J’AI VÉCU AVEC LE PROPHÈTE SIMON KIMBANGU
J’AI VÉCU AVEC LE PROPHÈTE SIMON KIMBANGU
Ce titre évocateur est le cri du cœur d’un ancien détenu qui sûrement fut le dernier Congolais à côtoyer le prophète Kimbangu à la prison de Kasapa pendant les cinq derniers mois de sa vie. Papa Honoré-Adolphe Nkunku avait remis ce papier à notre ami Alexis Wany Mukuisila à la fin de l’entretien qu’il accorda à Mbokamosika. Ce manuscrit encore inconnu du public est un document inédit écrit à la main par Emmanuel Bamba sur du papier pelure à sa sortie de prison à la fin des années 50. Notre ami Wany Mukuisila l’avait d’abord transcrit dans son ordinateur avant de nous l’envoyer. C’est un plaidoyer en faveur de Kimbangu que les autorités belges qualifiaient de tous les maux du monde. Vu son importance, Mbokamosika a décidé de le porter à la connaissance des Congolais. Ce témoignage poignant dormait depuis plus de cinquante ans dans les tiroirs de papa Honoré Nkunku. Nous lui réitérons nos remerciements pour avoir eu la noble idée de mettre ce texte inédit à la disposition de ses compatriotes.
Samuel Malonga
J’AI VÉCU AVEC LE PROPHÈTE SIMON KIMBANGU
Témoignage d’un ancien détenu
Mon but n’est pas d’écrire contre les blancs ou contre l’autorité belge. Mais par cet exposé, je voudrais démontrer que contrairement à la qualification de xénophobes, de meneurs, etc. qu’on nous attribue aussi faisant suite aux nouvelles tendancieuses qu’on répand contre nous, nous ne sommes pas tel qu’on l’imagine. La question que je voudrais brièvement poser à travers ces quelques lignes, est celle qui a presque 37 ans d’existence, sans qu’aucune solution équitable n’y soit trouvée.
Continuer à errer ainsi, sans qu’aucun terrain d’entente n’y soit trouvé, équivaudrait à creuser davantage un fossé entre le tuteur et ses pupilles et dont les conséquences seraient loin d’être minimisées. En conséquence, dans l’intérêt de la Belgique, aussi bien du Congo que dans celui de la paix, il est à présumer qu’un dénouement soit extrêmement souhaitable. Cela dit, voici le fait :
Au début de 1921, Simon Kimbangu fut chargé d’une mission divine par le Très- Haut : il eut la vision de notre seigneur Jésus Christ qui lui enjoignit de sauver les âmes perdues. Son premier acte fut la guérison, par imposition des mains, d’une femme nommée Kiantondo. En effet, cette dame eut après l’accouchement des douleurs vives qui provoquèrent l’affaiblissement total de son corps. Elle eut une forte fièvre qui inquiéta son mari aussi bien que les membres de sa famille. Quant au nouveau-né, celui-ci était en bonne santé. Simon Kimbangu se rendait au marché. Lorsqu’il arriva à la bifurcation du chemin qui menait au village du malade, dirigé par le Saint-Esprit de prendre cette direction. Lorsqu’il arriva auprès de la femme souffrante, son mari vint à sa rencontre et lui dit de quoi souffrait son épouse. Puis Kimbangu entra dans la maison où elle se trouvait. "Au nom de notre Seigneur Jésus-Christ, dit-il, soyez guérie". Et la femme fut guérie.
Son deuxième miracle fut la résurrection d’un enfant nommé Mvengo. Lui qui était mort et déjà mis dans le cercueil fut ressuscité par le prophète, au nom de Jésus-Christ, notre sauveur. Ensuite, il y eut plusieurs autres miracles. La nouvelle se répandit. Les gens commencèrent à venir de toutes les régions du Bas-Congo pour obtenir la guérison de leur maladie, recevoir la bénédiction de Dieu par le prophète, se repentir et prier l’Eternel avec foi. Deux missionnaires de la mission anglaise "Baptist Missionnary Society" de Ngombe-Matadi se rendirent à Nkamba, village du prophète où l’événement avait lieu. Après avoir vu tout ce qui s’y passait, ils s’exprimèrent en ces termes : " Pour vous prouver que c’est pour ce qui se passe ici, que nous sommes venus dans ce pays, apportez-nous un malade". On leur apporta alors un enfant qui était souffrant et dont le ventre était gonflé. Les Missionnaires s’agenouillèrent et après avoir prié, ils imposèrent les mains sur l’enfant et celui-ci fut guéri. Après, les missionnaires rentrèrent à Ngombe-Matadi (Waten).
La nouvelle du prophète Simon Kimbangu fut écrite dans des livres par des gens très intelligents qui ont collecté des renseignements. Néanmoins, on ne trouve dans ces ouvrages que très peu de vérité, dénaturée d’ailleurs. Est-ce la faute à ces écrivains ? Peut- être non, parce qu’ils n’ont pas eu des renseignements exacts à ce sujet. Ils s’étaient peut- être renseignés auprès de ceux qui sont contre le fait même ; ou bien encore parce qu’ils n’ont pas voulu reconnaître la vérité pour enfin plaire à ceux qui sont contre ce mouvement.
Quoique quelque peu déformée et faussée, cette vérité dans son sens a existé. Elle existe à l’heure actuelle et indubitablement elle existera. Il y a lieu à cet effet, de se référer aux Écritures Saintes qui disent entre autre : "Si cette entreprise ou cette œuvre vient des hommes, elle se détruira. Mais si elle vient de Dieu, vous ne pourrez la détruire. Ne courez pas le risque d’avoir combattu contre Dieu". (Actes des Apôtres 5:33-39).
Au cours de mon internement pour une durée indéterminée dans la prison centrale d’Élisabethville où Simon Kimbangu a passé 30 années d’emprisonnement, prison où je viens moi-même de faire près de 9 ans, j’ai vu le prophète, en chair et en os, j’ai été avec lui. Et contrairement aux qualificatifs d’agitateur, de xénophobe, etc. qu’on lui a toujours collé, il est loin de l’être. Aussi, je n’hésiterai pas à affirmer qu’il s’agit là des qualifications dues à des informations tendancieuses, ou du moins données par manque tant de bonne volonté que de bonne compréhension en la matière d’une part ; et par manque d’examen vraiment approfondi permettant de déterminer la véracité du fait d’autre part.
Nous constatons d’ailleurs dans chaque cas, que celui qui est chargé d’examiner la question et qui doit prendre la décision, ne se place pas en véritable juge ; mais bien dans la partie adverse. Or, quelqu’un qui se place en adversaire, peut-il juger le fait en toute connaissance de cause puis prononcer un jugement équitable ? A mon avis (je présume aussi qu’à l’avis de tout homme de bon sens), la réponse ne peut être que négative, d’autant plus que partant d’un esprit préconçu, il ne peut aboutir qu’à l’action inique.
Quant au prophète, malgré la persécution et la torture dont il fut l’objet, il resta humble, ferme en droit chemin et ce avec esprit miséricordieux. Ainsi dans sa prière quotidienne que je me fais un devoir de reproduire in extenso, il demandait la bénédiction Divine pour tous les peuples du monde, sans distinction de race ni de couleur. Voici sa prière :
" Matondo kua Ngeye Nzambi a Mpungu wavanga zulu ye ntoto; vo i zulu i kumbu
" ntoto i mfindukw’a tambi biaku. Yambul’o luzolo luaku lua vangam’o va nza na
" koko zulu. Sambula yete awondo : ku ntandu, ku yanda, ku lunene yo ku lumonana
" Sambula makanda mawons’ova nza : Ambuta ye aleki, akento yo abakala, mindele
" ye zindombe. Mbul’onsambu za koko zulu zawokela kwa yeto awons’ova nza, tuavu
" koko zulu. Tutombele mawonso yo tusidi evuvu o tambula mo muna zina dia yena
" Klisto, wa Mvulusi eto, ameni".
Traduction:
" Remerciements à vous Dieu Tout Puissant qui créa le ciel et la terre ; le ciel
" votre trône, la terre est votre marchepied. Que votre volonté soit faite sur la
" terre comme au ciel. Bénissez-nous tous : en amont et en aval, à droite et à gauche
" (ici il veut dire les 4 coins du monde)
" Bénissez toutes les races de la terre : les grands et les petits, les femmes et
" les hommes, les blancs et les noirs. Que les bénédictions d’en-haut se déversent
" sur nous tous dans le monde. Que nous rentrions au ciel. Nous demandons tout
" ceci avec esprit de les recevoir, au nom de Jésus-Christ, notre Sauveur, Amen".
Voilà qui prouve la vérité, d’autant plus que le prophète lui-même demandait quotidiennement la bénédiction pour tous les êtres humains de ce monde y compris les blancs, qu’il cite d’ailleurs en premiers avant sa propre couleur. Peut-on alors qualifier un tel homme de xénophobe ? Que toute personne de bonne conscience en juge. D’autre part, il m’a affirmé qu’il n’a jamais dit qu’on ne devait plus payer l’impôt qui a été approuvé par Jésus-Christ. Dès lors, ayant reçu sa mission du Christ, comment le prophète pourrait-il être contre ce qui a été approuvé par celui de qui il a reçu sa mission ? Il n’a jamais non plus été question d’être contre les blancs. Ce qui aurait d’ailleurs été le contraire du principe de la mission qu’il a reçue. Les fausses déclarations dirigées contre le prophète et son mouvement ne sont que des inventions des gens qui sont esclaves de Satan parce qu’ils sont voués au péché et ne veulent pas se repentir pour redevenir vrais enfants de Dieu ; ou des pessimistes, sans doute avec l’intention de donner plus de discrédits à ce mouvement aux fins de la faire disparaître.
D’ailleurs, les autorités n’ignorent pas que les Bakongo sont des gens humbles et pacifiques et ces qualités ont été maintes fois prouvées. Les autorités connaissent les difficultés rencontrées et les guerres faites par Stanley de son départ à Zanzibar jusqu’à son arrivée à Mpumbu (actuellement Léopoldville). Par contre, lors de sa traversée des régions Bakongo, quelle ne fut pas sa surprise de voir l’esprit tant pacifique que fraternel de cette ethnie. Peut-on assimiler ceci en xénophobie ? Aussi, les autorités n’ignorent pas que l’esprit Divin est inné dans l’âme bantoue. Vouloir l’étouffer, c’est méconnaître l’existence même de Dieu.
D’après ce que nous entendons, ce n’est que du côté de l’Orient autrement dit derrière le rideau de fer que la liberté n’existe pas et où l’existence de Dieu est méconnue. Quant à l’Occident dont nous faisons partie, le principe de ses peuples est basé sur la LIBERTE. TOUT ETRE HUMAIN, SANS DISTINCTION DE RACE OU DE COULEUR EST NÉ LIBRE. Un éminent homme d’État d’une grande puissance occidentale, dans un discours prononcé en 1941 s’est exprimé en ces termes au sujet de la liberté:
" Nous voulons créer un monde où chacun pourra vivre en paix, travailler aisément,
" gagner un salaire qui lui permettra d’assurer son existence et celle des siens,
" prier selon sa foi, mourir en paix avec certitude que ses fils et petits-fils jouiront du " même privilège". Ceci s’est confirmé par l’élaboration de la Déclaration universelle des droits de l’homme dont l’article 18 stipule :
" Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce
" droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la
" liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en
" public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement
" des rites".
Et l’article 19 :
" Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expansion, ce qui implique le
" droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir
" et de répandre sans considérations de frontières, les informations et les idées par
" quelque moyen d’expression que ce soit ".
Partant de ce qui précède, je présume avec plein espoir que les autorités accueilleront cet exposé avec bienveillance aux fins d’y donner une suite favorable.
L’heure du Roi Baudouin est venue: les Congolais ont montré leur esprit sympathique et de fidélité envers lui lors de son voyage ici au Congo en 1955. C’est l’heure de la paix où tous les peuples de la terre tendent à aboutir à un seul but, CELUI DE LA PAIX SAINE, PROSPERE ET DURABLE. Il est donc préférable et souhaitable, dans l’intérêt de la paix mondiale en général et de la Belgique en particulier, d’envisager une solution équitable, celle de nous laisser professer la religion selon notre foi et selon les droits nous reconnus tant par la Charte coloniale que par la Déclaration universelle des droits de l’homme édictée par l’Organisation des Nation Unies.
Emmanuel Bamba