La danse apollo
La danse apollo
En 1969, la NASA réalise avec Apollo XI une première mondiale en faisant marcher ses astronautes sur la Lune. Deux mois après leur mission, les trois Américains sont invités à Kinshasa. Ils y sont accueillis triomphalement par une foule en liesse. Mobutu les décore de l’Ordre national du Léopard au Mont Ngaliema. Ce passage dans la capitale congolaise a été accompagné par un événement culturel important. Luambo qui des années durant inonde le marché du disque avec ses chansons à succès, décide cette fois-ci de créer une danse. Bien avant l’arrivée du trio américain, Grand Maître a eu le temps de peaufiner la chorégraphie et de faire les derniers réglages de son œuvre. La danse apollo est née et est prête à être consommée.
La nouvelle création de Luambo met en exergue les pas nonchalants d’Armstrong et Aldrin sur le sol lunaire, un univers privé de vie situé à plus de 350.000 km de la terre. Elle est présentée au public avec fracas par l’OK Jazz à la télévision. Avec la danse apollo créée en leur honneur, Kinshasa colorie à sa manière le séjour de ses hôtes de marque.
Dans la culture congolaise, la danse s’identifie par un léger contact corporel entre les partenaires. Pendant son exécution, l’homme et sa cavalière se font face en se trémoussant, se prennent par un respectueux enlacement, font des mouvements cadencés en vrai couple. L’étreinte ne se desserre que pendant le sebene au cours duquel chacun met en relief son savoir-faire. Sorti des sentiers battus, l’apollo de l’OK Jazz se démarque de cette approche traditionnelle. Les danseurs (homme et femme) se mettent plutôt l’un à côté de l’autre. Ne s’étreignent pas mais se tiennent par la main en mimant les pas des astronautes américains sur la Lune. Le traditionnel face-à-face disparaît en cédant la place à une nouvelle manière de s’exhiber côte à côte sans contact apparent des corps. Apollo brisa ainsi toutes les convenances caractéristiques des danses congolaises.
Lancé en octobre 1969, apollo n’a pas tenu ses promesses, car trop lent dans son exécution. Son incapacité à s’accommoder à la cadence et au rythme saccadé des hits congolais l’a cloué au pilori. Il a raté son envol définitif en ne réussissant pas à s’imposer dans les bars. Condamné par l’essence même qui a précédé sa création, il a fini par disparaître en ayant seulement vécu le lendemain d’un show télévisé. Si la mission Apollo est parvenue à dompter le satellite de la Terre avec les premiers pas de l’homme sur la Lune, la danse apollo par contre n’est pas arrivée à imprimer la marque de ses premiers pas dans l’univers culturel congolais.
Samuel Malonga