A propos de Lumumba (fin)
La mort de Lumumba (VI) : Mobutu et Nendaka en première ligne
Lumumba est arrêté, le vendredi 2 décembre 1960, aux premières heures de la matinée par le lieutenant Christophe Yowane Lokele. Gilbert Pongo ramène à Léopoldville les prisonniers Lumumba et Bonde
Il faut maintenant veiller au grain et garder les prisonniers. Thysville (Mbanza-Ngungu) est l’endroit idéal retenu par Mobutu et Nendaka pour ce faire. Rendez-vous est pris vers la route de Matadi-Mayo, aux croisements des limites communales actuelles du Mont Ngafula, Selembao et Binza Ipn.
Toujours, selon le lieutenant Nkiey, Lumumba est amené en ces lieux par Mobutu lui-même. Ce dernier est accompagné du lieutenant Bumba Moasso, du major Bosango et autres prisonniers Mpolo, Okito, Théodore Bonde, Jérôme Mondjongo, Oshako, Matabiche, Georges Grenfell, Evariste Lukamba, Lunganga, Punga Djoke...
Là, le même Nkiey aperçoit et reconnaît le colonel Mobutu, assis confortablement dans sa voiture, une grosse américaine, à côté du chauffeur. Sur le siège arrière, se trouve assis, Patrice Lumumba, ligoté comme un saucisson. Il est encadré par deux prévôtés militaires armés jusqu’aux dents. Le lieutenant Nkiey confirmera que c’est le colonel Mobutu en personne qui accompagnera le détenu Lumumba jusqu’à Thysville, suivi du convoi accompagnant les autres détenus politiques.
Nkiey raconte que le 3 décembre 1960, Mobutu avait livré au Camp Hardy (aujourd’hui camp colonel Ebeya à Mbanza Ngungu) ses prisonniers aux mains du commandant Bobozo en lui donnant des consignes très strictes, surtout en ce qui concerne Lumumba. Ils y resteront plus d’un mois durant.
Le 13 janvier 1961, les dirigeants du « Groupe de Binza », Joseph Kasa Vubu, Joseph Iléo, Joseph Mobutu, Justin Bomboko et Victor Nendaka, en compagnie d’Emmanuel Kini, chef de cabinet à la présidence et Gaston Diomi, vice-Président de la province de Léopoldville, se rendront à Thysville à bord d’un « Dragon Rapide », piloté par le Belge Raymond Linard, le patron de la compagnie Air-Brousse.
Le « Groupe de Binza » a repris le contrôle de la troupe mutinée quelques temps avant. Il est venu en réalité se moquer du prisonnier Patrice Lumumba. Ils seront accueillis par Louis Bobozo et les soldats fidèles à Mobutu. Ces soldats sont grassement ravitaillés en espèces sonnantes. L’argent provenait des accords d’aide financière signés à Paris, le 10 janvier 1961, entre l’Ambassadeur belge Rothschild et le Ministre des Affaires étrangères du Collège des Commissaires Généraux et du gouvernement impopulaire d’Iléo, Justin Bomboko, à raison de 120 millions de francs par mois pour augmenter les soldes et apaiser l’armée.
A cette occasion, c’est par une lettre adressée à Nendaka et à Bobozo qu’une décision prise par Kasa Vubu de transférer immédiatement les détenus en une autre localité du pays fut exhibée.
Choix et transfert
Si les autres comparses prennent la route pour regagner Léopoldville, Nendaka restera sur place, avec l’avion « Dragon Rapide », chargé de discuter avec Louis Bobozo du sort de Patrice E. Lumumba.
Ayant appris auparavant l’arrivée du Secrétaire Général de l’ONU à Léopoldville, dès le 14 janvier 1961, Lumumba lui adressera une note par l’intermédiaire de Kamitatu. Sept militaires de la garnison de Thysville lui apporteront clandestinement cette lettre qu’il tentera lors de ses entretiens à lui remettre. Le Secrétaire Général de l’ONU dira ceci à Kamitatu : « Monsieur Kamitatu, je ne lirai pas la lettre de cet homme, qui s’était rendu à New York, à l’Assemblée Général, pour exiger ma démission. Il ne l’a pas obtenue. Maintenant, c’est lui ou c’est moi ! » Abasourdi, son représentant à Léopoldville, M. Dayal intervint et prend la lettre des mains de Kamitatu et promet qu’il fera le résumé du contenu de cette lettre à son chef. D’après Kamitatu, Lumumba sera informé, au soir, par la note remise par sept militaires, dès ce 14 janvier 1961, que l’ONU refusait officiellement de le protéger.
L’évolution des événements les inquiète des ce jour. Nendaka effectuera encore seul un déplacement à Thysville, le 14 janvier, pour préparer et décider des lieux de transfert et du chef d’accusation de chacun des détenus, aux différents mandats de dépôt remis par Victor Nendaka lui-même à la Commission des Assassinats de la CNS, concernant la situation de dix détenus dont Patrice Lumumba, Joseph Okito, Georges Grenfeli à transférer à Léopoldville, Matabiche, Maurice Mpolo, Evariste Lukamba, Théodore Bonde, Jean Bononge, Jérôme Mondjongo, Joseph Oshako à Luzumu.
L’on ignore complètement l’heure de son retour à Léopoldville. Mais il sera aussi présent lors de la réunion qui se tient chez Kasa Vubu, ce 14 janvier. Y participent, outre Kasa-Vubu, Nendaka, Bomboko, Kazadi, Kandolo, Mobutu et le belge Georges Denis, conseiller juridique du président. Ils prennent la décision de transférer Lumumba au Katanga lors de cette ultime rencontre sur insistance de Mobutu qui avait la voix prépondérante en tant que chef de l’armée dont Lumumba était prisonnier. Ils font pression pour obtenir à tout prix l’accord de Tshombe sur ce transfert.
Le colonel Marlière, conseiller de Mobutu contacte en code par phonie le Belge Verdickt des services de renseignements katangais à Elisabethville : « demande accord du Juif pour recevoir Satan ». Le même jour encore, le belge André Lahaye proche de Kandolo va à Brazzaville contacter l’Ambassadeur Dupret pour expédier d’autres messages à Bruxelles destinés au gouvernement belge et du même Verdickt, insistant au nom du Collège des Commissaires Généraux.
A Bruxelles, le comte d’Aspremont Lyden, alors chef de la MISTEBEL (Mission Technique Belge) au Katanga, ordonne des le 16 janvier à Tshombé d’accepter le transfert. Justin Bomboko, qui rencontre Tshombe à Brazzaville, d’après Jacques Bartelous, chef de cabinet de Tshombe, insiste auprès de lui pour qu’il accepte le prisonnier. Des réunions se tiennent à Elisabethville entre Tshombe, Kimba, Munongo, Kibwe et ses conseillers belges, René Clemens et Guy Weber et, finalement, la décision est prise, d’accepter le transfert par une lettre de Tshombe adressée à Kasa Vubu et à Bomboko, le 15 janvier, sur insistance personnelle d’Aspremont.
C’est dans la journée du 16 janvier que le Président Joseph Kasa Vubu, Bomboko, Kazadi et Nendaka seront avisés de cet accord de Tshombe par un message chiffré, via Brazzaville, de Joe Verdickt envoyé depuis le 15 janvier, dans l’après-midi. L’exécution de l’opération est confiée à Nendaka, homme fort du « Groupe de Binza ».
Réunion clandestine
Le lundi 16 janvier 1961, se tient une réunion clandestine à l’aéroport de Ndjili dans le bureau de Jean Annez de Taboada, directeur général de la Sabena en Afrique. Y prennent part, Victor Nendaka, Damen Kandolo, Ferdinand Kazadi, Lahaye, Marlière et les représentants de la Sabena, Jean Jonniaux, chef d’exploitation, Michel Doutreloux, son adjoint et deux commandants de bord, Piet Van der Meersch et Georges Oxley Piesse dit Bob Watson. Sur ce point précis, Victor Nendaka remettra, à la Commission de la Conférence Nationale Souveraine (CNS), un plan de vol du 16 au l7 janvier détaillant que l’après-midi du 16 janvier, un « Dragon Rapide » d’Air Brousse quittera l’aéroport de Ndolo pour se rendre à Thysville avec son pilote, Beaumont. Ce dernier y passera la nuit à l’Hôtel Cosmopolite. Très tard dans la nuit, Nendaka accompagné de l’un de ses agents, en l’occurrence, Jean-Maurice Kalume et d’une escorte de deux ou trois militaires venus de Bakwanga sous les ordres du lieutenant Zuzu, alias Mesu, homme de paille de Kalonji, quittera Léopoldville pour Thysville par route avec deux voitures.
De leur côté, Kazadi et Mukamba, respectivement Commissaire Général à la Défense et Commissaire-adjoint à l’Intérieur se retrouveront déjà vers 4 h 00’ du matin, ce 17 janvier à l’aéroport de Ndjili. Ils s’embarqueront dans le DC 4 pour Muanda, trompant ainsi la vigilance des témoins gênants et celle du pilote du DC 3 qui attendra en vain jusqu’à 10 h 00’.
Lumumba tombe dans le piège
L’agent de la Sûreté congolaise, Léon Bula, confirmera que Nendaka après avoir eu des entretiens avec le colonel Bobozo utilisera dès son arrivée au Camp Hardy, vers 4 h 30’ du matin un stratagème pour convaincre Lumumba de le suivre en lui annonçant la nouvelle d’un coup d’Etat intervenu à Léopoldville. Il y était attendu pour former un nouveau gouvernement, Lumumba, savait bien d’expérience qu’il faut craindre les Grecs, surtout lorsque ceux-ci font des offrandes, est convaincu de la part de Nendeka qu’il s’agissait bel et bien d’un bluff. Il résistera devant cette proposition alléchante. Il est poussé de force dans la voiture par l’agent Jean-Maurice Kalume. Ce dernier les conduira, avec escorte de véhicules militaires à destination de Lukala à une quarantaine de kilomètres de là.
L’appareil prévu, un « Dragon Rapide » d’Air Brousse décolle de Lukala à 7h45’ pour Muanda, où il atterrit à 9h45’ avec les trois prisonniers à bord. Jean-Maurice Kalume relate qu’il y a eu une chaude discussion et un échange d’aménités tout le long du voyage entre Lumumba et Nendaka. Les soldats se sont mis à frapper les prisonniers, déstabilisant ainsi le petit avion à chaque échauffourée. Ils retrouveront à Muanda toute la fameuse bande du « Groupe de Binza » qui attendait depuis des heures déjà pour présenter ses « adieux » aux prisonniers : Kasa Vubu, Iléo, Bomboko, Ndele, Kazadi, Kandolo, Nussbaumer, Lihau, Mukamba, Tshisekedi étaient de la partie.
Lumumba subira de nouvelles tortures et des traitements inhumains et toutes sortes d’humiliations sous leurs yeux.
Ils sont de pierre et imperturbables. Ce spectacle odieux est tellement délirant qu’un militaire Tetela en faction à l’aéroport de Muanda ne supportera pas de continuer à le vivre. Il préférera se suicider sur le champ car incapable d’apporter une quelconque aide à son frère ethnique.
Des convoyeurs tortionnaires
Une dernière décision sera prise : les Commissaires Ferdinand Kazadi et Jonas Mukamba, le colonel Léonard Mulamba venant de Luluabourg, le Lieutenant Zuzu alias Mesu et quelques militaires venant de Bakwanga qui gardaient encore les « épaulettes bleues » de la gendarmerie de Kalonji et de Ngalula accompagneront les trois colis à Elisabethville dans le DC 4 immatriculé 00-CBI piloté par Piet Van Der Meersch. Le premier officier, Jack Dixon, un Australien, le radionavigateur Jean-Louis Drugmand, un Belge, le mécanicien Robert Fau, un Français arriveront à 7h00’ à Muanda qu’ils quitteront pour Elisabethville à 10h00’ en survolant l’Angola.
Dans l’avion, les prisonniers sont attachés à leurs sièges, les yeux, la bouche et les oreilles bandés avec des sparadraps. Dès le décollage, les traitements inhumains recommencent de plus belle et se poursuivront jusqu’à la fin du voyage, à l’aéroport de la Luano, au Katanga.
Kazadi sera sans pitié envers Lumumba. Il est dans sa peau et prend effectivement sa revanche, en se souvenant des tortures lui infligées dans les geôles lumumbistes, il y a quelques semaines passées. C’est vers 16h00’ que les prisonniers arrivent à Elisabethville. Ce sont des loques humaines.
Impressionnantes ramifications de complices
L’aéroport de la Luano est sous contrôle des belges : Lambol est à la tour de contrôle. Guy Dedeken au commandement de l’aéroport, Gerardus Lindekens est, lui chargé du contrôle technique des télécommunications. Ceux-ci vont prévenir la Présidence provinciale en atteignant un autre belge, François Thomas qui est au cabinet de Tshombe. A son tour, celui-ci alerte Jacques Bartelous, le chef de cabinet. Le chef d’Etat-major de la Gendarmerie, Paul Perrad est informé à son tour. Un peloton de la police militaire est aussitôt envoyé sur place sous les ordres du capitaine Julien Gat. Il a pour mission d’empêcher quiconque d’approcher l’appareil et, surtout les soldats onusiens. Au même moment, le Ministre de l’Intérieur du Gouvernement de l’Etat du Katanga, Godefroid Munongo réunit ses principaux collaborateurs tels que Plus Sapwe, le Commissaire de police en chef, Raphaël Mumba, l’Inspecteur général de la police, Jérôme Disasi, Chef de la Sûreté, et les Belges Victor Tignée son Chef de cabinet, les Commissaires Sergers et Verscheure. Chacun d’eux aura un rôle important à jouer dans cette phase décisive. Le Commissaire belge Sergers envoie un détachement des policiers en civil à l’aéroport pour renforcer l’équipe des militaires, tandis que Verscheure s’occupera de l’installation des prisonniers à la maison Brouwez, près de l’aéroport.
Pour sa part, Verdickt, qui reste en contact permanent avec Brazzaville, Léopoldville, Bruxelles et Salisbury (Harare au Zimbabwe actuel) d’où il est suivi avec passion par Jacques Houart, Consul général de Belgique auprès de Roy Welesnky, le Premier Ministre des deux Rhodésie et du Nyassaland (Malawi) bien intéressé dans les affaires congolaises, saute immédiatement sur Luano. Munongo, Kibwe et Kitenge le confirmeront.
Sont aussi présents à l’aéroport, les lieutenants belges Michels et Grandelet ainsi que le sous-lieutenant Leva qui sont chargés du peloton. Grandelet prend place dans un auto-blindé « Greyhound » conduit par le brigadier belge Son. A l’aéroport, sur le tarmac, on reconnaît Munongo, Kibwe, Kitenge, tous Ministres de Tshombe ainsi que le colonel Vandewalle, le major Weber, le commandant Verdickt, Mme Betty Jacquemin, le capitaine d’aviation André Protin. - Photo ci-dessous Gerard Soete, Commmissionaire de la Police Katangaise.
De tout ce qui se passe, le brigadier suédois de l’ONUC présent à l’aéroport avec ses sept casques bleus se demande ce qu’il doit faire. Il est incapable de réagir face à tout ce remue-ménage.
Le Président de l’Etat du Katanga Tshombe était au ciné Palace en compagnie de Lucas Samalenge, Secrétaire d’Etat à l’information et du belge Etienne Ugeux, ils suivent un film « Liberté » du groupe helvétique « Réarmement moral » de Caux-sur-Montreux, en Suisse. Aussitôt averti de l’arrivée de Lumumba, Moïse Tshombe disparaîtra sur la pointe des pieds de la salle. Il se rend précipitamment en sa résidence...
L’avion est escorté devant le hangar militaire et est protégé par un demi-cercle de policiers militaires. Ceux-ci formés en tirailleurs se tiennent à environ 75 mètres autour de l’avion. Ils tournent le dos à l’appareil. Un auto-blindé, des camions et des jeeps militaires entourent l’avion. Une vingtaine de gendarmes font fait la haie entre l’avion et une jeep qui s’en approche. Dès que la porte s’ouvre, deux militaires d’escorte apparaissent les premiers dans l’embrasure de l’avion, mais reculent par instinct de conservation à la vue des troupes katangaises et belges. Finalement, Ferdinand Kazadi et Jonas Mukamba sortent les premiers. Ils sont accueillis au pied de la passerelle par Munongo, Kibwe et Kitenge, les Belges Gat, Protin et Michels et échangent quelques mots de passe. Puis, apparaissent les trois prisonniers, menottés et reliés par une corde. Ils gardent encore des traces de sparadraps ou de bandes adhésives sur leur visage et descendent par leurs propres moyens.
Lumumba est en pantalon kaki déchiré, sa chemise blanche est tachée de sang. C’est la même qu’il garde depuis son arrestation, le 2 décembre 1960 à Bolongo-Lodi. Son visage est tuméfié. Sa barbiche est à demi arrachée, de même qu’une partie de sa chevelure. Munongo éructe de colère, il ne veut pas que Lumumba souille le sol du Katanga. Les militaires kalonjistes qui suivent les prisonniers les poussent et les font dégringoler les dernières marches. Ils sont aussitôt cueillis par les policiers militaires qui les traînent sur la plate-forme de la jeep comme des sacs et en s’asseyant sur les rebords, les militaires posent leurs pieds sur eux.
Des précautions d’usage avaient effectivement été prises pour garder les dernières images de ces infortunés. En effet, un photographe belge du service de l’information du Katanga, Albert Pirard prend des photos. Aucune de celles-ci sur cet événement n’a été diffusée jusqu’à ce jour. En outre, l’Australien Dixon filmait la scène de l’intérieur de l’avion, comme il l’avait fait durant le vol. Le film est à ce jour porté disparu, mais se trouverait dans les archives de la Sûreté sud-africaine.
La dernière lettre de Patrice Lumumba
Essayant de gagner la province du Kasaï contrôlée par ses partisans fin novembre 1960, Lumumba est capturé. De sa prison, il écrit à sa femme Pauline.
Ma compagne chérie,
Je t’écris ces mots sans savoir s’ils te parviendront, quand ils te parviendront et si je serai en vie lorsque tu les liras. Tout au long de ma lutte pour l’indépendance de mon pays, je n’ai jamais douté un seul instant du tromphe final de la cause sacrée à laquelle mes compagnons et moi avons consacré toute notre vie. Mais ce que nous voulions pour notre pays, son droit à une vie honorable, à une dignité sans tache, à une indépendance sans restrictions, le colonialisme belge et ses alliés occidentaux – qui ont trouvé des soutiens directs et indirects, délibérés et non délibérés, parmi certains hauts fonctionnaires des Nations-Unies, cet organisme en qui nous avons placé toute notre confiance lorsque nous avons fait appel à son assistance – ne l’ont jamais voulu.
Ils ont corrompu certains de nos compatriotes, ils ont contribué à déformer la vérité et à souiller notre indépendance. Que pourrai je dire d’autre ?
Que mort, vivant, libre ou en prison sur ordre des colonialistes, ce n’est pas ma personne qui compte. C’est le Congo, c’est notre pauvre peuple dont on a transformé l’indépendance en une cage d’où l’on nous regarde du dehors, tantôt avec cette compassion bénévole, tantôt avec joie et plaisir. Mais ma foi restera inébranlable. Je sais et je sens au fond de moi même que tôt ou tard mon peuple se débarassera de tous ses ennemis intérieurs et extérieurs, qu’il se lèvera comme un seul homme pour dire non au capitalisme dégradant et honteux, et pour reprendre sa dignité sous un soleil pur.
Nous ne sommes pas seuls. L’Afrique, l’Asie et les peuples libres et libérés de tous les coins du monde se trouveront toujours aux côtés de millions de congolais qui n’abandonneront la lutte que le jour où il n’y aura plus de colonisateurs et leurs mercenaires dans notre pays. A mes enfants que je laisse, et que peut-être je ne reverrai plus, je veux qu’on dise que l’avenir du Congo est beau et qu’il attend d’eux, comme il attend de chaque Congolais, d’accomplir la tâche sacrée de la reconstruction de notre indépendance et de notre souveraineté, car sans dignité il n’y a pas de liberté, sans justice il n’y a pas de dignité, et sans indépendance il n’y a pas d’hommes libres.
A mes enfants que je laisse et que peut-être je ne reverrai plus, je veux qu'on dise que l'avenir du Congo est beau
Ni brutalités, ni sévices, ni tortures ne m’ont jamais amené à demander la grâce, car je préfère mourir la tête haute, la foi inébranlable et la confiance profonde dans la destinée de mon pays, plutôt que vivre dans la soumission et le mépris des principes sacrés. L’histoire dira un jour son mot, mais ce ne sera pas l’histoire qu’on enseignera à Bruxelles, Washington, Paris ou aux Nations Unies, mais celle qu’on enseignera dans les pays affranchis du colonialisme et de ses fantoches. L’Afrique écrira sa propre histoire et elle sera au nord et au sud du Sahara une histoire de gloire et de dignité. Ne me pleure pas, ma compagne. Moi je sais que mon pays, qui souffre tant, saura défendre son indépendance et sa liberté.
Vive le Congo !
Vive l’Afrique !