Octobre 1970 : Stage des Léopards en Belgique sous la direction de Raymond Goethals et de Léon Mokuna Trouet.
Octobre 1970 : Stage des Léopards en Belgique sous la direction de Raymond Goethals et de Léon Mokuna Trouet.
Grâce aux archives fournies par notre cousin belge le Dr Bruno Dubois, de l’Asbl www.foot100.be , nous revivons l’épopée des joueurs congolais au sein du championnat belge .
L’article d’archive du journal « Les sports » du vendredi 30 octobre 1970 envoyé dernièrement porte sur le stage que l’équipe nationale congolaise « Les Léopards » avait effectué à Brecht, en Belgique , sous la direction du Belge Raymond Goethals et de l’entraîneur Léon Mokuna.
Comme les caractères sont loin d’être lisibles, nous nous sommes donné la peine de reprendre les grandes lignes de l’interview que Léon Mokuna et Raymond Goethals avaient accordée à Jacques Lecoq durant le stage des Léopards en Belgique.
Messager.
Voici les grands extraits de l’interview réalisée par Jacques Lecoq du journal « Les Sports » le 30 octobre 1970.
Pourquoi sont-ils en Belgique ? Qu’y viennent-ils faire ?
Léon Mokuna : Le Congo-Kinshasa a été champion d’Afrique en 1968. Il a battu le Ghana en finale, dans un match joué en Ethiopie. Il devait participer , normalement, à l’élimination africaine en vue de la Coupe du Monde. Mais entretemps, il y avait eu divers remous. L’équipe placée sous la direction d’un Français M. Maury avait faibli….Pas de Congo-Kinshasa à la Coupe du Monde.
Pourtant, nous y avions notre chance, nous dit Roger Dhooge, un professeur de culture physique de Knokke, qui , au Congo depuis 17 ans, a pu mesurer les extraordinaires progrès du football dans ces dix dernières années. …Nous avions notre chance quand on pense que le Maroc a dû s’y rependre à trois reprises pour éliminer le Sénégal, et que nous battons régulièrement le Sénégal en match amical.
Il ajoute ;
-Au Congo, on passe facilement de l’enthousiasme le plus explosif à la déception la plus noire. Quand le Congo-Kinshasa a été champion d’Afrique, le gouvernement a décrété un jour de fête nationale. Mais quand l’an dernier nous avons été éliminés, cela a été un vrai coup de colère dans le Pays . A tel point que l’entraîneur n’est pas rentré chez-lui. On lui a remis ses tickets d’avion de retour à l’aéroport de Kinshasa.
-Oui, dit Léon Mokuna, en riant franchement. Chez nous, les dirigeants battus sont immédiatement limogés. On peut les reprendre ensuite., quand le public a cessé de gronder. Roger en sait quelque chose.
Evidement, j’ai été cinq fois écarté de la direction de l’équipe nationale. La victoire Soudanaise a été une surprise ; n’avons-nous pas battu cette équipe par 3-0 , il y a quelques mois sans devoir nous employer…à l’excès. Contre la Guinée, nous devons , toujours être sur nos gardes.
Avez-vous des joueurs qui ont joué dans un club belge ?
Aucun de ceux que vous avez connus, nous dit le docteur Moura, qui accompagne ses compatriotes au titre de médecin.
Cependant,, en faisant l’appel, deux joueurs nous ont signalé avoir joué chez nous quand ils étaient étudiants, sans occuper régulièrement une place en première : Saïdi , affilié à Berchem et tout heureux de revoir Anvers au passage, et Mokili qui a joué quelques matches en réserve au Racing White.
Que sont devenus les anciens, ceux que Mobutu a rappelés au alors qu’ils étaient affiliés chez-nous ?
-Ils sont généralement moniteurs dans des centres provinciaux , nous dit Léon Mokuna. Nous n’avons pu en savoir plus. Car les distances sont longues au Congo et on s’y perd de vue : « Il n’est pas rare de faire 1500 à 2000 km pour jouer un match du tour final ». Celui avec qui Mokuna entretient les rapports les plus suivis est Paul Bonga Bonga, devenu entraîneur du Daring de Kinshasa, le rival d’Englebert.
L’équipe actuelle provient-elle de toutes les régions du Congo ?
Oui, avec une majorité de joueurs de Kinshasa. Ceux qui viennent de plus loin sont les Ngoy qui proviennent de Lubumbashi , l’ancien Elisabethville.
La question linguistique se posant au Congo, la langue dont usent les joueurs entre eux est le français que tous parlent d’ailleurs , parfaitement, correctement.
Quelle est la valeur de l’équipe ? Ici nous donnons la parole à Raymond Goethals.
--Les joueurs congolais embrigadés dans les clubs belges ont été soumis au même entraînement que les nôtres. J’étais donc curieux de voir à l’œuvre des joueurs qui n’ont pas connu l’encadrement des clubs belges et, surtout, de voir comment ils se comportaient en équipe .
1. Sur le plan du contrôle de la balle , aucun joueur belge n’a quelque chose à leur apprendre. Le ballon leur colle au pied. Ils ont une souplesse naturelle, un équilibre étonnant et un shoot appuyé.
Ici , Mokuna intervient : « quand je jouais pieds nus, je shootais plus fort que plus tard, quand j’étais à Lisbonne ou à la Gantoise. On a les pieds solides. Chez nous, nos joueurs n’ont presque jamais d’élongation. »
Goethlas reprend :
2. Quand l’équipe congolaise avec notamment Kialunda et Mokuna a joué en Belgique en 1957, elle n’avait aucune tactique. On courait vers la balle et il arrivait quand l’équipe dominait, que les arrières prenaient tellement de risques qu’ils se faisaient surmonter par un dégagement adverse. Alors , il y avait une course folle pour le ballon. C’est fini, maintenant l’équipe congolaise est bien organisée. On se couvre , on attend l’adversaire , on feinte. J’ai , cependant , mis quelques mouvements au point, car le joueur congolais a le mépris de ce qui lui paraît trop facile.(.........)
Le seul ennui dont les joueurs congolais se soient plaints est ...le climat de Belgique. Les pauvres étaient firgorifiés. Ils n'avaient pas emporté les équipements adéquats. La plupart jouaient avec des souliers caoutchoutés, peu adaptés à nos plainens boueuses . Ils n'avaient pas assez de traingings et de maillots, car ils ne supposaient pas que deux fois par jour, ils devraient en changer . L'Union Belge leur a fourni l'équipement nécessaire. La Fédération congolaise alertée a télégraphié:
-Achez tout ce qu'il faut en Belgique.
Quand on dit la Fédération congolaise, on dit , aussi, le gouvernement , car le football est chapeauté par le ministère de la Jeunesse er des Sports. Le ministre Ndala ( un homonyme de l'ancien joueur de St-Trond) ne lésine pas à la dépense quand il s'agit du football. Dans les pays africains, une défaite est considérée comme un affront. Mokuna ne nous racongtait-il pas qu'à l'occasion d'un match au Togo, où il y avait un linesman togolais, le président descendit sur le terrain pour lui reprocher un off-side en lui rappelant : " L'honneur de la nation est en jeu....".
Il est vrai que le football a pris, au Congo et dans toute l'Afrique un essor tel qu'on comprend Sir Stanley Rous quand il estime qu'il faut lui faire une place plus grande à la FIFA.
Interview réalisée par Jacques Lecoq