Les orchestres corporatifs congolais
Les groupes musicaux sont comme des entreprises, une affaire des patrons. Derrière un groupe musical se cache le plus souvent celui qui a eu l’idée de le créer. En principe lui et son staff s’occupent du recrutement des artistes qui le composeront. Le fondateur qui est en même la pièce maîtresse du groupe est le propriétaire de cette entreprise musicale. La quasi-totalité des groupes musicaux congolais appartiennent à des privés qui parfois ont été soutenus par des mécènes. Dans ce registre précis, il y a eu Ngoss pour Zaïko, Verckys pour plusieurs orchestres kinois, le capitaine Denis Ilosono pour Révolution et Le Festival des Maquisards. Les exemples sont légions.
Outre les groupes initialement créés par des privés, il y avait aussi dans les deux Congo des orchestres corporatifs dans les années 1970 et 1980. Ils appartenaient à de grandes entreprises locales, aux institutions publiques voire à des communes.
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A Kinshasa on n’avait dénombré pas plus de deux groupes musicaux corporatifs. Il y avait OVOZA (orchestre de la Voix du Zaïre) et ORFAZ (orchestre des Forces armées zaïroises). A Lubumbashi, il y avait Les Kassapards, l’orchestre des étudiants de l’Unilu. Même si l’université n’est pas une entreprises au sens propre du terme, ce groupe d’artistes-musiciens-étudiants peut être considéré comme tel. Les deux orchestres précités n’ont pas vraiment inondé le marché du disque congolais. Leur succès s’est surtout borné à leurs passages intermittents à la télé.
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Au Congo-Brazzaville, la réalité fut autre. Le phénomène des orchestres corporatifs s’est développé de manière fulgurante, vu le nombre de groupes musicaux de cette catégorie recensés dans ce pays. Cette recrudescence ne s’est pas seulement manifestée dans la capitale. Plusieurs villes de l’intérieur furent infectées par ce virus. Parmi les orchestres corporatifs qui occupèrent le paysage musical congolais figuraient notamment ATC Music de Pointe-Noire (orchestre de l’Agence Trans-équatoriale de communication), Mairie Music (orchestre de la Mairie de Brazzaville), Hydro Music (Orchestre de Hydro Congo), Manga-Manga (orchestre de la Comilog basé à Mbinda), Télé Music (orchestre de l’ONPT, Office national des postes et télécommunications), Super Comirail de Makabana (orchestre de la Compagnie minière de l'Ogooué). Le pays a aussi connu, bien avant son grand voisin, un orchestre de l’armée nommé Les Guérilleros. Parmi ces groupes amateurs, il y a lieu de citer l'orchestre Les Techniciens du Lycée Technique du 1er Mai à Brazzaville. Les élèves de cet établissement scolaire ont eu la chance d’entrer au studio pour enregistrer quelques chansons dont Roseline et Elbie.
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Au Congo-Brazzaville, plus qu’en RDC, les orchestres corporatifs ont eu une très grande influence dans l’échiquier musical. Leurs oeuvres phonographiques ont concurrencé celles des grands orchestres. Des titres explosifs à l'instar de Mwasi ya bar de Laurents Botseke et les Guérrilleros furent en vogue dans les bars dancing du Congo. Mais c’est surtout Suka ntima de Philippe Koutsaba et Super Comirail qui a connu un succès franc tant à Brazzaville qu’à Kinshasa.
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Pendant au moins une décennie, ces groupes ont joué dans la cour des grands. Malheureusement, le phénomène des orchestres corporatifs dans les deux Congo s’estompa vers la fin des années 80. Leur disparition a fini par laisser le champ libre aux seuls orchestres dirigés par des musiciens-patrons qui aujourd’hui préfèrent être appelés "Présidents".
Samuel Malonga
Compilation :
Suka Ntima (Philippe Koutsaba et Comirail), Azama (Swamunu Lusadisu et Orfaz), La jalousie ne paie pas (Tandu Selo & Masumu avec Ovoza), Merci Betty (Michel Moumpala et Hydro Music), Kimbanda sida (Bruno Houla et Télé Music)