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Publié par Messager

Ndeko Messager,

 

 

 

Tango mosusu ndeko Anaclet aluka koyeba nzela ya Lumumba malamu te. Yango wana nasepeli kotiela ye na ba ndeko mosusu oyo balingi bayeba ndenge nini Lumumba atambolaki mpe na ndenge babomaki ye likolo ya Congo-Kinshasa. Na kati ya makomi oyo, natie mpe adresse électronique ya Docteur Jacques Brassinne de la Buissière, auteur ya travail scientifique kitoko sur liwa ya Lumumba.

Na oyo etali Kasa-Vubu sur lolenge ye amemaki démocratie, okozwa biyano soki osilisi kotanga maye makomami.

N.B mua ba erreurs mike esalemi na ba nkombo ya batu, neti Bosange, bakomi Bosango.

 

Patriotiquement,

 

 

Emmanuel Kandolo

 

 

Source, le soir de Belgique

 

 

 

Patrice Lumumba est né le 2 juillet 1925 au village de Onalowa, territoire de Katako-Kombe dans le district du Sankuru, au nord du Kasaï. Il est le cadet d'une famille de quatre enfants vivant pauvrement de revenus agricoles amputés par les impôts de l'administration coloniale. Il va à l'école missionnaire catholique où il a été baptisé, puis fréquente l'école protestante à Wembonyama. Très communicatif et fervent lecteur, P. Lumumba entendit très tôt les " récits terrifiants " de ce qu'avaient été la conquête et l'occupation, puis l'exploitation sans merci du Congo pour le compte du roi Léopold, qui avait fait du pays sa propriété personnelle. Ses études terminées, il cherche du travail dans la province du Kivu et est pendant un temps employé d'une société minière, jusqu'à ses 20 ans. En 1945, à la fin de la seconde guerre mondiale, il est déjà un de ceux qu’on appelle les "évolués", une minorité d’individus ayant bénéficié d’une éducation "moderne" et intellectuellement privilégiés. Il faut pourtant attendre les années cinquante et la découverte des villes - Stanleyville, future Kisangani, et Léopoldville, aujourd'hui Kinshasa - pour que l'adolescent, puis l'adulte, entré dans l'administration des postes et marqué par le racisme ambiant, commence à rêver d'indépendance et à militer activement au sein des associations des« évolués », embryon d'une première élite africaine.

En septembre 1954, il reçoit sa carte "d’immatriculé" : le détenteur de cette carte qui est une invention de l’administration coloniale est supposé vivre à "l’européenne", avoir de bonnes mœurs et de bonnes conduites. 217 cartes seront distribuées jusqu’en 1958 (sur 13 millions de congolais !). En 1955, Lumumba qui écrit depuis 1951 dans divers journaux existants crée une association L’APIC (association du personnel indigène de la colonie), profitant du relatif espace de liberté laissée par l’administration coloniale dans le domaine associatif, qui est apolitique.

En juin 1955, Lumumba a l’occasion de s’entretenir avec le roi Baudouin en voyage au Congo sur la situation des congolais et de la communauté belge. A cette période le ministre du Congo est le libéral Buisseret, membre du parti libéral belge qui veut créer un enseignement public, ce qui plaît à Lumumba et à d’autres "évolués" qui se retrouvent dans la section congolaise du parti libéral belge. Lumumba et quelques "notables" congolais se rendent en Belgique sur invitation du premier ministre.

En 1958 se tient en Belgique l’exposition universelle. Quelques congolais sont conviés afin que le monde voit les réussites de la mission civilisatrice belge. Parmi eux, Patrice Lumumba qui en profite pour nouer des contacts avec les cercles anti-colonialistes belges et se documenter. C’est sans doute à cette période que la pensée politique de Lumumba prend sa forme définitive. Rentré au pays, Lumumba crée le premier mouvement national à base non ethnique, le Mouvement National Congolais (MNC) à Léopoldville le 5 octobre 1958. En décembre de la même année, Lumumba participe à la conférence panafricaine d’Accra au Ghana, impulsée par le dirigeant ghanéen Kwame Nkrumah.

Fin décembre lors d’un meeting, Lumumba qui jouit d’une grande popularité effectue une conférence meeting qui rassemble 10 000 personnes. Il y rend compte de la conférence d’Accra et met en évidence la revendication de l’indépendance pleine et entière. En octobre 1959, le MNC organise une réunion unitaire à Stanleyville avec d’autres partis qui sont d’accord pour réclamer l’indépendance immédiate et inconditionnelle. La foule congolaise qui assiste à la réunion manifeste son approbation. Les forces de l’ordre interviennent, essayant d’arrêter Lumumba. Ne pouvant y arriver, elles tirent dans le tas, faisant 30 morts. Deux jours plus tard, Lumumba est arrêté pour avoir appelé à la désobéissance civile et au boycott des élections organisées par le pouvoir colonial tant qu’une décision n’est pas prise pour la formation d’un gouvernement congolais.

Le procès se déroule du 18 au 21 janvier, et il est condamné à 6 mois de prison. Début 1960, le 11 janvier, une table ronde réunissant les différents acteurs congolais impliqués dans l’indépendance et le gouvernement belge est prévue pour...le 20. Lumumba qui est toujours emprisonné ne peut donc y participer. Malgré les oppositions internes, les différentes parties congolaises en présence exigent la participation de Lumumba à la conférence. Ce dernier arrive à Bruxelles le 26. A la table ronde, la date de l’indépendance est fixée au 30 juin et les congolais sont les premiers surpris de ce succès qu’ils n’attendaient pas. En mai, des élections sont organisées et le MNC de Lumumba arrive en tête. Lumumba, malgré une première volte face du gouvernement belge est chargé de former le gouvernement congolais et Joseph Kasavubu obtient la présidence (dont les pouvoirs sont surtout symboliques). Fin juin, plus précisément le 30, le roi et le premier ministre belges sont présents lors de la cérémonie de proclamation de l’indépendance au palais de la nation à Léopoldville. Après les discours des uns et des autres, c'est alors que l'inattendu arrive. Se déclarant prêt à accepter l’assistance de nombreux pays étrangers dont la collaboration sera loyale et qui ne chercheront pas à imposer quelque politique que ce soit, Lumumba brise le consensus de ce qu'on appellerait aujourd'hui le "politiquement correct".

S'adressant non au roi Baudouin, devenu blême, mais aux "Congolais et Congolaises, combattants de l'indépendance aujourd'hui victorieux", il rappelle ce que fut "l'humiliant esclavage" imposé par ce Léopold II dont Baudouin vient de glorifier le génie: "Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions des nègres. Nous avons connu que la loi n'était jamais la même selon qu'il s'agissait d'un Blanc ou d'un Noir: accommodante pour les uns, cruelle et inhumaine pour les autres". (...)

Patrice Lumumba est salué finalement par une véritable ovation. Pour les notabilités belges, depuis le roi Baudouin, livide jusqu 'au Premier ministre Gaston Eyskens, en passant par le général Janssens, commandant en chef de la Force publique, l'affront est peut-être de ceux qu'on ne pardonne pas. Le 5 juillet, après une mutinerie des soldats congolais de la Force publique contre les officiers belges qui refusent l’africanisation des cadres, Lumumba décide d’africaniser les cadres de l’armée, ce qui rend impossible le contrôle du gouvernement congolais par l’ex puissance coloniale. La Belgique envoie des troupes au Katanga où se trouve Moise Tshombe qui peut être considéré comme son homme de paille, ce dernier déclare la sécession du Katanga, la province la plus riche du Congo (elle génère 2/3 des revenus du pays, et l’Union Minière du Haut Katanga, contrôlée par des entreprises américaines, britanniques et belges produit 60 % de l’uranium mondial, 73% du cobalt, 10% du cuivre...). Lumumba demande l’intervention de l’ONU qui envoie des troupes partout sauf au Katanga, et refuse de s’opposer à "l’indépendance" du Katanga dont elle n’ignore pas l’illégalité.

En septembre, Joseph Kasavubu qui est devenu un adversaire de Lumumba le démet de ses fonctions de premier ministre, mais celui ci est confirmé dans ses fonctions par la chambre et le sénat congolais. Mi septembre le colonel Mobutu qui effectue là son premier coup d’Etat "neutralise" le gouvernement, (qui est remplacé par des "commissaires") jusqu’au 31 décembre. En octobre, la résidence de Lumumba est encerclée et il est maintenu en résidence surveillée. Fin novembre, Lumumba essaye de s’enfuir afin de gagner Stanleyville alors aux mains de ses partisans. Il ne réussit pas et est rattrapé par les soldats de Mobutu, frappé et molesté en présence de troupes ghanéennes de l’ONU, qui restent impassibles sur ordre de leurs supérieurs. Lumumba est détenu à Tsyville en compagnie de joseph Mpolo et de Maurice Okito. Mi janvier, ils sont transférés à Élisabethville, aux mains de leur ennemi numéro un Moise Tshombe. Les trois hommes sont abattus d’une rafale de mitraillette par des militaires katangais en présence de trois officiers de nationalité belge après avoir été torturés.

En fait assassiné à 36 ans, Lumumba a passé six ans de militantisme et six mois au pouvoir. Durant sa courte vie et encore sa plus courte « carrière » politique, Patrice Emery Lumumba aura tout synthétisé : la prise de conscience de l'oppression coloniale dans ses aspects les plus brutaux, ceux de l'administration belge ; la volonté d'indépendance, exprimée dans un défi sans concession ; le refus de tous les particularismes régionaux ou tribaux ; la méfiance à l'égard d'une « bourgeoisie nationale » trop prompte à se substituer au colonisateur ; le rêve d'une Afrique unie solidaire des autres mouvements de libération du Tiers Monde ; enfin, la coalition contre lui des petits traîtres locaux ainsi que des grands intérêts privés et publics étrangers.

"Un jour, l’histoire aura son mot à dire, mais ce ne sera pas l’histoire qu’on enseigne à l’ONU, à Washington, Paris ou Bruxelles, mais l’histoire qu’on enseignera dans les pays libérés du colonialisme et de ses marionnettes. L’Afrique écrira sa propre histoire. Une histoire faite de gloire et de dignité".


Les dernieres paroles d’un homme libre: Le premier ministre Emery Patrice Lumumba s’explique

Chaque 17 janvier, les Congolais commémorent le jour de l’anniversaire des assassinats combien audieux de nos héros nationaux Emery Patrice Lumumba, Pierre Mulele et Laurent Désiré Kabila.
Nous publions les dernières paroles de Patrice Lumumba, un homme totalement libre bien qu’étant en ce moment là l’un des hommes les plus recherchés d’Afrique; un extrait tiré du livre de Colette Braeckman, «Lumumba: Un Crime d’État», Editions Aden, 2002.

Le hasard est quelquefois miraculeux: alors que les travaux de la Commission d’enquête sur l’assassinat de Patrice Lumumba allaient s’achever, un lecteur du Soir, M. Hermant, retrouva dans ses archives un document extraordinaire, des notes qui dataient de décembre 1960!

A l’époque, notre lecteur était cadre d’une société belge, l’Exploitation forestière du Kasaï, et il avait été dépêché en renfort sur un vaste chantier du Kasaï oriental. Par sa présence, il essayait de tempérer les affrontements féroces qui avaient mis aux prises les travailleurs Luluas et Balubas. Ces derniers étaient amenés en camion et travaillaient sur le chantier du lundi au samedi, exigeant la présence d’un Éuropéen [encore fallait-il la présence d’un Éuropéen pour mettre de l’ordre!], afin d’empêcher une éventuelle réprise des affrontements. Ce qui explique pourquoi, le 1er décembre 1960, le chef de chantier blanc se reposait tranquillement dans la résidence privée du responsible de la plantation, une résidence située à front de la route de Kinda, gare ferroviaire du chemin de fer reliant Mushenge à Lodi sur la rivière Sankuru et, au-delà, à Stanleyville, la capitale de la province orientale, considérée comme un bastion des partisans de Lumumba.

Vers 14 heures, la sieste de l’Éuropéen fut interrompue par l’arrivée d’un Congolais, très ému qui sollicitait de l’aide pour dégager sa voiture, immobilisée à quelques kilomètres de là. En réalité, deux vehicules étaient immobilisées: l’un était bloqué par un arbre de fort diamètre, le second ensablé, avait les deux pneus plats; les pneus de rechange n'’taient pas en meilleur état, la réserve de carburant était pratiquement vide.

Mais surtout, le forestier reconnut aussitôt celui qui dirigeait le pétit groupe: Patrice Lumumba, qui, contrairement aux membres de son escorte, visiblement épuisés, semblait lui plutôt en forme. Le forestier fut touché par la détresse qui émanait du pétit groupe: il était au courant de la fuite éperdue à travers la forêt, il n’ignorait rien de sa volonté de gagner Stanleyville, il savait que l’ancien Premier Ministre était en ce moment l’un des hommes les plus recherchés d’Afrique. Il voyait déjà se rassembler des travailleurs Luluas armés d’arcs et de flèches au bout empoisonné de curare, des Luluas qui étaient prêts à se venger des exactions que l’armée nationale congolaise (sous les ordres du colonel Mobutu mais dont Lumumba était le responsible politique) avait commise dans leur région.

Le Premier Ministre en cavale était ménacé de mort, dénoncé par les Blancs qui communicaient sa position par phonie aux troupes de Mobutu lancées à ses trousses. Notre forestier n’avait rien d’un délateur, même s’il ne nourrissait aucune sympathie particulière à l’encontre d’un Lumumba jugé trop exalté, trop violent. «La délation n’est pas mon fort», dit-il au Premier Ministre, tout en l’invitant à attendre à la résidence que les véhicules soient rémis en état de marche.

Durant les quelques heures qui suivirent, un dialogue passionné, violent parfois, s’engagea entre les deux hommes. Lumumba se lança dans un immense plaidoyer, explicitant son action, les menaces dont il fut l’objet, le sabotage incessant dont il fut victime de la part d’une Belgique qui ne l’avait jamais accepté. Lorsque les voitures furent réparées Albert Herman, qui avait pris des notes durant l’entretien, s’empressa de les retranscrire sur sa vieille machine à écrire et classa ces feuilles dans ses archives personnelles. Au moment des travaux de la Commission Lumumba, il s’avisa de leur existence et se décida à rendre public le contenu de cet entretien qui réprésente donc le dernier message de Lumumba, à quelques heures de son arrestation. Lumumba dès le debut de la rencontre, l’apostropha en disant: «Vous, en tant que Belges, que me reprochez vous?»

Passablement démonté par cette question, Hermant répondit: «Avouez que votre discours du 30 juin n’était pas tendre, ni pour le Roi, ni pour la colonisation, dont les résultats n’étaient pas tous négatifs, que je le sache. De plus, si j’en crois les versions de vos pairs et des médias internationaux, vous seriez inféodé au communisme…».

«Nous y voilà», éructa alors Lumumba, avant de se lancer durant deux heures dans un monologue relatant les épisodes ayant marqué son cheminement politique.

«Mon discours du 30 juin n’était en rien dirigé contre le Roi, que je considère comme un homme honnête, sans pouvoirs réels, ni contre le colonisateur. Il se voulait une réplique cinglante à l’allocution du président Kasa-Vubu qui, selon nos accords, aurait dû me soumettre le texte de son discours et ne l’a pas fait. De plus, cet exposé célébrant les mérites et les réalisations du pouvoir colonial, était l’exacte réfutation des propos xénophobes et revanchards qu’il développait en conseil restreint ou en privé. Cette duplicité, qui ne se dementira plus, me mit dans une colère froide, ma parole dépassa peut-être ma pensée, mais c’était sous l’influence de votre compatriote M. Jean Van Lierde» - Voir photo ci-dessous.



Nous intérrompons le Premier Ministre pour vous rapeller le passage quasi- lèche-bottiste du discours du président Kasa-Vubu le 30 juin 1960 qui lui a provoqué une colère froide.

Nous citons le président Kasa-Vubu au Roi des Belges: «Le Congo indépendant que vous avez créé vous dit avec émotion sa gratitude infinie et vous assure solennellement que votre oeuvre ne sera jamais oublié». Réplique du Prémier Ministre Emery Patrice Lumumba: «Ce que fut notre sort en 80 ans de régime colonialiste, nos blessures sont trop fraîches et trop douloureuses encore pour que nous puissions les chasser de notre mémoire».

Paroles immortelles! Comme cette réplique est bien d’actualité au Congo d’aujourd’hui! (commentaires d’A.R. Lokongo).

Lumumba poursuivit son allocution à Albert Hermant: «Donc, selon vous, je suis un suppôt du communisme: sachez bien que je suis au courant du désenchantement généralisé de la population. Mes amis ghanéens, camerounais, et guinéens m’ont tous confirmé cet état de choses. Mais n’est ce pas un moindre mal, quand vos prétendus amis vous làchent et, mieux encore, veulent vous asservir par des malversations et le pillage. Je dis bien pillage, oh, rien de violent, en réalité une dupérie planifiée par des spécialistes.»

Lumumba expliqua alors que, s’il s’agit de la mise en commun des richesses, dépuis toujours le nègre est un parfait communiste. Et il souligna que ce sont les colonisateurs qui, par leur exemple, ont engendré des goûts immodérés de luxe, une soif inextinguible de pouvoir chez les pseudo-évolués. «Au Ghana et au Nigeria, les Anglais, quoique distants, étaient toujours polis et sans la moindre acrimonie à l’égard de leurs administrés. Dans les ex-colonies françaises, des centaines d’étudiants étaient chaque année envoyés dans des universités et hautes écoles. En Angola et au Mozambique, les Portugais vivaient en parfaite harmonie avec les populations locales. Vous autres Belges, vous n’avez pas formé un seul universitaire, un seul officier et, ce qui est pis, vous nous avez toujours traités avec arrogance, dédain, condescence… Il y a trois ans, j’avais proposé au ministre Buisseret de ne plus remplacer les fonctionnaires expatriés partant à la retraite, permettant ainsi une relève graduelle par la base, avec comme corollaire la création d’écoles d’administration avec formation accélérée, à l’usage des futurs cadres. Il me répondit que de telles réformes n’étaient pas à l’ordre du jour; étant donné le caractère confessionel de l’enseignement dispensé par les seules écoles missionnaires.»

Lumumba poursuivit: «Avec mes amis, N’Krumah du Ghana, Moumié du Cameroun, Roberto Holden d’Angola et bien d’autres, progressistes et nationalistes, nous voulons, primo, réviser les frontières arbitrairement fixées à Berlin par des diplomates ignorant tout de l’Afrique, en vertu d’intérêts contradictoires qui ne sont pas ceux des populations… Les troubles de Léopoldville, le 4 janvier 1958, servirent de déclic et forcèrent le gouvernement belge à réagir rapidement et à modifier une tactique en vigeur depuis toujours: de paternaliste et tatillonne, elle devint laxiste et permissive… N’étant pas suffisamment puissante pour s’imposer par la force, la Belgique décida d’employer la duperie. L’adage «diviser pour régner» étant toujours de mise, elle s’efforça de multiplier en sous-main la naissance de partis à caractère ethnique ou régional, facilement contrôlables et réveillant de vieilles rancoeurs remontant à la nuit des temps. Sous le prétexque, grotesque et ridicule, de défense de la civilisation occidentale ménacée par les Russes, elle créa et renforça une base militaire à Kamina. En réalité, cette base était destinée à l’intimidation de l’État congolais… Lors de la Table Ronde de Bruxelles, les délégués belges firent preuve d’une ignanimité remarquable en acceptant sans la moindre réticence nos desiderata. En réalité, toutes les sociétés d’État se retirèrent du Congo, réclamant et obtenant des dédits fabuleux de la part de l’État. Toutes les companies optèrent pour le droit belge, éludant ainsi l’obligation de régler leurs impôts chez nous. La réserve d’or de la Banque du Congo fut expédiée en Belgique, colons et commerçants transférèrent en Europe une grosse partie des fortunes acquises par la spoliation des indigènes… L’autonomie consistait à nommer des ministres, polichinelles recevant à foison voitures haut de gamme, maisons luxueuses, rétributions mirobolantes, décoronations à faire pâlir de jalousie un portier du Majestic. Un convoi de prostituées avait quitté les bas-fonds de Bruxelles pour desservir les maisons de passe à Léopoldville. Cela, je ne pouvais l’accepter. Je m’attirai des antipathies tenaces en refusant net toutes les propositions de cadeaux offertes par les ministres de la métropole, je proposai au parlement la nationalisation de l’Université de Lovanium, la laïcisation de l’enseignement m’attirant les foudres de l’Église Catholique, je muselai les officines de renseignement et de propagande que constituaient les missions protestantes: c’est pour cela que je suis devenu la bête noire de tous ceux qui s’interessent au Congo, non pour le bien-être de son peuple mais pour ses immenses richesses. De cela, il resulta les sécessions du Katanga et du Kasaï, provinces minières qui devaient assurer 80% des recettes du Trésor. Ces sécessions, sans aucune base légale ni justifiée, sont des émanations des sociétés minières trafiquant dans la région. L’Union Minière, aidée par les Weber, Cumont et autres Aspremont Lynden, soudoya la marionnette Tshombe et son parti, la Conakat, qui representait 50% de la population du Katanga. Le reste était du ressort de la Balubakat, leurs farouches opposants. Quant à la sécession du Kasaï, elle était le privilège du co-fondateur de mon MNC (Mouvement National Congolais), le renégat Kalondji, qui, par la grâce de M. Cravatte et de la société Forminière, devint le ridicule empereur du Kasaï.»

Dénonçant la duplicité des Belges, Lumumba s’emporte: «Après le 30 juin, les Belges mangèrent du lion et, sous le prétexte mensonger de protéger leurs intervenants menacés, ils firent intervenir leurs troupes métropolitaines. Je suis formel: les incidents survenus à Thysville furent réprimés par des officiers Congolais novices, j’en conviens, mais suppléant à la carence des cadres déserteurs. Le calme régnait à Thysville quand parvinrent au camp les nouvelles du bombardement absurde du camp de Matadi par un bateau belge, causant la mort de 113 soldats Congolais, bombardement inutile, tous les Européens ayant sans raison pris place à bord d’un paquebot avec le gouverneur Cornélis, attendant bravement à 200 mètres du bord pour scander «macaques, enfants de macaques…».

A l’annonce de cette nouvelle, ajoutée à celle du camp aérien de Decommune à Elizabethville, l’émeute devint générale et les mutins se répandirent dans toute la région, commettant des exactions regrettables que je n’excuse pas, mais sans en assumer toutes les responsabilités. Cherchant à calmer les esprits, nous decidâment avec le président de visiter tous les endroits les plus brûlants. L’aviation toujours dirigée par les Belges, était officiellement mise à notre disposition. Mais en réalité, par pilotes et tour de contrôle interposés, ces derniers s’ingénièrent à nous retarder. Copieusement insultés à Kamina par les soldats métropolitains, réembarqués manu militari à Elisabethville comme des pitres ridicules, ayant, sur le conseil de l'’mbassadeur américain, démandé l'’ntervention de l’ONU, je réalisai que nous avions commis une erreur fatale: nous nous étions livrés pieds et poings à l’ogre américain. Effectivement, l’ambassadeur Timberlake devint le véritable meneur de la politique gouvernementale, en devenant l’âme damnée de mon fils spirituel, de celui qui me devait tout, son grade de Colonel, son ascension rapide, le sergent comptable Mobutu. C’était un compagnon de la prémière heure. Je m’étais rendu compte qu’il était alcoolique, obséquieux avec les puissants, mais qu’il puisse devenir Judas et félon, je ne le pensais pas. Nous donnâmes l’ordre d’en finir avec les sécessions. Pour ce faire, les soldats du général Lundula foncèrent sur le sud-est du Katanga, avec l’aide des gens de la Balubakat, ils s’emparèrent de Manono et se dirigèrent vers Albertville (aujourd’hui Kalemié). Ceux venant de Luluabourg (aujourd’hui Kananga) et de Luebo récupèrent Mbuji Mayi, chassant l’empereur Kalondji. La sécession kasaïenne avait vécu, la katangaise était aux abois. L’Union Minière entra en transes. Les troupes belges, sommées de quitter le territoire par les Nations Unies, multipliaient les subterfuges pour en retarder l’échéance, mais n’osaient intervenir, de peur de mécontenter le caïd, l’Oncle Sam. Timberlake, le faiseur de rois, appela le vendu, Mobutu, lui enjoignit de conclure un cessez-le-feu avec une armée katangaise n’existant nulle part ailleurs que sur papier et de donner l’ordre à nos troupes d’évacuer la province sécessionniste. Des avions américains prêtés pour la circonstance se chargèrent de les ramener après une ultime humiliation: ces hommes qui n’avaient fait que leur devoir furent obligés de rendre leurs armes. Cette forfaiture impardonnable de Mobutu allait permettre aux d’Aspremont Lynden, Weber et consorts de constituer une gendarmerie katangaise, ramassis de mercenaires de toutes nationalités, sans la moindre respectabilité ni légalité. Mobutu commença par démobiliser les membres de l’armée non dévoués à sa cause, les remplaçant par une garde prétorienne recrutée dans l’Equateur, en fait les exécuteurs de ses basses oeuvres.

Toujours empressé à satisfaire ses bailleurs de fonds et fournisseurs de whisky, le colonel monta à mon encontre une véritable coalition d’opposition, où l’on retrouvait pêle-mêle Kasa-Vubu et Tshombe qui, avec l’aide de la Sûreté belge et de radio Makala, nous abreuvaient d’injures. Misant sur les chambres régulièrement élues, je demandai pleins pouvoirs. Payés royalement, certains députés s’abstinrent, d’autres furent empêchés de prendre part au vote par coercition ou panne de voiture. Le président nomma un Premier ministre, M. Iléo, gouvernement mort-né n’ayant jamais obtenu le quorum nécessaire à l’investiture. Un collège de commissaires composé de jeune étudiants et d’une foule de conseillers se couvrit de ridicule en prenant des décisions contradictoires et inconhérentes. L’anarchie s’installait et tout naturellement j’en devins le bouc émissaire. Timberlake tint conseil et dit qu’il fallait révoquer ce révolutionnaire par un acte légal, et je fus donc démissionné pour corruption.

Outré par des accusations aussi fausses, je tins plusieurs réunions, écouté par des foules immenses et dans une ferveur telle que Mobutu me fit mettre en résidence surveillée. Averti d’une tentative d’assasinat à mon égard, le général Dayal fit garder ma résidence par des soldats ghanéens. Par deux fois, la CIA a tenté de m’assassiner, la prémière fois en m’envoyant un agent chargé de m’empoisonner; arrêté, il avoua le but de sa mission, contre la vie sauve; la seconde, en envoyant un tireur d’élite à Stanleyville, qui faillit à sa tâche, le fusil ayant été saisi par les gardes. A Léopoldville, une condamnation à mort pour haute trahison, appel de troupes étrangères, entraves au fonctionnement de la démocratie fut obtenue d’un tribunal fantôme, tribunal sans magistrats, sans avocats. Le procureur, toujours belge, delivra un mandat d’arrêt. Un ministre du collège des commissaires m’apprit que le nouveau président des États-Unis allait être investi et que mon cas devait être réglé avant car il risquait de ne pas entériner les actes de son prédéceur. Je compris et decidai de prendre la fuite pour rejoindre Stanleyville, retrouver mes amis déjà sur place et attendre les autres qui s’enfuyaient. De là, nous, nous pourrons avec l’aide de 90% du peuple reprendre les rênes de ce pays grugé par des dirigeants indignes.»

Et Lumumba conclut, lucidement: «Si par malheur je devais être pris, Mobutu n’aurait d’autre alternative que de me supprimer physiquement. Oh, il est bien trop lâche pour le faire lui-même ou en donner l’ordre, redoutant de prendre la responsabilité d’un tel acte… Si Patrice devait disparaître, dans toutes les villes, les villages, les forêts du Congo, tout un peuple continuera à le croire vivant, à attendre patiemment son retour, des années s’il le faut, pour les délivrer d’un néocolonialisme acharné à sa ruine.»


La mort de Lumumba : Le récit poignant de la tragédie minute par minute

Le chemin de la croix de Patrice Emery Lumumba commence le 19 juillet 1959, lorsque le Mouvement National Congolais (MNC) créé le 10 octobre 1958 venait de connaître une scission entre le bloc de sociaux-chrétiens soutenus par l’Eglise catholique de l’Abbé Joseph Malula

Source: Coeur D’Afrique, Kinshasa , 26.05.2005 !!!!  En réalité journal oyo esali plagiat ya Thèse de Doctorat  ya Jacques BRASSINNE de LA BUISSIERE,  « Enquête sur la mort de Lumumba » Thèse de Doctorat en Sciences Politique, Tome I et II. Université Libre de Bruxelles, 1991. Tee na moyi ya lelo oyo a publia yango ata na Editions moko te. Exemplaire moko ezali consultable na Bibliotheque  ya universite libre de Bruxelles. Kasi soki mutu alingi kosenga copie na yango, akoki kokomela ye na adresse électronique na ye oyo : jbrassinne@skynet.be

Thèse oyo ezali un très bon travail mpe e servaki na réflexion ya ba travaux ya commission oyo esalaki enquête parlementaire sur likambo ya assassinat ya Premier Ministre Patrice Emmery Lumumba.

Auteur ya Thèse oyo azali mpe Président ya Institut Jules Destrée mpe lisusu Vice-président ya Centre de Recherche et d’Information Socio-politique (CRISP)


Située dans son contexte, la tragédie de la mort programmée de Patrice-Emeiy Lumumba doit faire comprendre à l’opinion nationale, comme le disait la victime elle-même que « l’histoire du Congo ne sera pas celle écrite à Bruxelles, à Paris, à Londres ou à Washington ». Les Congolais doivent arriver à décrypter leur histoire et à se refuser d’être la victime expiatoire que l’on immole au nom de certains intérêts sordides.

Ces événements rapportés, minute par minute, ont été analysés, non seulement en fonction de la Guerre Froide, mais sur l’élan général des mouvements de libération nationale des peuples tant face aux contraintes naturelles que socio-économiques qui se posaient à l’époque. C’est pourquoi nous restons convaincus que tels que relates, ces événements constituent l’histoire secrète autour de la décision des « maîtres du monde » de fragiliser le Gouvernement congolais et d’orienter la destinée du Congo. Ils n’auront été qu’une série d’actes savamment posés par les puissances colonisatrices. Elles n’avaient pas d’autres choix que de s’adapter aux nouvelles exigences de l’impérialisme.

Ruinée et effondrée depuis la dernière Guerre Mondiale, l’Europe ne devait sa survie qu’aux entreprises bi et multilatérales, à la création de son Marché Commun et à l’interventionnisme de l’Etat poussé jusqu’à la limite dans les pays de la périphérie. Ainsi, l’Etat du centre et les monopoles du Sud ont constitué un mécanisme unique d’un cercle infernal de lutte. La Guerre Froide déclenchée depuis les Accords de Yalta n’a été qu’un prétexte pour embrigader les pays africains dans le sillage des maîtres penseurs du Nord et une catégorie d’occultation de la voie nationaliste que l’on fraie pour la libération.

Les blocs nationalistes et fédéraliste-séparatiste

Patrice Lumumba a été à la fois l’acteur et la victime de ces mouvements, ne sachant pas comment il pouvait s’en sortir en se servant de i’imperium du pouvoir. Son chemin de la croix commence en effet, le 19 juillet 1959, lorsque le Mouvement National Congolais créé le 10 octobre 1958 venait de connaître une scission entre le bloc des sociaux-chrétiens soutenus par l’Eglise catholique de l’Abbé Joseph Malula. Parmi les dissidents Joseph Ileo, Joseph Ngaluia, Cyrille Adoula feront défection avec tout le comité provisoire. Patrice Lumumba n’aura sa survie politique que grâce à la base, les comités communaux de Léopoldville. De cette division naîtra le « Groupe de Binza » qui sera désormais soutenu par les Etats-Unis d’Amérique à travers la Belgique pour un meilleur contrôle des rouages de la politique au Congo-Léopoldville. Venu du Parti libéral belge, Lumumba prendra ses distances de cette tendance et optera pour le Panafricanisme radical. Il est soutenu par le bloc de Bandoeng (Nasser, Nkrumah, Sekou Touré, Modibo Keita, Mohamed V, Ben Bella et plus tard, par Jomo Kenyatta et Nyerere). Le « Groupe de Binza », selon Thomas Kanza, fut un cercle de réflexion initié par un Evêque belge, Mgr Van Weayenberg, Auxiliaire de Malines et Recteur magnifique de i’Université catholique de Louvain. En avance sur les événements, il a cherché à regrouper « la diaspora congolaise » afin qu’elle puisse jouer un rôle important une fois de retour au Congo. Ce groupe avait choisi de servir le camp occidental, au grand dam du peuple.

Quelques mois après, Lumumba sera trahi par son président provincial du Kasaï, Albert Kalonji. Les Belges venaient de lui refuser le passeport alors qu’il devait accompagner Lumumba à Conakry, prétextant le refus de ce dernier de voir Kalonji dans sa suite. Il est récupéré par la bande à Ileo avec la complicité des services belges pour isoler davantage Lumumba. Kalonji deviendra le président national de l’autre aile du parti, le MNC/Kalonji. Plus tard, Lumumba sera encore abandonné par Victor Nendaka, son vice-président. Ce dernier, après avoir détourné les fonds et les voitures de propagande du parti, créera une autre aile du MNC, le MNC/Nendaka.

En dépit de ces combinaisons politiques savamment dosées, aux élections législatives, Lumumba sortira victorieux en balayant d’un revers de la main, les deux dernières ailes, Kalonji et Nendaka ainsi que le parti néocolonialiste, le PUNA (« Pene Pene na Mundele ») de Bolikango, Nendaka ne sera même pas élu dans son propre fief de Buta. C’est là, un affront qu’il ne pardonnera jamais à Lumumba et aux Lumumbistes tels que Jean-Pierre Finant, Fataki, Bocheley, Sabiti, Salumu et Manzikala. Il en gardera un souvenir amer et une haine viscérale contre Lumumba et envers ceux qui continueront à le soutenir. Déçus, les deux compères vont désormais s’allier pour contrecarrer les actions de Lumumba et celles de son groupe. C’est ici que l’on pourrait situer la naissance de deux blocs; d’un côté, les nationalistes et de l’autre, les fédéralistes-séparatistes.

Erreur tactique

Sous la pression des Belges, qui refusaient les principes de l’alternance au pouvoir, Lumumba sera contraint de former un gouvernement de large union nationale, incorporant en son sein des éléments farouchement opposés à sa politique, mais recrutés dans sa base tribalo-naturelle, Anamongo, tels que lrs Bomboko, aux Affaires étrangères, Damien Kandolo, Paul Bolya, Marcel Lengema. A ceux-là, s’ajoutent d’autres figures comme Joseph Mobutu et Albert Delvaux, alias Mafuta Kizola, qui doivent avoir été imposés à Lumumba dans le dessein de le déstabiliser. La même configuration se retrouve dans les autres institutions de la jeune République, où l’on retrouve les Lundula à la tête de l’armée, Joseph Kasongo à la Chambre des Représentants, Joseph Ileo et Joseph Okito au Sénat, etc. Patrice Lumumba obtient la majorité absolue à la Chambre de députés, soit 74 voix sur les 137 et 60 voix au Sénat. Joseph Kasa Vubu et Joseph Ileo seront élus respectivement présidents de la République et du Sénat, grâce à la majorité lumumbiste, malgré que Maurice Mpolo, Thomas et Daniel Kanza lui aient fait mesurer le danger qu’il y avait à faire élire un homme comme Kasa Vubu. Mais il fut inébranlable dans sa position et sa décision d’appuyer celui-ci en lieu et place de Bolikango. Patrice Lumumba était convaincu que Kasa Vubu ferait un excellent président, meilleur en tout cas que Bolikango, qui était, selon lui, un homme de paille de la Belgique et un protégé des catholiques. Raisonnant en termes de rapports de force, Lumumba comprenait parfaitement le poids que représentaient l’Abako et l’inconstance du parti de Jean Bolikango, le Puna. « Si Kasa Vubu n’est pas élu, les Bakongo se révolteront et nous savons tous quels désordres pourraient s’en suivre avant, comme après l’indépendance ». Prophétie? Lumumba se rappelait, en effet, du 4 janvier 1959 et entrevoyait le poids démographique que représentent les Bakongo dans la capitale, Léopoldville, véritable épicentre du pouvoir.

Le discours fatal Le discours aussi impromptu qu’inattendu de Lumumba, lors de la cérémonie de passation des pouvoirs, le 30 juin 1960, reste le point focal et le détonateur de toutes les actions futures visant à déstabiliser politiquement cet homme. Quelles motivations profondes ont déclenché ce discours?

D’abord, le Président Kasa Vubu venait de prononcer le 26 juin un discours devant le Parlement sans que celui-ci soit, au préalable, soumis au Premier Ministre. Ce dernier considérera cet acte comme un affront, puisque, dans son exposé, le nouveau Chef de l’Etat avait esquissé les grandes lignes du programme du gouvernement. Or, aux termes de la Loi Fondamentale, il est expressément stipulé, d’une part, qu’aucun acte de celui-ci ne peut avoir d’effet s’il n’est pas contresigné par un ministre responsable, et d’autre part, que le Premier Ministre « conduit la politique de l’Etat ». Ensuite, le même jour, Kasa Vubu prendra l’initiative de renouveler l’invitation faite au roi Baudouin de présider la cérémonie de passation de pouvoir au Congo. Invitation qu’il lui avait remise personnellement alors qu’il n’était que doyen du Collège exécutif au début du mois de juin. A l’époque, Lumumba s’y était opposé, arguant le fait que la visite de Kasa Vubu à Bruxelles était une manoeuvre belge pour mettre ce dernier sur le devant de la scène au moment où un formateur devait être désigné. Le ministre belge, Ganshof s’y était également opposé. Lumumba estimait que le Roi aurait dû reporter sa visite au Congo jusqu’à ce qu’il y ait une invitation officielle du Gouvernement congolais. En même temps, des nouvelles alarmantes circulaient sur une éventuelle proclamation de « l’indépendance du Katanga ».

En effet, le 25 juin, le belge Schecninck, l’envoyé spécial de Tshombe et des « Ultras », les Belges d’ Elisabethville, venait d’être appréhendé à Léopoldville par les services de sécurité avec des documents séditieux. De son côté, Evariste Kimba démissionnera de manière inattendue du gouvernement Lumumba, annonçant qu’il rentrait (précipitamment) au Katanga pour protester contre l’insuffisance de la représentation katangaise. Cela donnait déjà l’impression que quelque chose de louche se tramait au Katanga. Plusieurs autres faits insolites vont se passer avant la date du 30 juin entre autres, la signature du traité d’amitié entre la Belgique et le Congo où des formules maladroites se heurtaient aux sensibilités nationalistes en matière de souveraineté nationale et d’égalité de traitement; les difficiles négociations sur le traité d’amitié, jointes à l’affaire Schecninck sur les tentatives de la sécession du Katanga et au jeu solitaire de Kasa Vubu ont dû rendre Lumumba nerveux et irritable. Désappointé, Lumumba s’est senti exclu des préparatifs des festivités. Frustré et isolé, fulminant de colère, il s’est mis en tête que son discours le remettra sur la selette nationale et internationale.

Un émissaire éclaireur

Envoyé rapidement à Bruxelles pour sonder les milieux belges sur les tendances sécessionnistes au Kasaï et au Katanga, Thomas Kanza dira dans un rapport que « les milieux influents belges, religieux et financiers étaient convaincus que Lumumba allait favoriser l’expansion communiste au Congo ». Ces milieux étaient déterminés à démettre Lumumba du pouvoir aussi vite que possible après le 30 juin et à reconstruire le Congo sur une base fédérale. Ils comptaient sur la coopération étroite de Kasa Vubu, de Tshombe et de Kalonji.

Jusqu’au 29 juin, Lumumba, indigné, n’était toujours pas en possession des discours du roi Baudouin et de Kasa Vubu. Il se décidera de prendre la parole le même jour, surtout que les Belges y compris le Roi, avaient refusé de signer une amnistie générale à l’occasion de la célébration de l’indépendance. Lumumba tenait depuis longtemps à une telle mesure.

Le 30 juin, très tôt matin, Lumumba soumet à Thomas Kanza, à Joseph Kasongo et à deux autres ministres son projet d’allocution et leur demande de réagir. Ceux-ci vont se mettre à atténuer les passages les plus provocants du texte jusqu’au dernier moment, c’est-à-dire, jusqu’à l’arrivée de Lumumba au Palais de la Nation. Le discours que sort de sa poche Lumumba et qu’il lit, en bousculant le protocole qui n’avait pas prévu son intervention, n’a pas tenu compte des amendements de ses proches ?

Un camouflet retentissant

Prenant la parole, dédaignant même de s’adresser au Roi des Belges, Lumumba débute son discours par une adresse, non pas aux personnalités présentes, mais « aux Congolais et Congolaises, aux combattants de l’indépendance ». Il parle de luttes, d’humiliations, de larmes qui avaient coulé pendant les quatre-vingts années de la colonisation. « Nous avons connu les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir parce que nous étions des Nègres. Qui oubliera qu’à un noir, on disait « tu », non certes comme à un ami, mais parce que le « vous » honorable était réservé aux seuls Blancs ? Nous avons connu que nos terres étaient spoliées au nom de textes prétendument légaux qui ne faisaient que reconnaître le droit du plus fort... Nous avons connu les souffrances atroces des relégués dans leur propre pays, leur sort était vraiment pire que la mort elle-même. Qui oubliera des fusillades où périrent tant de nos frères, les cachots ou furent brutalement jetés ceux qui ne voulaient pas se soumettre au régime d’injustice et d’exploitation ? Lumumba annonça ensuite que « tout cela était désormais fini ».

La virulence des propos prononcés d’une voix aussi calme, mais affirmée, suscita une onde de choc du côté belge. Ce fut l’indignation et la colère contenue. Tout sera alors mis en oeuvre pour disqualifier le Premier ministre Lumumba.

Discours Impromptu du Premier Ministre Patrice Lumumba le 30 juin 1960:

Congolaise et Congolais,

Combattants de l’indépendance aujourd’hui victorieux,
Je vous salue au nom du gouvernement congolais.

A vous tous, mes amis, qui avez lutté sans relâche à nos côtés, je vous demande de faire de ce 30 juin 1960 une date illustre que vous garderez.

A vous tous, mes amis qui avez lutté sans relâche à nos côtés, je vous demande de faire de ce 30 juin 1960 une date illustre que vous garderez ineffaçablement gravée dans vos cœurs, une date dont vous enseignerez avec fierté la signification à vos enfants, pour que ceux-ci à leur tour fassent connaître à leurs fils et à leurs petits-fils l'histoire glorieuse de notre lutte pour la libertés.

Car cette indépendance du Congo, si elle est proclamée aujourd'hui dans l'entente avec la Belgique, pays ami avec qui nous traitons d'égal à égal, nul Congolais digne de ce nom ne pourra jamais oublier cependant que c'est par la lutte qu'elle a été conquise, une lutte de tous les jours, une lutte ardente et idéaliste, une lutte dans laquelle nous n'avons ménagé ni nos forces, ni nos privations, ni nos souffrances, ni notre sang. C'est une lutte qui fut de larmes, de feu et de sang, nous en sommes fiers jusqu'au plus profond de nous-mêmes, car ce fut une lutte noble et juste, une lutte indispensable pour mettre fin à l'humiliant esclavage, qui nous était imposé par la force.

Ce que fut notre sort en 80 ans de régime colonialiste, nos blessures sont trop fraîches et trop douloureuses encore pour que nous puissions les chasser de notre mémoire.

Nous avons connu le travail harassant exigé en échange de salaires qui ne nous permettaient ni de manger à notre faim, ni de nous vêtir ou de nous loger décemment, ni d'élever nos enfants comme des êtres chers.

Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions des nègres. Qui oubliera qu'à un noir on disait « Tu », non certes comme à un ami, mais parce que le « Vous » honorable était réservé aux seuls blancs !

Nous avons connu nos terres spoliées au nom de textes prétendument légaux, qui ne faisaient que reconnaître le droit du plus fort.

Nous avons connu que la loi n'était jamais la même, selon qu'il s'agissait d'un blanc ou d'un noir, accommodante pour les uns, cruelle et inhumaine pour les autres.

Nous avons connu les souffrances atroces des relégués pour opinions politiques ou, croyances religieuses : exilés dans leur propre patrie, leur sort était vraiment pire que la mort elle-même. Nous avons connu qu'il y avait dans les villes des maisons magnifiques pour les blancs et des paillotes croulantes pour les noirs ; qu'un Noir n'était admis ni dans les cinémas, ni dans les restaurants, ni dans les magasins dits « européens » ; qu'un Noir voyageait à même la coque des péniches au pied du blanc dans sa cabine de luxe.

Qui oubliera, enfin, les fusillades où périrent tant de nos frères, ou les cachots où furent brutalement jetés ceux qui ne voulaient plus se soumettre au régime d'une justice d’oppression et d’exploitation!…

Ensemble mes frères, mes soeurs, nous allons commencerune nouvelle lutte, une lutte sublime qui va mener notre pays à la paix, à la prospérité et à la grandeur.

Nous allons établir ensemble la justice sociale et assurer que chacun reçoive la juste rémunération de son travail.

Nous allons montrer au monde ce que peut faire l'homme noir lorsqu'il travaille dans la liberté, et nous allons faire du Congo le centre de rayonnement de l'Afrique toute entière.

Nous allons veiller à ce que les terres de notre patrie profitent véritablement à ses enfants. Nous allons revoir toutes les lois d'autrefois et en faire de nouvelles qui seront justes et nobles.

Et pour tout cela, chers compatriotes, soyez sûrs que nous pourrons compter non seulement sur nos forces énormes et nos richesses immenses, mais sur l'assistance de nombreux pays étrangers dont nous accepterons la collaboration chaque fois qu'elle sera loyale et qu'elle ne cherchera pas à nous imposer une politique quelle qu'elle soit.

Ainsi, le Congo nouveau que mon gouvernement va créer sera un pays riche, libre et prospère. Je vous demande à tous d'oublier les querelles tribales qui nous épuisent et risquent de nous faire mépriser à l'étranger.

Je vous demande à tous de ne reculer devant aucun sacrifice pour assurer la réussite de notre grandiose entreprise. L'Indépendance du Congo marque un pas décisif vers la libération de tout le continent africain. Notre gouvernement fort -national- populaire, sera le salut de ce pays.

J'invite tous les citoyens congolais, hommes, femmes et enfants de se mettre résolument au travail, en vue de créer une économie nationale prospère qui consacrera notre indépendance économique.

Hommage aux combattants de la liberté nationale!
Vive l’indépendance et l’unité africaine!
Vive le Congo indépendant et souverain!

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