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Publié par Samuel Malonga

Constant Cremer, premier footballeur congolais en Europe

Il y a plus d’un siècle, un Congolais a joué dans un club européen plus précisément dans une équipe hollandaise. Cette information est rendue public en 2011 par Thijs Kemmeren après des recherches sur l’histoire du football aux Pays-Bas. Au tout début du 20e siècle soit trente ans avant Louis Cousin et cinquante ans avant Trouet Mokuna, un garçon de 16 ans fait le bonheur des amateurs de football dans la ville de Tilbourg. Il s'appelle Constant Cremer, mais ses amis le nomment Jimmy.  

Né sur les berges du majestueux fleuve Congo

Constant Cremer que ses amis appellent affectueusement Jimmy est né le  23 septembre 1886 sur les rives du fleuve Congo à Ango-Ango près de Matadi. Son père est un prospère commerçant hollandais qui porte le nom de Jan-Willem Constant Cremer. Sa mère est une Congolaise du coin dont l’identité n’est pas connue, Cette femme mukongo dont les recherches n’ont pas permis de retrouver les traces n’a sûrement pas élevé son fils mulâtre. Les parents du petit Constant ne se sont certainement pas mariés. La congolaise et le Hollandais vivent-ils en concubinage ou est-ce un amour passager ?  Jan est arrivé dans ce qui est encore l’État Indépendant du Congo en 1872 à 19 ans pour travailler comme agent de l’Association Africaine du Commerce à Banana. Cette société commercialise l'huile de palme, les palmistes, l'ivoire, le coton, le café et le caoutchouc. Elle compte plusieurs comptoirs le long du fleuve Congo notamment à Vista, Ango-Ango, Cabinda et Pointe-Noire. La brève vie de Constant Cremer au Congo tout comme celle de sa maman n’est pas connue. Le petit métis qui est certainement éloigné de sa mère et de sa famille congolaise dès sa naissance ne parlera pas le kikongo. Jimmy ne reste que cinq petites années dans son pays natal avant de partir en Europe. C’est un voyage sans retour.

 

Bye bye Congo

Lorsque son père meurt en 1889, Constant Cremer est encore un enfant en bas âge. Il est accueilli provisoirement dans un pensionnat des Jésuites pour mulâtres à Landana dans les environs d’Ango-Ango. Dans l’internat des missionnaires, l’éducation est simple et l’usage du français se borne surtout à l’apprentissage du Pater noster (Notre Père). Son séjour dans ce lieu est de courte durée. Il y reste deux ans. Puis sûrement à l’insu de sa mère dont il n’a certainement plus aucun contact, l’orphelin est envoyé en 1891 aux Pays-Bas pour rejoindre sa tante Nicoline dans la ville de Zwolle. Mariée, cette grande-sœur de son père a un fils, Alexander, de deux ans plus jeune que lui. Sa nouvelle famille déménage souvent selon les mutations de l’époux de  sa tante. En 1898, les voilà à Tilbourg.

 

Premier chimiste congolais

A son arrivée en Hollande, Constant commence l’école primaire à Zwolle en 1892 mais la termine à Tilbourg où il entame aussitôt ses études secondaires au National HBS. Suivant les conseils de sa famille, il fréquente l’École de l’industrie du sucre à Amsterdam, un établissement d’enseignement supérieur d’où il sort spécialiste de la chimie. Le but est de faire une carrière de chimiste aux Indes Néerlandaises, l’actuelle Indonésie, car dans l’île de Java se trouvent  plusieurs sucreries.

 

En avance sur ses compatriotes

Cremer a un avantage, il commence à pratiquer un sport qui n’existe pas encore dans son pays d’origine : le football. Une bonne quinzaine d’année avant son introduction au Congo en 1917 par le père Raphaël de la Kethule de Ryhove, le bambin qu’il est, tape déjà dans un ballon. Même s’il est difficile de donner avec précision l’âge de ses débuts dans le sport-roi, Constant a sûrement commencé à manier le ballon entre 1891 et 1900. Le football lui a permis de s’illustrer et d’entrer dans l’histoire comme étant le premier individu de race noire footballeur aux Pays-Bas. De ce fait, il pourrait aussi être le tout premier Congolais à avoir pratiqué le football.

 

 

 Le Congolais de Tilbourg

S’il n’est pas avéré que Constant et son cousin Alexander ont  découvert le  foot à Zwolle, ils ont été joueurs actifs à Tilbourg. Dans cette ville, ils ont d’abord joué dans Argus, un petit club composé exclusivement des élèves du National HBS. Bon footballeur, il fait partie de la première équipe de Willem II en 1901. Au printemps de 1903, le journal Nieuwe Tilburgse Courant mentionne son nom avec des éloges. La presse l’appelle le Congolais ou le Nègre. Il tient malgré sa lenteur dans le jeu le milieu de terrain de son équipe avec brio. Il joue aussi à l’attaque. Au cours de la saison 1903-1904, Willem II qui dispose de bons joueurs est sacré champion de la province du Brabant Septentrional. Le rôle de Jimmy qui a joué tous les matches de son équipe est déterminant. Il est difficile d’affirmer s’il a marqué des buts. Ce succès entraine le développement du football à Tilbourg. Un grand nombre d’équipes sont créées et plusieurs aires de jeu apparaissent. En 1905, Constant quitte la ville avec sa famille pour s’installer à Amsterdam. En 1909, Willem II se souvient de lui et l’invite à participer au match de gala des anciens joueurs lors du 12e anniversaire de la fondation de l’équipe.  Son nom apparaît aussi dans le livre du jubilé des 40 ans de l’équipe en 1936. Constant s’est toujours senti chez lui à Tilbourg et le football a été un rapide moyen d’intégration. Né au Congo, orphelin, sans conviction religieuse ayant des difficultés à parler néerlandais. Le natif d’Ango-Ango a surmonté tous ces handicaps grâce à sa prestation au football pour devenir l’hôte bienvenu de la ville de Tilbourg. Il est fort possible qu’il ait continué à jouer au foot à Amsterdam. Mais cela n’a pas été confirmé.

 

Départ pour les Indes Néerlandaises

Dès son arrivée aux Pays-Bas, la famille est préoccupée pour sa vie future. Vu ses origines et la couleur de sa peau qui n’est pas trop sombre mais qui n’est pas blanche non plus, l’avenir de Constant est plus que compromis en Europe. Sa tante et son époux trouvent la parade. Il doit faire sa carrière dans l’autre bout du monde. Pendant les réunions familiales, l’ancien ministre des colonies est prié de trouver une formation et un emploi pour Constant. Jimmy devrait donc étudier à l’École du sucre pour tenter sa chance aux Indes Néerlandaises. La  famille y compte un important réseau d’amis et certains membres y sont nés. Une formation de chimiste est un atout dans cette colonie des Pays-Bas où se trouvent plusieurs plantations de cannes à sucre et  une importante industrie sucrière. La couleur de sa peau ne joue ici aucun rôle.

 

Après ses études supérieures à Amsterdam, le jeune homme quitte la Hollande et embarque pour l’île de Java. A son arrivée, tout marche bien comme prévu. Dans ce pays lointain, il est vite embauché comme chimiste analyste dans l’industrie du sucre à Majong d’abord puis à Kraksaan et Modjosari. Mais la grande crise de 1929 est passée par là et Constant perd son emploi. Ses contacts avec ses frères Francs-maçons lui permettent de trouver un nouveau job de fonctionnaire à Tangerang dans les environs de Batavia (Jakarta). En 1934, il devient même directeur-adjoint d’un centre d’accueil pour filles. Constant Cremer épouse en 1927, une Indonésienne nommée Nelly Berlauwt. Leur fille, Constance Cremer, voit le jour à Malang le 28 juillet 1928. Dix ans après son mariage, le natif d’Ango-Ango meurt à l’âge de 51 le 1er septembre 1937 à Jakarta. Ses obsèques sont rehaussées de la présence de plusieurs personnalités dont le maire de la capitale indonésienne. A la proclamation de l’indépendance, sa veuve Nelly Cremer-Berlauwt et sa fille quittent l’Indonésie pour la Hollande.

 

Parmi les illustres Congolais nés au 19e siècle

Le nom de Constant Cremer est resté pendant longtemps inconnu jusqu’à ce qu’un professeur hollandais amoureux de sport le sorte de l’oubli. Son nom vient désormais s’ajouter à côté de ceux des autres Congolais prestigieux nés au 19e siècle entre autres, Abbé Stéphane Kaoze (1885-1951) , premier prêtre congolais; Simon Kimbangu (1887-1951), premier prophète congolais et Mfumu Paul Panda Farnana (1888-1930), premier intellectuel congolais.

 

 Samuel Malonga

  

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B
Merci
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S
Belle histoire Samuel. Merci pour la partager!
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