ET LE RÊVE DEVINT UNE RÉALITÉ A 80 ANS : CHALAMANDA AUX USA !
« Buffalo Soldiers », ces soldats-buffles. Nous sommes pendant la guerre d’indépendance des Etats-Unis. Un régiment célèbre, la 9ème et 10ème cavaleries entièrement composées d’Afro-Américains. Formées à New Orleans dans l’État de la Louisiane en 1866, elles furent envoyées sécuriser la route de San Antonio à El Paso et de maintenir l’ordre contre les natifs Amérindiens dans les réserves de l’Indiana. Ses succès la firent envoyer dans les autres guerres, la Première et Deuxième Guerre mondiale comprises, avant leur démobilisation en 1944, surtout que la loi nouvelle adoptée alors aux Etats-Unis interdit la ségrégation raciale dans l’armée.
Mais, c’était un vrai paradoxe : des Noirs, alors discriminés puisque descendant d’esclaves, chargés d’éliminer un autre groupe minoritaire au nom du gouvernement. C’est là que les Amérindiens leurs collèrent ce surnom de « Buffalo Soldiers » (soldats buffles), à cause probablement de leurs longs cheveux noirs « dreadlocks ». Disciplinés et combattifs, ils connurent le chiffre le plus bas de désertion et nombreux furent médaillés avec le dernier survivant, Mark Matthews, mort en 2005 à 111 ans et surtout le président Georges Bush qui proclama en 1992 la célébration de la « Journée des Soldats Buffles » pour célébrer l’héritage de ces régiments séparés.
LE DÉCLIC.
Une recherche commence parfois par un fait anodin. Et le chercheur s’en souviendra toujours.
Solitude et confinement de la COVID 19 obligent, avant de me coucher, je me lançai à une quasi méditative pour trouver un moyen d’éviter de tourner mes pouces, avant de me sursauter dans la matinée par un rêve ou ces genres de cauchemars proches d’un film réel : sur mon lit, seul, ma femme me tirant de mon sommeil avec des questions genre « tu es une merde, tu ne fais rien, tu ne travailles pas, qu’est cela voudrait dire être un chercheur, et pourquoi ces recherches et allons-nous les manger ?… ».
Un peu déprimé à cause de ces questions personnelles sans réponses, je saute rapidement sur mon ordinateur pour laver mes yeux et ma curiosité avec mon Facebook. Et, subitement, un fichier musical (#LifeAslSeelt) posté par Kofi Blonya : https://www.youtube.com/watch?v=3MPZaCWilr8. Je le défile et les premiers notes, un duo, entre deux vocalistes, accompagnés par un clavier, produit de ces sons esthétiquement classiques ne pouvant laisser silencieux tout humain épris d’une petite oreille musicale. Pendant que je déguste le morceau, je défile aussi les commentaires passant par la demande de l’identité des musiciens, de leur pays, et d’autres genre : « who knows, knows » (le connaisseur est un connaisseur et ne force pas les choses) et ce sous-titre du fichier YouTube « Good music is not necessarily one that you understand. Enjoy this » (La bonne musique n’est pas nécessairement celle que vous comprenez. Appréciez celle-ci).
Comme de la blague, chercheur, je crois avoir trouvé un devoir à domicile, un job de la matinée, de quoi me faire encore rabrouer par mon épouse (de mon cauchemar). Surtout que l’ordinateur et ses moteurs de recherches nous aident à devenir deux fois productifs et même prolifiques !
« BUFFALO SOLDIERS » (Les soldats buffles)
Il faut attendre vers la fin du clip pour entendre les deux relâcher les vers « Buffalo Soldiers » et les mots mélancoliques « lorsque j’étais petit, je rêvais aller chanter en Amérique… Si j’avais beaucoup d’argent, j’irais chanter aux USA ».
Une recherche rapide me fait découvrir que ce featuring en ligne réunit deux musiciens du Malawi opposés en âge : Patience Namadingo, auteur-compositeur des Gospels né en 1990, et Gidesi alias Giddes Chalamanda, un artiste acoustique, né en 1930. Et le morceau enregistré est une vielle composition de de ce dernier « Linny », qui, en anglais, signifie « un aimé de Dieu ».
C’est là que l’histoire de la chanson devient un petit roman. Au fait, c’est en 1960 que Chalamanda composa son « Buffalo Soldiers ». Et surtout ses strophes rêvant chanter, un jour, en Amérique, s’il avait assez d’argent. C’est lui donc le compositeur de « Buffalo Soldiers » avant que, Dieu seul sait comment, fut recopié et chanté par le célèbre roi du reggae Bob Marley dans les années 1970, avec presque les mêmes « bits » et « tempos » en y ajoutant ses paroles commémorant ce régiment célèbre des Noirs, avec une invitation de scruter notre passé, notre histoire.
Ce « sous copyright » est dans la lignée de ces chansons composées en Afrique qui, traversant l’Atlantique, y deviennent populaires avant d’être copiées et remixées par des artistes célèbres à l’instar de Michael Jackson qui, sans permission aussi, avait copié dans sa chanson « Wanna Be Startin Somethin’ » de son célèbre album « Thriller » en 1982 le « Soul Makossa » de Manu Dibango (https://scroll.in/video/957127/soul-makossa-the-manu-dibango-1933-2020-song-that-inspired-michael-jackson) enregistrée dans la face B de l’hymne de la Coupe d’Afrique des Nations au Cameroun en 1972, ou Shakira qui, dans « Waka Waka Dihang, This Time For Africa » (https://www.youtube.com/watch?v=pRpeEdMmmQ0) l’hymne officiel de la Coupe d’Afrique des Nations de football en Afrique du Sud en 2010, avait copié aussi sans permission la chanson de 1986 « Zangalewa » du groupe camerounais Golden Sounds (https://www.youtube.com/watch?v=czaRA68QkT8), groupe disparu depuis et ressuscité grâce à cette reprise de Shakira.
C’est d’ailleurs dans la lignée de ces remix contemporains éclipsant parfois les compositions d’origine : le Nigérian Flavour N’abania devint célèbre avec son remix en 2005 d’« Ashawo » (https://www.youtube.com/watch?v=cQrMa3LLBWM) du pidgin nigérian et signifiant tout simplement « prostituée » déambulant de rue en rue, alors que le premier morceau « Sawale » fut enregistré en par Cardinal Rex Lawson vers fin 1960 (https://www.youtube.com/watch?v=X0hutAI3LPE) ; ou encore « Ancient combattant » du Congolais de Brazzaville Casimir Zoba alias Zao composé en 1984 (https://www.youtube.com/watch?v=8x3OUoMWvuE) et éclipsant l’original de 1969 par le malien Idrissa Soumaoro (https://www.youtube.com/watch?v=IvhUV84ixBI&t=3s). Il en est de même de « African Jazz mokili mobimba » ou « Africa mokili mobimba » du Congolais de Kinshasa Mwamba Mongala Déchaud en 1961 (https://www.youtube.com/watch?v=3gFgIp4K-SI), un remix de la chanson cubaine, « La madre rumba » (la mère rumba) de Celia Cruz et de Celio Gonzalez et La Sonora Matancera (le son qui tue) sortie en 1958 (https://www.youtube.com/watch?v=gd451mcWcsY)
CASE DE DÉPART
Après ce featuring réussi donc de ces deux vocalistes se complétant dans une symétrie et une harmonie incroyables, il eut une vaste cotisation notamment de la diaspora malawite des USA et, en 2016, à 86 ans, Giddes Chalamanda put réaliser son long rêve d’enfance : il fut invité à visiter finalement Etats-Unis et surtout joue son fameux « Buffalo Soldiers » à la Librairie du Congrès américain en présence des sommités diplomatiques, avant de voyager dans d’autres pays et surtout de traverser les frontières de l’Indiana.
Comme quoi, certains rêves se réalisent avant d’aller à la tombe et ne jamais jeter dans la poubelle, pour ne rien au monde, ses talents ; se moquer de la photo du temps présent est la pire des ignominie…
Je fermai mon ordinateur sans pouvoir trouver une réponse à ma femme dans mon rêve. Après tout, pourquoi ai-je passer tout ce temps pour chercher, rechercher, comprendre et exposer ce que j’ai trouvé ?… Je retrouve la réponse chez le maître de l’art, l’italien Giambattista Vico (1668-1744), philosophe et penseur. À sa propre question « pourquoi apprendre ?» à l’Université de Milan en 1732, par exemple, l’Italien répondit que c’est pour « de mente heroica » (l’héroïsme de l’esprit) : pour simplement contribuer au bonheur humain en libérant l’esprit des choses vulgaires. Et, partager une connaissance ou un savoir ou une sagesse est plus que partager un pain ou un bien. Alors que dans le second cas, l’on divise et la chose ne sera plus la même parmi toutes les parties ayant reçu une partie de la chose ainsi partagée, dans le cas d’une connaissance, d’un savoir, de la science c’est l’inverse plutôt l’inverse qui se produit : non pas seulement que l’on reste soi-même avec la même connaissance non périmée, mais ceux les ayant reçus bénéficient aussi de la même connaissance et sagesse, donc c’est une richesse d’ainsi partager ses recherches, car elle devient plus que fructueuses et pluriel et une richesse. Une connaissance et un savoir ne périssent pas lorsqu’ils sont échangés et enseignés de maître aux disciples… Ils sont légués à la postérité et sont appelés à vivre des siècles et des siècles !
EH OUI !
Ainsi va et veut la musique et les artistes ! Je me console peut-être… Tout en vous invitant à ne pas oublier de déguster ces chansons et leurs remix… Et je me souvins de ce proverbe souvent répété par mon défunt père : « si tu n’es pas encore mort, ne jure jamais que tu seras enterré avec la même tête avec laquelle tu étais né ! ».
Norbert X MBU-MPUTU
Email : norbertmbu@yahoo.fr
Bristol (Royaume-Uni), 22 septembre 2010