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Publié par Samuel Malonga

En 1971, Mobutu prend une décision lourde de conséquence. Il ferme l’université Lovanium et enrôle de force tous les étudiants dans l’armée. Ceux de Lubumbashi par solidarité se joignent à leurs frères de Kinshasa.

Les étudiants sont repartis sur plusieurs sites : Camp Tshatshi à Binza, Ecole Trans à Kintambo, Nsele (pour les étudiantes) et Base de Kitona au Kongo Central. Devenus des "ambolo" (soldat sans grade) comme ils aimaient s’appeler, ils ont troqué leurs habits civils contre le treillis. Une nouvelle vie venait de commencer pour les étudiants.

En janvier 2021, soit un demi-siècle plus tard, le mbokatier Truman Ngimbi Kalumvueziko (ancien de Lovanium) et son complice Alphonse Ntita créent le site https://etudiantsambolos.com/page/7/ pour le devoir de mémoire.

Nous y avons déniché plusieurs articles et en avons sélectionnés quelques-uns tous signés de la main de notre aîné Ngimbi.

Samuel Malonga

Pierre Mulele, la bête noire des soldats de l’ANC

 Pour les soldats de l’ANC, Pierre Mulele était la bête noire par excellence, des années durant après son assassinat en 1968. Il incarnait le mal absolu. Dans les camps militaires, les soldats associaient à Mulele tout contestataire ou rebelle au régime de Mobutu. Tout celui qui se "révoltait" (kutomboka) était appelé Mulele.
Sa neutralisation comptait même parmi les hauts faits d’arme de la Force Publique et de l’ANC: "BISO OYO BA ANC, Tobundaki bitumba ya la Guerre Mondiale ya 14-18 na ya 40-45. Tolongaki ba Allemands. Tokamaki Tabora, Saío, Lado, Assossa, Faradje, … Tobundaki bitumba ya ba Ethiopie. Tobundaki etumba ya ba mercenaires ya Tshombe na ya sécession katangais….e, Tosukisa mayele ya (ba) Mulele", proclamaient les soldats de l’ANC en nous demandant de le faire de concert.

Le général Bumba s’adresse à nos premiers visiteurs

"Biloba loba eleki… Ooo babomaki bana na biso…Ooo babwakaki bibembe ya bango na ebale…Bomoni bango te? Oyo ayebi que babomaki ye atombola mosapi" avait dit le Colonel Antoine Bumba, Commandant de la DITRAC (Division des Troupes Aéroportées Renforcées) au camp Tshatshi de Binza, lors de la première visite des familles, deux semaines après notre arrivée dans les camps militaires. Sacré Bumba, il avait réussi à faire taire les rumeurs.

À une autre occasion, lors d’une causerie morale, il s’était adressé à nos camarades féminines pour les mettre en garde de tomber enceintes. Nous avions entendu: "Il est interdit d’être en sept".

Voici un témoignage sur le général Bumba Moaso Djogi, reçu de l’Ambolo Victor Mobula

 L’évasion du Président Fulbert YOULOU.

En ce début du mois de mars 1964, ici à Léopoldville (Kinshasa),c’était la grande chaleur matinale. Il est 10h, lorsque le Lt Colonel Mobutu Joseph Désiré arrive à son bureau de l’ Etat-Major Général de l’ANC (Armée Nationale Congolaise). Bureau qui se trouvait à cette époque à l’aile centrale du building Otraco sur le boulevard du 30 juin. Otraco deviendra plus tard Onatra .

Après la cérémonie d’accueil, le Chef EMG s’adressant à son Aide de Camp, ordonne : "Faites venir le Capitaine Antoine Bumba immédiatement. Il y a une urgence".

Quelques temps après, on lui annonça l’arrivée du Capitaine. "Qu’il entre", lança le Lt Colonel. Le Capitaine entre calmement dans le bureau du Chef d’Etat-Major Général, se met au garde-à-vous et salue son Chef . Le Lt Colonel l’invita à s’asseoir, posa quelques questions banales sur la famille et passa ensuite à l’essentiel .
  
"Bien, Capitaine comme tu le sais, le 15 Août 1963 à Brazzaville, les Syndicalistes et  quelques officiers de l’armée avaient destitué le Président Youlou, ensuite ils avaient fait appel à Massamba-Débat pour diriger le pays. Le Président Youlou fut pendant tout ce temps emprisonné à la prison de Brazzaville. Mais dernièrement, il a été transféré dans une résidence surveillée. Cette villa se trouve dans le quartier Bakongo à l’ouest de Brazzaville. Tiens. . . voilà .. .tu as ici la topographie du quartier avec la villa. Ce sont les amis français qui nous ont filé ces informations. Encore une chose, la villa est gardée par 8 militaires. Le Président Kasavubu m’a informé que le Vatican tient à tout prix à la libération du Président Youlou et pour ça, le Vatican compte beaucoup sur nous. Le Président Kasavubu émet le vœu de voir cette mission aboutir sans effusion de sang. C’est la raison pour laquelle j’ai porté mon choix sur ta personne". "A vos ordres mon colonel" , s’exclama le capitaine.
Le Lt Colonel poursuivît sa réflexion en lui souhaitant plein succès et lui demanda de mettre toute la rigueur sur le choix des hommes qui allaient former ce commando. Il nous faut des hommes aguerris et capables pour mener à bien cette mission, car tout échec entraînerait des sérieuses complications dans nos relations diplomatiques.

Le Capitaine se retira et se mit à préparer l’équipe qui devait l’accompagner en face. Deux jours plus tard une équipe d’éclaireurs se rendit à Brazzaville pour une mission de repérage et rentre à Kinshasa après une journée. Avant toute chose, le Capitaine eut un briefing avec ses hommes où il leur a fait comprendre que lors de cette mission, ils auront à utiliser seulement le close combat et la strangulation pour neutraliser les geôliers, car il faudra à tout prix éviter l’effusion de sang.

Le 15 Mars 1964 , le commando traversa le fleuve Congo à la hauteur de l’endroit où se trouve aujourd’hui l’hôtel du fleuve Congo. La barque propulsée par un moteur hors-bord de 80 CV, amena les hommes à partir de 23 h dans l’obscurité totale, voguant vers les rives du Congo Brazzaville à vitesse réduite. A leur arrivée , une personne est restée à bord pour surveiller la barque, avec comme armes, un fusil Mauser. Cinq personnes partirent en mission. L’éclaireur en tête et les autres derrière lui. Arrivé à proximité de la villa, le Capitaine donne les derniers ordres. Le commando passa ensuite à l’acte en neutralisant d’abord la garde extérieure puis celle de l’intérieure . Une trentaine de minutes plus tard le Capitaine et ses hommes étaient maîtres de la situation. Il ouvrît une porte derrière laquelle on pouvait apercevoir le Président Youlou allongé sur un grabat. Le Capitaine se mit au garde-à-vous et lui annonça : "Mon Président, à présent vous êtes libre et nous avons mission de vous ramener immédiatement à Léopoldville". Le Président répond : "Je ne suis pas en mesure de marcher car mes geôliers me torturaient en me fouettant à la plante des pieds". Le Capitaine dit : "Comme convenu, vous couvrez notre retraite. Je prends le Président sur mon dos". Aussitôt dit , aussitôt fait , le commando rebroussa chemin et le Capitaine transporta le Président sur son dos depuis la villa jusqu’à la rive du fleuve Congo.

Le repli s’opéra sans obstacles. Arrivé à la barque, le Capitaine installa le Président et les autres prirent également place à bord et le conducteur éloigna la barque de la rive en maintenant la vitesse au ralenti afin de ne pas attirer l’attention des garde-côtes. Sur le fleuve, c’était l’obscurité totale et la barque arriva avec tout le monde sain et sauf à accoster aux environs de 3 h du matin. On amena l’hôte de marque au Mess des officiers à la pointe de Kalina (Gombe). A 6h30, le Capitaine arrive à la résidence du Chef EMG et lui annonça la bonne nouvelle. "Mission accomplie mon Colonel et tous nos garçons sont rentrés également. Il n’y a pas eu effusion de sang". Le Lt Colonel Mobutu resta quelques secondes figé puis ordonna : "Amenez-le ici ce matin à 10 h. Félicitations à toute l’équipe". Le Capitaine acquiesça et rebroussa chemin. Il alla rejoindre les autres au Mess. Entretemps le Lt Colonel alla aussi à son tour voir le Président Kasavubu pour lui annoncer la bonne nouvelle. "Excellence, la mission est accomplie et surtout nous avons évité l’effusion de sang. Le Président Youlou est chez nous" .Le Président Kasavubu répondit en disant : "Sincères félicitations pour la réussite de cette mission. La Nonciature Apostolique s’occupera du reste". Ainsi s’achève cette page d’histoire inédite, qui a vu la bravoure et l’exploit des dignes fils de notre pays , ayant accompli une mission si délicate et périlleuse sans tirer une balle. Le tout sous la conduite du vaillant Capitaine para commando qui sera couronné plus tard : Général de Corps d’armée, Antoine Bumba Moaso Djogi .    (paix à son âme) »

 

 

​​​​​  L’attrait fantasmatique des filles-paras

Notre arrivée dans les casernes militaires à la suite de notre enrôlement forcé dans l’Armée en 1971 avait eu lieu dans la période où la politique de l’émancipation de la femme congolaise prônée par Mobutu battait son plein. C’est dans ce contexte qu’il avait créé en 1966 une compagnie féminine de parachutistes. C’étaient les fameuses filles paras, moins d’une centaine. Pourtant leur présence au sein de l’ANC (Armée Nationale Congolaise) captait tous les regards. Elles étaient la principale attraction lors des défilés militaires, l’objet de curiosité, parfois malsaine, qui excitait des fantasmes inavouables. Des généraux de l’Armée, de puissants hommes d’affaires, des sportifs renommés (footballeurs), des grands artistes musiciens,… se disputaient leurs faveurs. Des histoires de disputes entre des prétendants étaient légion. Il semble qu’il y a eu des Ambolos qui ont participé à cette sorte de chasse effrénée à la fille para. En effet, quelques filles paras s’étaient installées en ménage au Campus universitaire après notre retour.

 4 juin 1971, le cercueil symbolique

Un peintre anonyme a immortalisé l’enterrement du cercueil symbolique devant le bâtiment administratif de l’université en mémoire des victimes de la sanglante répression du 4 juin 1969. Cet événement fut le point culminant de la manifestation du 4 juin 1971. C’est peut-être l’acte qui avait fortement irrité Mobutu au point de l’amener à prendre des mesures extrêmement radicales.

Dès le lendemain, en début d’après-midi, des soldats de l’ANC conduits par le General Bosango, Commandant en Chef intérimaire de l’Armée, investirent le Campus, et établirent un cordon infranchissable autour du bâtiment administratif. Ils déterrèrent le cercueil pour l’emporter.

Le père Thysman, Grand Frère, fut tiré de sa sieste, malmené et amené sans ménagement. Il avait dit la messe de la veille… Révoltés par la brutalité des soldats, nous avions réagi par des jets des projectiles. Les soldats se mirent alors à tirer à balles réelles, provoquant notre débandade. Ils nous avaient poursuivis jusque dans les homes d’habitation, entrant dans les chambres pour emporter tout ce qu’ils pouvaient déplacer. Le même soir nous entendîmes la voix fluette de Prosper Mandrandele, le très pittoresque Secrétaire Général du Bureau Politique du MPR annonçant la décision d’une réunion extraordinaire du Bureau Politique du MPR portant sur notre enrôlement obligatoire dans l’Armée pour une période de 7 ans!

 

Les lits FNMA de Maman Mobutu

Le 30 juin 1971 venait quelques trois semaines après notre enrôlement dans l’Armée. L’occasion était trop belle pour Mobutu de faire la démonstration de la justesse de sa décision. Ce jour-là nous avons été la principale attraction du public. Vêtus d’uniformes neuves, nous avions défilé dans un ordre impeccable. C’est qu’au terme de plusieurs jours d’exercice, nous avions parfaitement maîtrisé le R.E.I (Règlement de l’Evolution de l’Infanterie), au point d’y apporter des innovations inattendues comme la multiplication des pas pour obliquer à gauche ou à droite (double, triple…obliques). On apprit ensuite que Mobutu était au comble de la joie pour nous avoir "exhibés" et pour avoir coupé court aux folles rumeurs qui circulaient sur notre sort. Il nous remercia à sa manière en faisant venir au Camp Tshatshi, Franco Luambo et son orchestre OK Jazz.                   

Ce soir-là nous avions dansé sans cavalières, regrettant l’absence de nos sœurs retenues à N’Sele. À la parade du lendemain (appel matinal) une étrange nouvelle circulait. Il se disait que pendant que nous nous trémoussions au rythme de l’OK Jazz, Mobutu et sa femme Marie-Antoinette Mobutu se seraient rendus au "Bivouac" et seraient entrés dans une tente où un des nôtres, peut-être un curé, qui avait choisi de ne pas sortir dormait profondément. Réveillé brutalement par le faisceau lumineux sorti de la lampe-torche que Mobutu braquait pour voir l’intérieur de la tente, il se serait écrié : "Salaud ! " avant de réaliser, tremblotant de peur, qu’il était bien en présence de Mobutu. "Biso wana" aurait dit Maman Mobutu, ajoutant "Bolalaka kaka boye ? " 

Notre camarade, cette fois-ci bien éveillé se tenait droit au garde-à-vous sur le tas de cartons étendus à même le sol et sur lesquels il dormait. On ne sait pas dans quelle tenue il était, si seulement il avait quelque chose sur lui. Le jour suivant nous fûmes surpris par l’arrivée des camions chargés de lits métalliques sortis de FNMA et de petits matelas en éponge. Il fallait 6 lits pour chaque tente qu’il fallait disposer dans un petit espace couvert. Mais même si une partie du corps (les membres inferieurs) sortait de la tente, nous étions heureux de pouvoir mieux dormir. Grâce à Maman Mobutu,…..                                                                                                                                                                       

   

Ba minganga, ba "médecins en droit", ba Sango et les autres

BA MINGANGA tels que les soldats de l’ANC les appelaient. Ceux-ci leur vouaient un grand respect à la limite de la crainte, leur attribuant même le pouvoir de faire passer un homme de vie à trépas.  Les étudiants prêtres,  nos chers curés , BA SANGO, quant à eux, étaient crédités de pouvoirs magiques. Ceux de la faculté de Droit, BA DOCTEURS ou MEDECINS EN DROIT, leur inspiraient beaucoup de crainte. Ils reflétaient l’image des magistrats et juges militaires implacables, prêts à infliger sans états d’âme de longues peines de prison ou des condamnations à mort. Les étudiants en Sciences Politiques et Administratives constituaient la catégorie la plus honnie. Les soldats les soupçonnaient d’étudier les sciences politiques pour se préparer à prendre la place de Mobutu! Ceux de la faculté des Sciences Economiques et Commerciales étaient traités de voleurs, BA MIYIBI, tandis que ceux d’Agronomie, AGROMONIE comme ils disaient, et de Médecine Vétérinaire, BA DOCTEURS YA BANYAMA, suscitaient une très grande curiosité. Fallait-il aller à l’Université pour cultiver des champs, ou rien que pour s’occuper de la santé des animaux ? Pour les facultés telles celles de Philosophie et Lettres, et celle de la Sociologie, c’était un vrai casse-tête. Ils avaient compris à leur  manière, les réduisant simplement en SOPHIE HELENE et en SOSOLOGIE. 

 

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L
c'est vraiment un grand plaisir de lire 50 ans après les nouvelles des "ambolo" je ne l'étais pas moi même c'est mon grand-frère qui le fut Pr Matumele
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