Le corps des volontaires congolais (1914-1918)
Le corps des volontaires congolais (1914-1918)
Il y a cent ans, lorsque la guerre éclate en 1914, la France fait appel à plus de 135.000 tirailleurs sénégalais pour défendre la patrie en danger. La Force publique du Congo Belge, quant à elle, ne s’engage sur le front africain. Et pour cause. La Belgique hésite de faire venir les soldats congolais sur son sol. La raison est bien simple. Le Blanc perdrait de son estime et de son respect s’il devait ramper dans la boue à côté du Congolais, dit Jules Renkin, le ministre des Colinies soutenu par le 1er ministre Charles de Brocqueville. Le mythe de la supériorité de la race blanche ne devrait-il pas être entretenu ? Officiellement, il n’y a eu aucun soldat congolais dans l’armée belge. Et pourtant, ils étaient 32 dans des unités belges donc sous l’uniforme belge, à combattre à Namur, Anvers et sur le front de l’Yser. C’étaient des civils engagés volontairement dans l’armée de sa majesté grâce à l'arrêté royal du 5 août 1914 qui créa le corps des volontaires congolais (CVC) à Bruxelles. Ces compatriotes sont arrivés en métropole à fleur d’âge et sont aussi pour la plus part décédés très jeunes. Les uns sont arrivés en Belgique par le port d’Anvers travaillant comme marins dans la Compagnie Maritime Belge du Congo. Les autres ont été amenés en métropole pour servir de domestiques aux Belges de retour dans leur pays. Avant la guerre, ils faisaient de petits boulots : boys, serveurs dans les bars ou même vendeurs de carabouya, ces bonbons à base de sucre et d’anis. Après le conflit, les survivants eurent du mal à trouver un emploi à cause des préjugés raciaux. Qui sont-ils, ces 32 Congolais au destin extraordinaire qui se sont portés volontaires en combattant en Belgique, en France et en Angleterre ? Leurs traces pourrissent dans les archives du Musée de l’armée à Bruxelles. Leur participation et leur bravaoure tout comme leurs exploits ne figurent dans aucun livre d’histoire. Ce sont les oubliés du conflit de 1914-1918. Ils sont relégués à l’arrière plan de l’histoire. Pour célébrer leur mémoire, voici une brève biographie de ces compatriotes qui dans les tranchées bravèrent l’hiver pour défendre une cause qu’ils croyaient juste.
Joseph Adipanga, né le 24 janvier 1895 à Boma. Arrive à 16 ans en Belgique comme boy. Carabinnier dans les tranchées; fait prisonnier, il réussit à s’évader du camp de Soltau en Allemagne. Il reçoit plusieurs distinctions dont la Croix de guerre, épouse une femme belge à la fin des hostilités, travaille aux ministères de la Défense nationale puis des Colonies. Son nom est mentionné dans le livre d’or des cartes du feu. Il est mort à Bruxellles le 14 août 1939.
Pierre Alomo, né le 16 mars 1893 à Awaka, travaille en 1914 comme portier à Bruxelles, soldat en 1915 au 2e régiment, il est jugé pour insubordination par la cours martiale ; il est mort au Camp du Ruchard en France le 17 décembre 1916.
Jean Balamba, né le 6 juin 1893 à Kipako Matadi, arrive en Belgique comme marin, carabinnier, il se ditingue dans la bataille de l’Escaut et de l’Yser. Il travaille après la guerre au ministère de la Défence nationale et au musée du Congo Belge.
Paul Movongo Bayon, né le 19 mars 1893 à Matadi. Vit depuis 1910 à Bruxelles où il épousa une belge en 1912. Soldat à Namur, il est mort à Montpellier le 1er août 1916.
Antoine Boïmbo, né le 2 janvier 1895 à Awaka, il travaille à Bruxelles comme vendeur de carabouya avant la guerre. Soldat au 4e corps des volontaires et au 2e régimiment, jugé pour insubordnation par la cours martiale. Il est mort au camp du Ruchard en France le 18 décembre 1915.
Edouard-Gabriel Bolia, né le 1er janvier 1886 à Gombe, arrive à Bruxelles en 1914 via Paris, grenadier pendant la guerre, il arrive à Calais après le retrait des troupes belges. Rentre au Congo en 1915.
Camille Bolofo (1886 – ?), habite à Bruxelles depuis 1912. Soldat au 4e regiment, il se blesse lui-même en 1915 puis envoyé en congé sans solde. Il devient portier puis vendeur de rue à Bruxelles après la guerre.
Antoine Bomio, né à Boma en 1895, travaille en 1914 comme portier dans un bar bruxellois. Grenadier à Anvers où il meurt le 4 février 1915.
Eugène Bonkakou, né en 1892, soldat au 8e régiment à Perwez, il passe le reste de la guerre à l’hopital. Habite à Liège après la guerre.
Pius-Albert Bouclou, né le 25 mai 1895 à Coquilhatville, soldat au 3e régiment de génie puis à la 2e compagnie des pioniers. Il meurt à Paris à l’hopital du roi Albert le 9 octobre 1918 des suites des complications pulmonaires. Enterré au cimetière du Père Lachaise.
Léon de Cassa, né en 1897, soldat à Namur, reste au front pendant toute la durée de la guerre, résistant lors de la 2e guerre mondiale, crée une association douteuse.
Joseph-Florent-Mathieu Droeven, né le 20 novembre 1896 à Ngandu, métis de père belge et de mère congolaise, il grandit à Herstal, devient en 1912 le premier soldat noir dans l’armée belge. Promu caporal en 1913, il combat à Anvers et en Yser. Déserte l’armée pour et reaparaitre en 1918. Il est jugé et dégradé. Se marie avec une Suissesse qui meurt plus tard. Après la guerre, il rentre au Congo où il se remarie. Il y décède le 12 décembre 1945.
Paul Panda Farnana, né le 6 juillet 1888 à Zemba, grandit dans une famille belge, est fait prisonnier à Namur et emprisonné au camp de Soltau en Allemagne. Après la guerre, il s’adonne à l’émancipation de ses concitoyens en fondant l’Union Congolaise en 1919. Il rentre au Congo en 1929 et meurt à Zemba le 1er janvier 1930.
Honoré Fataki, né le 20 janvier 1899 à Kama. Arrive en 1913 comme boy. Il est âgé de moins de 14 ans lorsqu’il s’enrôle dans l’armée et sert dans l’artillerie. Ayant survécu aux gaz toxiques, il est resté invalide de guerre et meurt en 1918 des suites des complications pulmonaires.
Jean-Jacob Ilanga, né le 1er janvier 1894 Coquilhatville. Arrive en Belgique à 18 ans comme boy et combat comme grenadier. De santé fragile, il meurt de tuberculose à Gand le 11 juin1916.
Jean-Baptiste Jessy, né le 18 septembre 1897 à Pala-Bata. Arrive comme boy à Anvers.Caporal aux 1er et 5e régiments des chasseurs à pied (fantassin). Décédé à Nieuport le 17 août 1918. Enterré à La Panne.
Kudjabo, né le 15 mars 1896 à Kilo-Moto. Arrive comme boy et vit à Gand, soldat à Namur, prisonnier de guerre camp de Soltau. Il est à la fin du conflit l'un des fondateurs de l’Union Congolaise. Epouse une blanche avec qui il a quatre enfants. Il meurt à l’hopital militaire d’Ixelles le 1er novembre 1934.
Honoré Kulu, né le 25 avril 1895 Ukatweaka. Arrive comme boy en Belgique, soldat au 1er régiment des grenadiers, il se distingue lors de l’attaque de Tervate en 1914. Il meurt à l’Hospital Mixte du Mans le 4 janvier 1917.
Simon Lisasi, né le 15 décembre 1894 à Yabanga. Il arrive en 1910 en Belgique et se révèle bon vendeur de carabouya. Sert pendant la guerre dans quatre différents régiments. Passe la guerre à l’hopital, fonde une famille à Bruxelles, membre actif de l’Union Congolaise, mort à Schaarbeek le 29 novembre 1929.
Michel Longo, né le 18 décembre1895 à Seke-Banza, arrive en 1913 comme marin, pratique la boxe. Soldat pendant l’offensif de la libération. Habite à Marcinelle. Meurt en 1951
Lopiko, né le 1er janvier 1897 à Coquilhatville Arrive comme boy, travaille à Bruxelles comme journalier puis à Liège comme portier. Soldat au régiment des cabiniers en 1914. Meurt le 12 avril 1915 dans la ville de Liège occupée.
François Mabila, né le 20 mai 1898 à Bangala, réside avant la guerre à Laeken, caporal dans le 9e régiment, se distingue lors du bombardement de Perwez en 1915. Il est tué le 17 avril 1918 dans la bataille de Merkem.
Antoine Manglunki, né le 26 octobre 1896 à Buta, travaille avant la guerre dans un chantier naval, devient chauffeur pendant la guerre, meurt en 1939 sûrement à Bruxelles où il vit.
Pierre Mbimba, (1889–1942), travaille dans les hauts-fourneaux avant la guerre, soldat à Anvers puis dans l’Yser, prisonnier de guerre, crée la section de l’Union Congolaise à Charleroi.
Jacques Mbondo, né le 1er janvier 1894 à Quaha ou Ouka, épouse à Bruxelles une Polonaise avant la guerre. Caporal, il travaille dans une usine britannique des munitions, meurt à Birtley-Elisabethville en Grande-Bretagne le 28 janvier 1918.
Jules Moke, né le 25 juillet 1898 à Yongolo, participe à la guerre à 16 ans, rappelé dans l’armée en 1939, mort à Bruxelles le 23 janvier 1943.
Mona (1896–1921), a étudié à l’école des cadets de Nouvelle-Anvers (Makanza), soldat à Anvers, dans l’Yser et à Moorslede, plusieurs fois blessé, il a souffert de tuberculose après la guerre.
Pierre Sangwali (1890 – ?), habite à Bruxelles avant la guerre, il est déféré devant la cours martiale, chassé de l’armée puis renvoyé au Congo en 1917.
Thomas Seres (1891–1925), soldat au 7e régiment des volontaires et chez les grenadiers. Travaille dans une frabrique des munitions, vit à Charleroi puis à Bruxelles après la guerre.
Sébastien Simba (1895 – ?), travaille comme portier, vit à bruxelles puis à Namur avant la guerre, soldat à Anvers, Alost et en Yser. S’intalle à Bruxelles après la guerre.
Soumbou, né le 16 juin 1895 à Matumba, travaille comme vendeur de carabouya avant la guerre, soldat chez les carabinniers puis plus tard chez les lanciers enfin dans l’artillerie, épouse une Belge après la guerre, mort en 1927.
Antoine Yoka, né le 16 mars 1892 à Equateurville, arrive à Bruxelles en 1913, combat dans les rangs des carabinniers, participe à la bataille d’Anvers et de l’Yser, actif dans l’armée secrète pendant la 2e guerre mondiale.
L’historienne belge Griet Brosens a écrit en néerlandais un livre sur les 32 Congolais qui ont combattu dans l’armée belge en 1914-1918. Il s’intitule "Congo aan den Yser" (Le Congo en Yser).
Samuel Malonga