Thu-Zahina, le chaînon manquant de la musique congolaise
Vers la fin des années 60 et le début des années 70, une nouvelle vague a déferlé sur la scène musicale kinoise, vague qui inonda ensuite l’Afrique avec le style musical basé sur la guitare,
communément connu sous le nom de soukous.
Entre l’époque de grands orchestres dirigés par Franco Luambo et Rochereau Tabu Ley et la nouvelle vague des orchestres de la famille Zaïko Langa-Langa, a existé un groupe
« pivot » dont l’influence légendaire et le style novateur ont été les plus répandus hors de la RDC.
Thu-Zahina a été le groupe à l’origine de cette renaissance, c’est le chaînon manquant entre la rumba
congolaise classique et la nouvelle rumba « soukous », le basculement de la première vers la deuxième.
L'orchestration majestueuse de cette nouvelle rumba est imprégnée d’un groove brut de Folk et Funk, avant
d'être submergée par des riffs de guitare solo orgiaques.
Le son de cette nouvelle vague est clairement reconnaissable dans la magie déchaînée du guitariste solo Roxy
Tshimpaka, qui a apporta plus tard son jeu caractéristique de guitare dans Zaïko et Choc Stars. Le style Roxy sera plus tard supplanté dans Thu-Zahina par celui de Thierry Mantuika.
La batteur Zicozaco, se plaisant dans le crépitement de son tambour piège « non-serré » , alimenta
ces solos par une multitude de rythmes, tandis que l’attaque-chant était assuré par Abeli Kelly, Denis et Bruno Bonyeme, Hendryx Biluala, Juslin Makanga, Dezzy Bokanga, Frank Muntuana, pionniers
de styles vocaux dont les arrangements harmoniques présageaient la nouvelle vague. Avec en support, Robot, Goby, Mukuna, Crusoe et une douzaine d’autres musiciens.
Thu-Zahina a été créé vers la fin 67 alors que ses membres étaient encore des lycéens de 17 à 19 ans en
section Littéraires, Sciences, Education et Economie au Collège Albert 1er et l’Athénée de Kalina à
Kinshasa.Thu-Zahina signifie « Personne » en kimongo et « Ami » en kibemba. C’est le
premier groupe composé uniquement de lycéens. Parmi les cofondateurs de Thu-Zahina, il y a Pela Simba, neveu de Rochereau. C’est ainsi, après quelques changements dans la composition, le
groupe fut contacté par Rochereau qui les aida pour les répétitions et les conseilla pour leur 1er concert au « Marinel » en 1968.
Leurs premiers instruments, y compris la double basse verticale de Gégé, furent loués et mis à disposition
par les Pères Jésuites, mais le succès fut presque instantané et après quelques mois ils purent en louer par leurs propres moyens. Ils jouaient tous les week-ends pour la « jeunesse
montante » de 14 à 18h30 (matinées de mode et de danse pour les jeunes).
Leur charme était dû au rythme créé par une combinaison de la rumba congolaise, du « Jerk » et du « Rhythm’n’blues » et, naturellement, à leur jeune âge. Ils étaient le
1er groupe de jeunes de la génération post indépendance.
Leurs mentors et inspirateurs furent le groupe que les étudiants d’université en Belgique avaient créé en
1966 pour leurs loisirs, groupe appelé Los Nickelos.
La culture rumba congolaise était basée sur deux écoles portées, d’un côté par Franco et de l’autre par
Kallé/Rochereau. Rochereau avait une grande influence sur la jeunesse la plus progressive tandis que la réhabilitation du folklore du Congo par Franco inspira cette même jeunesse pour revisiter
un des rythmes les plus puissants de la terre.
Ajouté à ces ingrédients, l’instrumentation et la dynamique du Rhythm’n’blues américain ainsi que les pires
excès du Western Rock, avec l’influence cosmopolite de Los Nickelos, le résultat fut un son rafraîchissant et optimiste.
Thu-Zahina fit ses premiers enregistrements en 1969 sous le label Phillips avec les chansons Lokoko, Denise, Lydie, Jeanie qui furent des hits. En 1970, ils signèrent avec Franco pour 15
chansons sous les Editions Populaires.
Environ 30 chansons furent produites durant cette période, la plupart sous leur propre label et d’autres par les Editions « KEJE », « Tembe na Tembe » et « Vévé ».
Le groupe était très populaire, particulièrement parmi la jeune génération. Les chansons telles que Lokoko, Diyoyo, Jetutu, Silibanda et Coup de chapeau étaient reprises dans toutes les écoles et
clubs de jeunes. Souhaitant terminer leurs études et se considérant trop jeunes pour voyager seuls, les Thu-Zahina ne s’étaient jamais éloignés de Kinshasa. Leurs seuls voyages à "l’étranger"
furent deux week-ends à Brazaville en 1971 et plusieurs séjours dans le Bas-Congo.
En 1970, Thu-Zahina assista Zaïko Langa-Langa dans son lancement, lors des festivités du nouvel an 69/70. Zaïko fut créé chez Gégé Mangaya par son grand-frère Henri Mongombe et DV Moanda, membres
du « Comité directeur » qui recruta Pépé Felly Manuaku, Jules Shungu, Teddy Sukami, Zamwangana et consorts.
Les relations de Thu-Zahina avec Franco étaient « excellentes » au début. En 1970, il produit 15 de leurs chansons en échange d’un équipement de musique. Mais en 1972, quand le contrat expira,
Franco n’apprécia pas de les voir voler de leurs propres ailes et commença à déstabiliser le groupe.
A la fin de leurs études, certains membres quittèrent le groupe et d’autres musiciens et chanteurs furent recrutés. Mais la jalousie et la haine de « certains » groupes majeurs de Kinshasa
(suivez le regard) sonnèrent le glas pour Thu-Zahina. Le « patronage » de Franco finit d’achever le Thu-Zahina : Gégé Mangaya et Thierry Mantuika furent débauchés pour l’OK Jazz. Gégé, le
bassiste de Thu-Zahina, devint guitariste chez Franco.
Zaïko capta alors toute l’attention de la jeunesse, surtout avec l’apport et la maestria d’Anto Evoloko et Gina Efonge, transfuges de Map’s Iyambole.
Durant les six années de leur existence, Thu-Zahina déclencha une révolution totale dans le genre le plus excitant de la musique africaine, la rumba congolaise.
Composition du groupe
Chanteurs :
Denis BONYEME (1967-1974)
Bruno BONYEME (1967-1973)
Dezzy BOKANGA (1967-1972)
Kelly ABELI (1968-1973)
Hendryx BILUALA (1968-1973)
Frank MUNTUANA (1968-1974)
Ghislain « Juslin » MAKANGA (1969-1972)
Eddie KASSES (1969-1971)
Dieudonné MOTO « James » (1969-1971)
MANDALA (1970-1972)
Soulemane MAKITU (1970-1974)
Guitaristes :
Olivier TSHOMBA « Sawa » (1967-1968) Solo
Bona NDEBO (1967-1968) Basse
Robot TUMBA (1967-1973) Rythmique
Gérard « Gégé » YOKA MANGAYA (1968-1974) Basse
Roxy TSHIMPAKA (1968-1972) Solo
Thierry MANTUIKA (1972-1974) Solo
BISELENGE (1972-1974) Rythmique
Goby SONGOLO (1972-1974)
Batteurs :
Zicozaco ESSABE (1967-1974)
Conga / Tam-Tam :
Rathos TUMBA (1967-1968)
Bayard MUKUNA (1968-1974)
Feros MULUMBA (1971-1974)
Claviers :
Crusoe MENGI (1969-1973)
Cuivres :
Deyesse EMPOMPO LOWAY [Collaboration en 1969 & 1971] Saxo
Rubens KUNSITA [Collaboration en 1969 & 1971] Saxo
LODDAK (1971-1973) Saxo
SENOE (1971-1973) Saxo
INDOU (1971-1973) Trompette
BOLIDE (1971-1972) Trompette
Bavick NSABAKA (1971-1973) Trompette
Anto Nickel
1.LOKOKO, par Thu-Zahina
2.Ba Patrons na ba mbongo, par Thu-Zahina