Brève histoire des transferts dans le championnat kinois
Brève histoire des transferts dans le championnat kinois
Comme dans tous les championnats, le transfert des joueurs occupe une place de choix. Ceux issus des petites formations ont un rêve fou : jouer dans l’un des trois grands clubs de la capitale. Avant 1968, les petits clubs rivalisent avec les grands et comptent aussi des internationaux dans leurs rangs. La donne change après le sacre d’Addis-Abeba. Quasiment tous les Léopards champions d’Afrique issus de petites formations (Mikado, Himalaya, Nomades) partent dans les grandes équipes pratiquement dans la saison sportive 1968-1969. Mungamuni Asmara après avoir écrit les plus belles lettres de sa carrière en Ethiopie passe de Nomades à V. Club. Lembi Lemons déménage de Mikado à V. Club. Matumona quitte Himalaya pour Dragons alors que son coéquipier Mbuli rejoint V. Club. Raoul Kidumu fait ses adieux aux Diables Rouges de Mbanza-Ngungu pour endosser le maillot vert et blanc du Daring.
Pour renforcer leurs effectifs, les trois grandes formations puisent à la fois dans les rangs de leurs satellites (Espoir, Olympic, V-Sport, Vaticano) qui leur servent de pépinières et dans les provinces. Si Ngunza (Olympic), Diantela (Vaticano), Pupa (Espoir) et Mahungu (Vijana) sont hérités des petites formations kinoises, plusieurs autres stars viennent de l’arrière-pays.
Dans la recherche de nouveaux pions pouvant renforcer l’équipe, les pépites rares sont des atouts indispensables. Au tout début des années 60, le football-argent n’existant pas encore, le passage des joueurs d’un club à un autre est parfois le fruit de l’entente entre les deux parties. Les sommes déboursées sont parfois dérisoires. En 1962, Luc Mawa quitte le FC Foudre du président Mesa Wawa pour V. Club. La même année, Saïo Mokili est l’un des premiers provinciaux à descendre à Kinshasa. Après avoir participé au Tournoi du 30 Juin qui a opposé les différentes sélections provinciales, le futur roi du foot congolais est dans la capitale pour des raisons d’études. Il est reconnu par le capitaine Kabeya qui le présente aux dirigeants de Dragons. Saïo est aussitôt recruté. Y a-t-il eu des tractations avec les responsables du FC Incendie, son ancien club de Kisangani où il n’a joué que quelques mois? En tout cas profitant de cette aubaine, Mokili intègre Dragons.
En 1963, V-Sport est radié pour indiscipline et violence aggravée. Les joueurs de cette équipe sont en perdition et à la recherche d’un nouveau club. Parmi eux le futur seigneur Kibonge alias Gento. C’est Luc Mawa en partance pour la Gantoise qui le sollicite et qui fait la commission pour V. Club. Le futur capitaine des vert-noir donne un avis favorable aux Véclubien qui sont à ses trousses. Son ancien club étant radié, c’est sans contrepartie financière que Kibonge entre dans la grande famille vert-noir.
Trois ans plus tard, un homme ambitieux préside aux destinées du club vert et blanc. Il s’appelle François Bila, Bilaf pour les intimes. Ce dernier offre à l’équipe une des attractions du foot kinois. C’est un jeune homme qui défrise ses cheveux. De son vrai nom Gabriel Mpembele, on le surnomme Ngunza pour sa chevelure qui ressemble à celles de certains ngunza (prophète) membres de l’église du Saint-Esprit. Plus tard cette fois-ci dans Dragons, on lui colle le surnom de Tchang Laï pour la façon dont il dompte le ballon et le transforme en jouet au grand plaisir du public. C’est l’homme aux gestes techniques inimaginables. Bilaf qui voit les choses en grand obtient aussi le recrutement du talentueux Soukous Makelele.
Un autre fait sportif qui marque l’année 1966 est le retour au bercail des Belgicains. Leur transfert est négocié directement par le gouvernement qui les a fait venir pour renforcer Les Léopards, l’équipe nationale en gestation. Combien l’État a-t-il déboursé pour que le foot congolais profite de leur service ? On ne le saura jamais. Arrivés à Kinshasa, Kasongo, Mulongo, Kabamba et Muwawa optent pour le Daring. Braine Mayama et Mayokenda rentrent dans V. Club leur ancien club, tandis que Ndala reprend sa place au sein de Dragons son ancien amour à côté de Mutshi Muana.
L’année 1967 est riche en rebondissements. La modeste équipe de Dragons Inkisi se fait parler d’elle. Elle vient d’offrir le jeune Kembo à V. Club. C’est un ancien des Nomades de Kinshasa qui s’est replié dans cette petite bourgade. S’il se transforme vite en machine à marquer pour devenir le Monsieur But de sa nouvelle formation, le cas de son compère Mayanga qui défraie la chronique est complexe et inédit. Cette affaire enflamme la rivalité légendaire entre V. Club et Daring. Modogo qui vient de V. Club II veut jouer dans Daring. Après d’âpres palabres, V.Club obtient gain de cause. Adelar dispute son premier match dans sa nouvelle équipe contre Foudre. C’est en réalité la dernière rencontre de la saison 66-67 pour V. Club. Bête noire des vert-noir, Foudre remporte la partie haut la main par 4 buts à 1.
Ce contentieux qui a fait couler beaucoup d’encre a bâti un mur psychologique pour Mayanga. La rumeur selon laquelle il mourrait le jour où il marquerait contre Daring circule dans tout Kinshasa. Mayanga marque son premier but contre Daring trois ans plus tard. Le rideau tombe en effet en1970 au terme d’un match spectaculaire qui se solde par un nul (4 à 4) alors que le Daring menait par 4 buts à rien.
En 1968, l’histoire se répète. Les vert-noir et les vert-blanc se font de nouveau face, non pas sur la pelouse du stade mais dans les locaux de la fédération. Daring réclame son droit de bénéficier des service de Mbungu Tex un ancien de Daring II qui preste dans V.Club où il a même joué quelques matches. La Fécofa ayant tranché en faveur du Daring, Mbungu fait ses bagages pour cette formation. V. Club subit les revers de ce départ en perdant les 11 points engrangés par toutes les rencontres jouées par Mbungu Tex.
Les litiges en matière de transfert entre les deux grands rivaux kinois ont pour socle une règle floue devenue tradition qui stipulait que tout joueur prestant dans un club junior dénommé V. Club ou Daring ne peut jouer dans le championnat de Kinshasa que dans l’équipe portant la dénomination du club qui l’a formé.
Autre temps autre mœurs, l’année 1968 est aussi celle de la prise de conscience par les petites formations de leur valeur en tant que pépinières des grandes équipes. Avec cette nouvelle approche, Racing réussit le transfert de son prodige Kakoko. Les vert-blanc mettent la main dans la poche. Du haut de ses 18 ans, le talentueux attaquant signe pour une carrière quasi définitive chez les Immaculés. Son transfert de 1.500 zaïres bat tous les records de l’époque devenant ainsi le joueur le plus cher de l’histoire du football kinois.
L’année 1971 est celle au cours de laquelle un grand recrutement se fait au bénéfice de Vita Club à l’échelle de Kinshasa. L’équipe est choisie par la Fécofa pour représenter le Congo à la Coupe des clubs champions d’Afrique. L’entraîneur Kalambay recrute à bras le corps les meilleurs joueurs des petites formations de la capitale. Lungwila (Matonge), Pombi et bien d’autres se retrouvent dans le team vert-noir dans le but de faire bonne figure dans la campagne africaine.
Comme toujours, la coupe du Zaïre révèle les qualités de certains joueurs des provinces. Tshinkunku en déplacement à Kinshasa bat Vita devant son public. Ndaye qui est le fer de lance des Kanangais devient la priorité des dirigeants véclubiens qui ont juré d’obtenir son transfert. L'attaquant véloce quitte Tshinkunku pour un montant de 1.000 zaïres en 1972. C’est beaucoup mais un peu moins que Kakoko dont le record est battu par Ntumba Pouce en 1973. Mazembe demande à Vita de débourser la modique somme de 3.000 zaïres pour son avant-centre. De l’autre côté et par vague irrégulière, le jeu de passe-passe des joueurs entre Bilima et Imana se fait sans encombre. Kabasu, Kilasu, Kiyika et Mangala quittent le club rouge-or pour intégrer le Daring. Par contre, la tenace rivalité entre V.Club et Daring empêche l’échange des joueurs entre les deux formations. Ce crime de lèse-majesté est de part et d’autre considéré comme un reniement mieux une trahison.
Championnat le plus disputé du pays, la Lifkin (Ligue de football de Kinshasa) attire de plus en plus les jeunes des provinces. Celles-ci y jettent dans la décennie 70 un nombreux conséquent de joueurs notamment Nginamau (Inga), Longange, Mayenda (Diables Rouges), Bamuleke. Kalonji Amalphi fait le voyage dans le sens inverse. Il quitte Daring et la capitale pour rejoindre les rangs de St Eloi Lupopo de Lubumbashi.
Samuel Malonga