viande ou d'autres denrées périssables. Et dans la case de Mulowayi wa Nzaba, ce feu eut un rôle supplémentaire, celui de transformer Mme Diascossé en femme noire...La police belge fut mise en échec pendant presque un mois par le subterfurge de Molowayi. La police interrogea tous les environs sur la disparition de Mme Diascossé, mais personne ne dénonça Molowayi wa Nzaba. Devant cet échec, les Belges changèrent de tactique. Ils mirent en jeu de fortes primes de récompense pour tout indicateur qui leur permettrait de résoudre cette énigme. Finalement, c'est l'un des proches de Mulowayi qui vendra la mèche à l'autorité belge. L'autorité coloniale belge va ainsi délivrer Mme Diascossé de son mariage forcé avec Mulowayi wa Nzaba. Celui-ci sera arrêté. Le châtiment des Belges était impitoyable quand il s'agissait des Congolais. Pour effrayer tout le monde et montrer leur sévérité ou cruauté, les Belges pendirent Mulowayi wa Nzaba dans sa propre cour et devant les siens.
Parfois à trop convoiter la propriété d'autrui, on risque de perdre son âme et sa dignité. Apprenons à gagner par la sueur de notre front et parfois contentons-nous de ce que nous avons.
CLAUDE KANGUDIE.
.