LUTUMBA ET SES INTERPRETES
Référence : http://www.mbokamosika.com/article-le-poete-lutumba-simaro-et-le-style-lolaka-71985209.html
Ce 30 mars 2019, dans la grisaille d’un matin parisien, Simon Lutumba a fermé les yeux pour l’éternité. Une année s’est écoulée. Beaucoup de choses ont été dites. Je retiens en particulier le magnifique hommage que lui a rendu le dramaturge Yoka Lye Mudaba. Tout le reste appartient désormais à l’histoire.
Pour nous et pour compléter la série d’articles que nous avions consacrés à quelques aspects (quelques aspects seulement) du génie créateur de Masiya, il est utile de nous poser trois questions fondamentales : quand, comment et pourquoi Simaro choisissait tel chanteur plutôt qu’un autre pour interpréter l’une de ses œuvres ? Dans et en dehors de l’Ok Jazz, son orchestre de toujours.
En effet et nous le verrons, Simaro avait également beaucoup écrit et composé pour d’autres artistes, dans le landernau musical congolais. Et très souvent dans le style ‘’solo vocal’’. Que notre cher Zéphyrin Kirika décrit parfaitement dans un article du 18 avril 2011 : Lutumba Simaro et le style Lolaka’’.
Aux trois questions qui précèdent, très franchement et très humblement, je n’ai pas de réponse, n’ayant pas eu la chance de connaître l’homme Lutumba dans son intimité créatrice. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle chacun d’entre nous peut, s’il le souhaite, se soumettre à cet exercice. Surtout ceux qui l’ont connu ou approché.
En revanche, j’observe qu’en trente-trois ans (de 1961, l’année de son entrée jusqu’à la création de ‘’Bana Ok’’ cinq ans après la mort de Franco), bien de grands chanteurs ayant évolué dans l’Ok Jazz n’ont pas ‘’chanté’’ Simaro.
Pour les plus anciens, c’est presque normal (Kwamy, Edo, Mujos etc…). Car, son talent d’auteur-compositeur incontesté ne s’est déployé (je dis bien déployé, pas commencé…) que vers la fin des années ’60. Ce qui correspond peu ou prou au départ de l’Ok Jazz, mais à différentes dates, de deux musiciens à la personnalité affirmée : les deux Victor (Vicky Longomba et Verckys Kiamuangana). Etait-ce le déclic, dès lors que Franco lui demandait désormais d’endosser plus de responsabilité ? Peut-être.
Mais même dans les années ’70 ou ’80, certaines figures emblématiques du T.P Ok Jazz comme Ntesa Dalienst ou Josky Kiambukuta ne sont pas vu attribuer des chansons particulières au titre de solo vocal. Du moins à ma connaissance.
Dès lors et en vue de nous aider à commémorer le premier anniversaire de sa mort, voici donc neuf différents titres de Masiya, interprétés par autant de chanteurs ou chanteuses. Dans cette liste ne figurent ni Testament ya Bowulé ni Affaire Kitikwala. Nous les avons vues précédemment. Ici, l’intérêt consiste à remettre en perspective ces neuf chansons, sous l’angle de l’interprétation. Enfin, l’ordre de passage adopté est tout-à-fait aléatoire.
Cependant, le seul lien, caractéristique de l’œuvre monumentale de Simaro, c’est que toutes ces chansons traitent, soit de faits de société, soit de chroniques philosophiques ou métaphysiques. Toujours ancrées dans les racines et les traditions ancestrales. Et toutes, empreintes de sagesse, marque de fabrique de l’artiste. Enfin, toutes mettent en exergue une forme de rigueur morale, empreinte d’optimisme.
Bisalela (1976), interprétée par Gilbert Youlou Mabiala, accompagné de Josky Kiambukuta et Michel Boyibanda. Sur les 9, cette première chanson est l’une des trois exceptions qui confirment la règle du ‘’Lolaka’’.
Monama Elima (1978) pour Aimée Françoise Mpongo Landu, dite Mpongo Love et les Tchéké Tchéké, sous la direction de Deyess Empopo Loway.
Maya (1985), interprétée par Charles Lassa Ndombasi Carlyto. Mais ça aurait pu être Verre cassé ou Affaire Kitikwala. Trente-cinq ans plus tard, le succès de ce tube ne se dément pas.
Na lifélo bisengo bisali tè (1971), interprétée par Antoine Diatho Lukoki : une de ces chansons prophétiques, très prisées par Simon Lutumba. C’est la seconde exception à notre règle. Selon notre cher Messager, dans un article de fin avril 2009, c’est avec un autre groupe que Lutumba l’a réalisée. Notre ami Sam Malonga indique même l’ensemble Mi Amor.
Mandola, (1980) interprétée par Joseph Kaninda Mpoyi. Idem ! Ça aurait pu être Mbongo ou Kadima. Au sommet de son art au début et jusqu’au milieu des années ’80, Djo Mpoyi a beaucoup ‘’illustré’’ Lutumba. Ici, la chanson est précédée d’un extrait d’interview accordée par Massiya.
Eau bénite, interprétée par Jean de Dieu Madilu Bialu. Avant la carrière solo qui fera de lui un chanteur internationalement reconnu, Madilu System a servi le répertoire de Simaro. Comme dans Dathy pétrole, une autre œuvre majeure.
Examen d’Etat (2010), pour Jules Presley Shungu Wembadio. A coup sûr l’une des moins connues des œuvres de Simaro mais pas la moins intéressante. Un de ces jours, quelqu’un devrait la traduire, à l’usage des Mbokatiers non-lingala-phones car le texte vaut le détour. Eh oui ! Papa Wemba a également ‘’chanté’’ Masiya.
Mabélé, entonnée par Sam Mangwana. Probablement l’une des chansons les plus connues de Lutumba. Et là encore, le choix a été arbitraire et douloureux. C’aurait très bien pu être Faute ya Commerçant ou encore Ebalé ya Zaïre. Mabélé a connu plusieurs versions. Celle-ci semble être la version originale. Elle date de 1971.
Mobali ya bato (2010), peut-être bien l’une des dernières œuvres de Simon Lutumba dans Bana Ok. Elle est tirée de l’album ‘’Salle d’attente’’. Marie-Claire Mboyo Moseka est accompagnée au chœur par Paul Ndombe Pépé (lui aussi disparu) et Simaro lui-même. Et Mbilia Bel y est égale à elle-même. Toutefois, autre temps autres mœurs, et c’est le seul regret que l’on puisse émettre : le foisonnement des mabanga.
Voilà donc un (très) petit aperçu de l’immense œuvre discographique de Simon Lutumba Ndomanueno.
Reste une question, une seule. Totalement incongrue, je l’avoue : <<Pour vous, qui a le mieux interprété le Poète National ? Qui l’a le mieux ‘’rendu’’, le mieux représenté, le mieux personnifié ?>>
Réponse très subjective : <<Ces différents interprètes, tous femmes et hommes de très grand talent, n’ont fait QUE magnifier le génie hors du commun de cet auteur-compositeur hors du commun>>.
SIMBA NDAYE
Mon cher Ndaye,
Merci pour ton vibrant hommage à l’occasion de la commémoration de la mort de l’artiste Simaro Lutumba.
Suite à ton observation suivante : « En revanche, j’observe qu’en trente-trois ans (de 1961, l’année de son entrée jusqu’à la création de ‘’Bana Ok’’ cinq ans après la mort de Franco), bien de grands chanteurs ayant évolué dans l’Ok Jazz n’ont pas "chanté’’ Simaro », j’aimerais te rassurer qu’au contraire, les grands chanteurs de l’OK-Jazz avaient bel et bien interprété les œuvres de Simaro.
En voici quelques preuves :
Années 66- 67- 68-70- 71
Années 71-72-73.74
Messager