Les directeurs-éditeurs des journaux reçus au Mont Ngaliema
Le 27 octobre 1971, le bureau politique du MPR prend une décision capitale qui va chambouler tout le pays. Ce jour-là, la RDC devient le Zaïre. Les prénoms étrangers sont immédiatement abandonnés au profit des postnoms, plus authentiques, plus zaïrois donc plus africains. A l’époque, Kinshasa regorge des journaux. Plusieurs quotidiens y paraissent notamment L’Étoile du Congo de Pascal Kapella, La Tribune africaine de Thy-René Esolomwa, Le Progrès de Raphaël Mpanu-Mpanu, Le Courrier d’Afrique (Couraf) dirigé par Gabriel Makoso, Présence Congolaise et Les Actualités Africaines. On distingue également le magazine Zaïre de Félix Kolonga Molei et l’hebdomadaire Congo-Sports de Muissa Camus. Les mensuels sont constitués par la revue catholique Afrique chrétienne, Congo-Afrique publié par le Centre d’Etudes pour l’Action Sociale (CEPAS), Jeunes pour jeunes et Hit-parade édités par Freddy Mulongo. La radio et la télévision sont fondues dans un grand média audiovisuel appelé RTNC (Radiotélévision nationale congolaise). L’ACP (Agence congolaise de presse) est l’unique agence d’information que possède le Congo.
Au lendemain de la décision prise par le part-Etat, la presse écrite se met au pas. Toutes les appellations à consonnances françaises disparaissent au profit des appellations typiquement zaïroises, recours à l’authenticité oblige. L’Étoile du Congo devient Myoto, Le Progrès devient Salongo, La Tribune Africaine devient Elima, Congo-Sports devient Masano, Congo-Afrique devient Zaïre-Afrique, Jeunes pour jeunes devient Kake et Hit-Parade devient Likembe. La radio nationale devient La Voix du Zaïre et la télévision nationale devient Télé Zaïre. L’ACP devient l’AZAP (Agence Zaïre Presse).
En 1972, la radicalisation de la révolution entraîne la réforme des médias dans l’unique souci de mieux les contrôler. Tous les organes de presse pourtant privés sont nationalisés et subventionnés. L’Etat fusionne dans cette effervescence les titres des journaux et les confie arbitrairement à quelques éditeurs choisis pour leur militantisme et leur fidélité à Mobutu. Myoto et Salongo fusionnent pour devenir le quotidien du matin Salongo administré dorénavant par Bondo N’Sama. Les autres journaux fusionnent avec Elima pour devenir le quotidien du soir du même nom dirigé par Essolomwa Nkoy ea Linganga. Philippe Elebe ma Ekonzo, un ancien du Couraf, est bombardé directeur de l’AZAP tandis que José Landu Lusala Khasa est nommé directeur de la presse présidentielle. Tous ces médias nationaux sont coiffés par le ministre de l’information Dominique Sakombi Inongo. Dès lors, tous les moyens de diffusion de l’information journaliste sont aux mains de l’Etat, sont contrôles par le MPR en vue de faire sa propagande. Après la refondation de la presse écrite telle que voulu par le régime, Mpanu-Mpanu Bibanda, un des grands chevaliers de la plume, abandonne le journalisme pour entrer au bureau politique du MPR.
Sur ces entrefaites, les directeurs-éditeurs des journaux fraîchement nommés accompagnés de leur ministre de tutelle sont reçus au Mont Ngaliema comme pour sceller cette alliance nouvelle qui unit désormais le parti-Etat et les médias. Plus que jamais alignée dans la logique du mobutisme triomphant et devenue une véritable caisse de résonnance, la presse se met aussitôt au service du MPR en reflétant par écrit la pensée, les enseignements et les actes du Guide de la révolution zaïroise authentique.
Samuel Malonga