Les débuts de Pereira au stade Reine Astrid
Les débuts de Pereira au stade Reine Astrid
Les débuts de Pereira au stade Reine Astrid
Dans notre première partie publiée hier, nous avons sommairement présenté Vieux Rail, sans entrer dans certains détails. Aujourd’hui, nous passons à la partie la plus passionnante de son histoire, caractérisée par son acceptation par le Père Raphaël, après un test remarquablement réussi sur ses capacités en matière de préparation psychologique des équipes de football, du succès qu’il a engendré dans la prestation de sa nouvelle équipe qu’il a tourné le dos après sa nouvelle rencontre avec un autre muzombo qui trônait à la tête de la formation de Véa Mokonzi, de sa réconciliation avec le Président de Daring ainsi que de la suite aux évènements qui ont suivi ce nouvel épisode. Suivez !
Père Raphaël en tant que serviteur de Dieu, ne croyait pas à la magie africaine. Mais sa
réticence fut vaincue à cause de sa grande passion pour le football et la volonté librement exprimée par ses joueurs qui voulaient expérimenter cette nouvelle pratique. Ainsi, contre sa volonté,
il fut contraint de rencontrer Pereira.
Notre féticheur ne mâcha pas ses mots. Il confirma ses propos tenus devant son collègue de TEXAF et avoua dès leur premier contact qu’il était capable grâce à son savoir faire d’aider Daring à remporter le championnat de Léopoldville. Là où les deux hommes ne parvenaient pas à se mettre d’accord, c’est la manière dont celui-ci allait s’y prendre. Papa Raphaël, dans sa logique savait qu’avec sa pléiade de vedettes, avec ou sans les fétiches, le FC Daring était en mesure de l’emporter face à V-Club ou Dragons ou n’importe quelle autre équipe de la place. Pereira par contre lui fit comprendre que le championnat se gagnait avec les petites équipes et c’est là qu’il allait frapper V-Club. Ainsi, de commun accord, ils ont conditionnée la conclusion de leur accord par une épreuve à laquelle Pereira accepta de se soumettre.
Dans la mesure où un match de football se joue sur un terrain de jeu, il fallait des preuves palpables pour convaincre ces imaniens incrédules. L’occasion se présenta rapidement et ce fut lors de la coupe du Gouverneur de la Colonie. Aussi pour cette sale besogne expérimentale, le choix fut porté sur le FC Union, équipe satellite de Daring qui avait le devoir d’éliminer le Grand V-Club. Cette équipe de Bana Véa, qui tous feux, toutes flammes rasait tout sur son passage. Pour votre information, les matches de la Coupe du Gouverneur opposaient toutes les équipes de Kinshasa, toutes divisions confondues. Celles-ci se croisaient selon un calendrier préalablement établi en match unique à élimination directe. Sango Mokonzi était catégorique dans sa requête. Avant cette confrontation, Pereira devait lui proposer non seulement son pronostic, mais aussi et surtout lui prédire les temps forts de cette rencontre, afin d’apprécier la suite à donner en connaissance de cause. C’est à cette seule condition qu’il serait convaincu et l’embarquerait dans son aventure.
Le jour « J », avant le match, le jeune muzombo exigea qu’on lui achète une horloge mécanique disposant d’une sonnerie réglable. Sans comprendre à quoi rimait ce jeu, le Père s’exécuta. Avant le début de la rencontre, le Vieux Rail s’affaira à régler son horloge, suscitant les quolibets de certains accompagnateurs du FC Union. Toutefois, pour ne pas contrarier ce jeune homme, on lui laissa faire son manège et la montre fut installée derrière le banc des joueurs de réserve. Après avoir terminé ses incantations, Pereira, en fin stratège, s’empressa à informé le Père Raphaël, le plus calmement du monde que V-Club allait être éliminé sans pourtant préciser le score de la partie. Toutefois, il ajouta pince sans rire que la montre qu’on venait de lui remettre ferait le reste du travail. Il enchaîna en disant à Tata Mupe qui cherchait des preuves de son implication dans cette qualification, que deux joueurs seraient fracturés au cours de ce match de vérité, un de chaque côté. Cette prédiction sema la panique chez le prêtre qui refusa de cautionner une telle tournure des évènements. Hélas, malgré ces protestations, le sort était décidé ainsi et il fallait attendre la fin de la rencontre pour apprécier.
Ce match fut amplement disputé entre les deux équipes en lice. A la fin de la 1ère mi-temps, le score était de 1 but à 0 en faveur de V-Club, but de Mayokenda et un second but de Assaka alias Assassin viendra concrétiser la domination des vert et noir. Mais dans le dernier quart du jeu, cette rencontre va connaître un retournement spectaculaire. D’abord, on assista à la fracture d’une phalange du pied gauche de Etwe alias Maçon, joueur du FC Union qui sera soigné sur place par Pereira lui-même avec une mixture faite des feuilles d’une plante kongo appelée « lemba lemba ». A la surprise de tout le public présent au stade Reine Astrid, Etwe quoique boitillant, reprit sa place au cœur de l’attaque du FC Union. La loi du remplacement d’un joueur sorti du terrain n’existait pas encore. Quel ne fut la surprise dans le camp du FC Union d’entendre quelques instants seulement après ce retour sur le terrain, la sonnerie crépitée une première fois. Dans la foulée, Etwe qui hérita d’une passe en profondeur d’un de ses coéquipiers décocha un tir anodin dans les buts de V-Club, mais celui-ci fit mouche. A 2 buts à 1, tous les espoirs étaient cette fois-ci permis. Le match s’acheminait vers sa fin lorsque la sonnerie de la montre sonna pour la seconde fois. Dans la minute qui suivit, le FC Union va bénéficier d’un corner. Exécuté par un des attaquants de son équipe, Etwe, malgré sa courte taille va sauter plus haut que le gardien de V-Club, qui dans sa détente ratée se télescopa avec son back central. La balle alla mourir au fond des filets et c’était l’égalisation. Stupeur dans les rangs des Bana Mbongo, car il ne restait que quelques minutes à jouer. Quant au défenseur touché, il sortit sur une civière pour être évacué vers l’Hôpital Général mettant ainsi prématurément fin à sa carrière. Au dernier coup de sifflet, le score indiquait 2 buts partout. A l’issue de ce match fondateur V-Club « akanga maillot » par la loi du nombre de corners...
Qu’est ce qui restait encore à prouver au prêtre qui n’en revenait pas. Ba tula mpaka, ba mona preuves. N’est ce pas que le jeune Pereira avait tenu sa parole. Son horloge avait crépité à deux reprises, et chaque occasion, il apporta un but. N’est ce pas que deux joueurs furent fracturés, un de part et d’autre. Enfin, au finish, Véa Mokonzi ya terrain fut éliminé de la compétition. Voilà comment ce gourou des temps modernes effectua son entrée spectaculaire par la grande porte dans l’arène du football kinois. Lorsque nous avons quitté le pays, Papa Etwe Maçon était encore vivant. (Ceux qui le connaissent dans les milieux vert et blanc peuvent lui tirer les vers du nez).
Jean Koke
Miezi
Prochainement : Quelques ingrédients et anecdotes croustillantes sur la vie de Pereira