60e anniversaire du roman "Ngando"(le crocodile)
Le 9 mai 1948, Paul Lomami Tshibamba achevait la rédaction du roman « Ngando ».Soumis la même année au jury du premier concours littéraire en langue française,réservé,en Belgique, aux
autochtones du Congo et du Rwanda-Urundi,il remporta le prix de dix mille francs
Pour marquer le 60e anniversaire de l'œuvre qui permit le lancement de la saison romanesque du Congo, nous avons préféré présenter à nos lecteurs quelques extraits de ce roman , mettant en scène le style pittoresque du représentant de la littérature congolaise à l'époque coloniale, sans toutefois dévoiler ses personnages ..
L'hydrographie du bassin du Congo
« Alimenté par la riche hydrographie de tout le bassin du Congo, le fleuve Congo à son arrivée à Kinshasa, s'étend en une expansion étonnamment large qui lui donne le nom de "pool" ou plus précisement, de " Stanley-pool" . Cette grande étendue d'eau calme s'amassant là, semble se
recueillir un moment pour rassembler toutes ses forces avant de se lancer à l'assaut du gigantesque barrge qu'opposent la chaîne des Monts de Cristal et le massif de Palabala à son passage vers
l'Océan Atlantique, où le fleuve Congo parvient quand même à se jeter après une longue lutte héroïquement soutenue. Trente-deux chutes échelonnées sur son passage à travers Manyanga,Isangila
jusqu'à Matadi, chantent son épopée par d'assourdissants vacarmes.
Ces chutes, en amont, commencent leur querelle tout au fond de kintambo...
Les indigènes se sont demadés ce que le grand fleuve qui, tout le long de son parcours, tire calmement son corps fluide, se met brusquement à s'agiter furieusement, à crier, à tourmenter
d'énormes rochers que dix personnes ne parviendraient pas à bouger, et ne permet pas aux bateaux en fer des Blancs de voguer aux environs..... ».
L'île Mbamu
« Revenant au Stanley-Pool, en face de Kinshasa, nous trouvons une île, une grande île dénommée Mbamu, située bien au milieu du pool, un peu en amont, juste pour ne pas cacher Brazzaville à la
vue de Kinshasa, deux grandes villes amies, toutes deux capitales, la première de l'Afrique Equatoriales Française, et la seconde du Congo Belge.
L'île Mbamu devait être baptisée <île aux borasses>, tant abondent ces espèces de palmiers dont le tronc élancé et renflé au milieu, porte de solides et larges feuilles affectant nettement
la forme d'éventail. Ce grand palmier appelé "malebo" , porte entre la base de ses rameaux et le sommet du tronc, des grappes de gros fruits ronds
au jus onctueux, poisseux, sucré, jaune, d'une odeur caractéristique, dont les enfants sont très friands....
L'île Mbamu est inhabitée. Objet de contestations politiques entre les deux gouvernements français et belge....
Mbamu , en réalité n'est pas déserte. D'abord, la végétation et la faune sylvestre font fi de cette interdiction ; elles s'y multiplient et y croissent à souhait. Et puis, les hommes, sous
prétexte de se livrer à la pêche dans les parages, s'y fixent, créent de véritables villages derrière le rideau des arbres, bien à l'abri de tout regard indiscret, et finissent ainsi par se
soustraire aux tracasseries incessantes de paiement d'impôt de capitation, de recensement annuel, des visites médicales prophylactiques, etc, etc, inhérentes au séjour dans ces deux grandes
villes. »
Les tortures à la Prison Centrale Ndolo
« Tout déplacement pédestre pour aller à Ndolo exigeait une somme de temps et d'efforts telle qu'il fallait une circonstance exceptionnelle ou un véritable intérêt pour se décider à y aller.
Situé à l'Est de Kinshasa, près du village bateke Kingabwa, Ndolo était très connu dans tout Kinshasa à cause de la Prison Centrale.
Chaque matin, au travail de champs aux alentours de la Prison, les femmes détenues résumaient dans des tristes complaintes les misères qui se passaient dans l'enceinte de Ndolo qui était devenu
synonyme de Prison Centrale. L'une des complaintes qu'elles chantaient le plus souvent était celle-ci :
O-o-o-o Ndolo !
Ndolo !
O-o-o-o Ndolo !
Ndolo !
Mboka ya mpasi..
Ndolo !
Na ntongo...sikoti..
Ndolo !
Na mpokwa fimbo...
Ndolo !
Masanga masuba...
Ndolo !
Mbeto simenti..
Ndolo !
Mboka ya mawa...
Ndolo !
O-o-o-o-Ndolo !
Ndolo-o-o-o..."
