deux règles pour la construction d’un ethnonyme en kikongo.
Il y a deux règles pour la construction d’un ethnonyme en kikongo.
La première est l’affixation du préfixe mu- (singulier) au nom d’une certaine contrée. Le pluriel de ce préfixe est ba-. C’est ce qui nous donne l'ethnonyme mukongo/bakongo (singulier/pluriel) qui désigne ce que certains ethnologues appellent le groupe ethnique. Le nom de la contrée (Kongo) devient donc ce qu’on appelle la racine de l'ethnonyme mukongo/bakongo, et chaque sous-contrée de l’espace Kongo a un nom qui est aussi la racine d’un ethnonyme qui désigne un sous-groupe des bakongo. C’est ce que le mbokatier Abdel appelle « tribu ». J’ai déjà rencontré des gens qui n’aiment pas ce mot, mais nous pouvons nous en servir. Par exemple, la sous-contrée Zombo est la racine de l'ethnonyme muzombo/bazombo. Ce n’est peut-être pas différent de la construction des ethnonymes dans d’autres groupes bantous. Il y a, néanmoins, une variante de l’ethnonyme mukongo/bakongo, notamment nkongo/akongo. C’est dommage que cet exposé ne soit pas oral, car le singulier de cette variante (nkongo) est un mot à trois syllabes, comme son pluriel akongo. Si l’on prononce ce mot avec deux syllabes, il signifie « chasseur ». Donc, l’ethnonyme singulier nkongo contient ce que les linguistes appellent une nasale syllabique, qui est le premier son de ce mot. Moi, par exemple, j’appartiens à un sous-groupe qui dit nkongo/akongo, nzombo/azombo. Pour cela, même en référence à d’autres ethnonymes, je dis mon ami est nluba (au lieu de muluba) ; à l’internat j’avais beaucoup de collègues aluba (au lieu de baluba). D’ailleurs, la prononciation du mot nluba nous aide à comprendre la nasale syllabique, puisque la consonne l (elle) précédée de la consonne n (ene) ne permet pas une prononciation à deux syllabes. Il n’y a donc pas d’ambigüité comme il arrive avec la consonne k de nkongo.
La deuxième règle pour la construction d’un ethnonyme en kikongo est l’affixation (il y a plus d’un préfixe ici) de mwisi/besi. Ces particules ont aussi des variantes comme musi/basi, etc. J’ai déjà lu quelque chose au sujet de cette construction sur mbokamosika. Je crois que c’est Ndombasi Kupesa Ngombo qui en a parlé quand il présentait les sous-groupes de la province angolaise de Uige. Je n’ai pas pu repérer ces articles pour être certain, mais chaque fois qu’on se sert des préfixes mu-/ba- (n-/a-), on pourrait aussi dire mwisi/besi. Au lieu de muzombo/nzombo, on peut toujours dire mwisizombo. Au lieu de bazombo/azombo, on peut toujours dire besizombo. Ce type d’ethnonyme fait en sorte qu’il soit impossible d’énumérer tous les ethnonymes en kikongo, parce que les habitants de chaque village deviendraient une tribu, pour ainsi dire. Les habitants du village Kimayala, par exemple, sont les besikimayala.
C’est cette construction d’ethnonyme qui nous donne mwisingombe/besingombe, sauf que, dans ce cas, bien que la racine corresponde à Ngombe qui est un mot en kikongo, il ne semble pas vrai que toute la contrée où les besingombe ont leurs villages se désigne Ngombe (sous correction), même s’il y a des toponymes comme Ngombe Matadi et Ngombe Lutete. D’ailleurs, la première règle énoncée ci-haut, c'est-à-dire la préfixation de mu-/ba- se heurte aussi à des exceptions où la racine des ethnonymes ne correspond nécessairement pas au nom de la contrée où les villages du sous-groupe se trouvent. Ainsi, je ne crois pas que les bandibu habitent une contrée appelée Ndibu (sous correction), les basolongo une contrée appelée Solongo, etc.
C’est ce qui fait que les besingombe ne soient pas des bangombe et les bandibu ne soient pas des besindibu.
Donc, il y a des fois où, en kikongo, les préfixes ba- et besi- ne sont pas interchangeables. Les langues ont une dynamique exceptionnelle. Cette non-interchangeabilité a permis que l’ethnonyme mukongo/bakongo (ou nkongo/akongo) ne désigne pas le même concept que l’ethnonyme mwisikongo/besikongo. L’un désigne des gens dont les villages se trouvent dans tout le royaume. C'est-à-dire, toute l’ethnie. L’autre désigne des gens dont les villages se trouvent aux alentours de la capitale Mbanza-kongo, y compris la sous-contrée de Kwimba, comme LUSED le dit. L’ethnonyme musansala/basansala (nsansala/asansala) est construit selon la première règle, avec comme racine –sansala, qui est la forme bantouisée de San Salvador (São Salvador en portugais). Ce qui est marrant, c’est que le mot Sansala lui-même n’existe pas comme toponyme (sous correction). C'est-à-dire la ville de São Salvador (Mbanza Kongo) ne porte pas le nom bantouisé de Sansala.
Conclusion, l’ethnonyme qui désigne le sous-groupe auquel les manikongo (les aristocrates qui ont régné à Mbanza Kongo), c’est besikongo (au pluriel). L’ethnonyme basansala a la même signification, mais sa construction morphologique est différente. Le mot Nekongo n’est pas un ethnonyme. Je crois que Serge voudrait encore savoir ce que signifie la particule Né. Il faut qu’on essaie d’en découdre une signification.
Pedro
Soneka Nkanda, par Mwanga Paul
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