Léonard Saïdi se confie à Mbokamosika (2)
MES ENTRETIENS AVEC LEONARD SAIDI BIN PIRI, CAPITAINE DES LEOPARDS ET DE TP MAZEMBE DE LUBUMBASHI.
Les initiales:
SL: Saïdi Léonard;
CK: Claude Kangudie
3. TP ENGLEBERT MAZEMBE ET SES CAMPAGNES AFRICAINES.
CK: Mazembe est champion du Congo. C'est votre première campagne africaine en cette année 1967. Pouvez-vous nous en parler ?
SL: Notre premier adversaire fut Abeille de Brazzaville. Il nous était imposé de jouer à Kinshasa au lieu de Lubumbashi. Nous avons gagné, 2-0 à Kinshasa au match aller et 3-1 au match retour à Brazzaville. On avait traversé le fleuve Congo le matin et le soir nous sommes rentrés à Kinshasa, victoire en poche. Là je jouais toujours comme avant centre de soutien, au n°10 et Kalala au N°9 comme attaquant. C'est quand Sotcho Kabeya est arrivé, au match retour contre Abeille de Brazaville, que je suis descendu en milieu de terrain comme demi offensif ou n°8. Donc pour cette équipe de 1967, il y avait Athénée, Tshinabu, Kabeya et Kalala à l'attaque. Moi et Mulenda au milieu. Robert dans les buts et Katumba, Buanga, Mukombo et Ngoy « Petit suisse » à la défense. Kalonzo et Nyembo étaient encore chez Philips. Au deuxième tour, nous avons gagné par forfait contre une équipe de la Libye. En demi finale, nous avons joué contre St Georges d'Ethiopie. On les a battus à Kinshasa et fait nul chez eux à Addis-Abeba. En finale, nous avons joué contre Ashanti Kotoko de Kumasi...déjà il y avait la rivalité sportive entre le Congo et le Ghana. Nous avons fait match nul chez eux, un but partout et match nul à Kinshasa, deux buts partout. Alors au match de barrage au Cameroun, ils ne se sont pas présentés et nous avons remporté notre première coupe d'Afrique. C'était à l'époque où Pierre Kalala faisait encore beaucoup de dégâts aux défenses adverses. D'ailleurs c'est lui qui avait marqué sur ces matchs.
CK: Il y avait déjà Robert Mensah dans les buts de Kotoko ?
SL: Non. Mensah est venu lors de la deuxième finale.
CK: Vous remportez cette coupe d'Afrique. C'est la fête dans tout le pays. La fierté nationale est détartrée. Alors quelle est la récompense de la Nation reconnaissante à ses fils méritants ?
SL: Rien du tout...
CK: Ah ??? Pardon. Mukubua Léonard, que dites-vous ?
SL: Rien du tout...à part une réception organisée par Frédéric Kibassa Maliba dans sa parcelle. Une réception qu'on peut appelée de privée. C'est Franco qui avait animé cette réception. C'est tout. On a rien reçu des autorités politiques et sportives du pays.
CK: Et pourtant à l'époque, un Zaïre valait deux dollars...
SL: Nous n'avons rien reçu. J'étais vice capitaine d'Englebert...
CK: Passons à la deuxième campagne africaine. En tant que détenteurs, vous entamez votre deuxième coupe africaine. Vous êtes toujours bloqués à Kinshasa. Comment alors se jouait le championnat à Lubumbashi ?
SL: Il y a eu une année où on avait fait 8 mois à Kinshasa. Nous avions donc une deuxième équipe à Lubumbashi qui faisait le championnat. Quand il y avait un joueur qui sortait du lot, il nous rejoignait pour nos campagnes africaines. C'est ainsi que sont venus les Kapata, Mutombo Pélé...
CK: Vous attaquez votre deuxième coupe d'Afrique en cette année 1968. Pouvez-vous nous parler de cette édition ?
SL: Je me souviens du match contre les Far du Maroc. Cette équipe nous avait posés quelques soucis. Au match aller, ils nous ont battu par 1-0 à Kinshasa. Et l'arbitre du match avait refusé notre but. Mais, il avait raison car la balle était passée à côté des buts. Au match retour, nous leur avons marqué 3 buts contre un, chez eux. Buts de l'inévitable Kalala, Brinch et Toyota. Donc André (Kalonzo) et Toyota (Nyembo) nous avaient rejoints à cette édition.
CK: Je me souviens très bien d'un certain TP Englebert contre Africa Sport d'Abidjan...je me rappelle très bien la vitesse avec laquelle mon père avait envoyé la radio contre le mur. Ceci parce que les Ivoiriens menaient au score jusqu'à 2 ou 3 minutes de la fin du match...
SL: Ah oui, je m'en souviens...(gros rire). C'est Kalala qui les avaient empêché de gagner chez eux. A Kinshasa, ils nous ont mené par un but à zéro jusqu'aux dernières minutes. Même le président Mobutu n'en revenait pas, il en avait renversé sa radio. C'est lui même qui nous l'a dit...
CK: C'est de cette date que date la légende selon laquelle avec TP Mazembe, on a gagné qu'au dernier coup de sifflet de l'arbitre...
SL: Oui...Africa Sport nous menait. Aux ultimes minutes, André (Kalonzo) et Brinch (Tshinabu) les avaient mystifiés...On leur a mis deux buts en deux ou trois minutes et on avait match gagné à deux buts contre un
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CK: Et qu'est ce que le président Mobutu vous avait dit sur ce match ?
SL: Il nous a dit qu'il suivait le match à la radio. Il restait quelques deux minutes. Et on était toujours mené au score. Il s'est fâché et a fermé sa radio de colère. Quelques minutes après s'être calmé, il a rouvert sa radio. Alors il entendait beaucoup de bruits au stade. Il s'est dit, les Mazembe ont perdu et sont donc éliminés. Quand Louis Paul Basunga a annoncé le score, il n'en revenait pas...C'est ainsi qu'il nous organisa une réception.
CK: Ah bon ??? racontez-nous comment elle s'est faite cette réception...
SL: Le lendemain du match, on a vu les gars de la sureté de Mobutu venir nous chercher manu militari. Allez, dépêchez-vous...trouvez-vous des cravates et costumes, on vous amène à la présidence, le président Mobutu veut vous voir, nous dirent-ils. Et nous fûmes conduits chez Mobutu et c'est là qu'il nous raconta son épisode quand nous étions menés au score...
CK: Quel est le souvenir que vous gardez de cette deuxième coupe d'Afrique de Mazembe ?
SL: Au match retour à Abidjan, contre Africa Sport. Ils nous ont marqué un but. On a mis le ballon au centre. Kalonzo centre sur moi, je dribble mon vis-à-vis, je tire, presque du milieu de terrain, et je marque...Disons qu'à peine Africa Sport nous avait mis un but, ils n'avaient même pas eu le temps de respirer, on leur rendait la même politesse...à la seconde près. Et le match s'était terminé par deux buts partout.
CK: Est ce que vous vous souvenez encore du Stade d'Abidjan ? Avec Jo Bleziri ?
SL: Ah oui...Notre match contre Stade d'Abidjan, je crois en 1970...s'était terminé par quatre buts partout. Et Lucien (Tshimpumpu) avait fait un article selon lequel Bleziri jouait en championnat de France et que les Ivoiriens avaient trichés...et le Stade d'Abidjan avait écopé d'un forfait.
CK: Vous arrivez en finale de cette coupe de club africains 1968...
SL: La finale était contre Etoile Filante de Lomé. Nous avons remporté le match aller à Kinshasa par 5-0. Il ne pouvait pas en être autrement avec des garçons comme Kalala, Tshinabu, Kalonzo, Kabeya ou Nyembo à l'attaque...Au match retour, ils nous mirent 4-1...c'était la première fois qu'on jouait sur un terrain sablonneux. C'est Brinch qui avait marqué ce but de Lomé.
CK: Vous remportez cette deuxième coupe d'Afrique des clubs. Quelle est la récompense de la nation reconnaissante à ses fils méritants ?
SL: Encore une fois rien du tout...
CK: Mais c'est surprenant et incompréhensible. Notre « PF », Président Fondateur Mobutu, était le premier sportif du pays...comment expliquer des choses pareilles ?
SL: Rien du tout...si ce n'est une fête au parc du zoo de Kinshasa où le professeur Muabila avait expliqué aux gens notre parcours. Fête organisée par le ministère de Sports. On ne nous avait rien donné.
CK: Quel souvenir avez-vous d'un geste du président Mobutu à l 'endroit de TP Englebert Mazembe ?
SL: Je me souviens que nous étions internés à N'sele pour préparer un match. Le président Mobutu était aussi à N'sele. Les gens sont venus nous dire d'aller le voir...On y est allé. On l'a vu. Il nous a emmené sur son bateau. Et là, il a demandé « où sont les TP Mazembe ? » On s'est présenté. Il a demandé quels étaient nos soucis...Et nous lui avons fait comprendre que l'éloignement d'avec nos familles à Lubumbashi nous pesait beaucoup et que nous avions aussi des soucis matériels. Alors, il nous dira de le voir le lendemain. Au jour promis nous avons vu le ministre de l'intérieur qui était Singa à l'époque. Et Singa après vérification auprès de Mobutu, nous conduira à la présidence. Et là nous avons reçu 5000 dollars ou zaïres, je ne me souviens plus très bien. Mais est-il qu'après partage entre nous, nous nous sommes achetés des Vespa...(rire de Claude Kangudie).
CK: C'est tout ???
SL: Oui. Mais il faut aussi ajouter qu'on nous volait toujours lors de nos déplacements en Afrique. Il était prévu, pour les frais de missions, d'avoir 20 dollars par jour et sur dix jours, donc 10X20 dollars, soit 200 dollars. Alors, nous, on nous donnait 4 dollars par jour et sur 5 jours, soit 20 dollars par déplacement...
CK: Comment alors avez-vous su cela ?
SL: Un jour, les gars de la présidence sont venus nous voir à l'hôtel. Ils nous ont dit, voilà, vous venez d'une mission, vous les TP Mazembe. Vous avez de l'argent...et nous, nous leur avons répondu que non. Et ils étaient étonnés. On leur a dit ce que nous touchions...Ils étaient sidérés. Ils sont allés, eux mêmes, au ministère des finances et nous ont amené les barèmes en vigueur et me les ont remis en tant que capitaine. C'est comme ça qu'on a su qu'on nous volait...Alors nous devrions joués contre Cara de Brazzaville je crois. Le match retour était prévu au Cameroun, après le match aller à Abidjan, à cause des tensions entre les deux Congo. Nous avons gagné ce match et on s'est qualifié. Le chef de délégation m'a appelé pour me remettre nos frais de mission. Il me donne alors 20 dollars par joueur. Là je lui ai dit que non, ce n'est pas ce montant qu'il nous faut. C'est 200 dollars pour chaque joueur, avec les barèmes à l'appui. Il s'exécute alors et nous donne nos 200 dollars par joueur.
CK: Mieux vaut tard que jamais...et la suite ?
SL: Et au retour ce fut le début des problèmes...Il y a avait à l'époque un ministre de sport de Kisangani je crois. Il m'a fait tout un procès comme quoi que je le critiquais partout, je souhaitais le retour de Kibassa à sa place, lui au moins nous favorisait etc...C'est ainsi qu'un jour je fus convoqué à son cabinet. Là il me fit part de tous ses griefs. Alors je lui ai demandé de savoir d'où tenait-il ses informations...il me dira que c'est Mokuna Trouet qui lui racontait tout...
CK: Est ce que Trouet faisait-il partie du staff de Mazembe ?
SL: Oui...c'était l'entraîneur que la Fezafa adjoignait à Mazembe, soit disant pour nous renforcer. Alors j'ai demandé au ministre: moi je parle avec Kalonzo en swahili. Mokuna connait-il le swahili pour comprendre ce qu'on se dit ? Et le ministre me dit que oui, donc Mokuna connaissait le swahili. Alors comme Mokuna Trouet était présent dans le bureau du ministre avec moi et quelques personnes, j'ai parlé au minsitre en swahili. Je lui ai dit de demander à Mokuna de lui traduire ce que je venais de lui dire...Et là, Mokuna me demande de répéter. Ce que je fis. Et le ministre lui demande de traduire ce que je venais de répéter en swahili...Trouet dit: « je n'arrive pas à comprendre ». Alors là, je dis au ministre comment a-t-il pu vous rapporter ce que je me disais avec Kalonzo ? Alors c'est ainsi que le président Kalala a demandé de mettre fin à ces procès. Et pourtant c'était à cause de ces histoires de 200 dollars.
CK: Comment étaient les délégations de Mazembe lors de son déplacement ?
SL: Le chef de délégation, c'était toujours un membre de cabinet du ministre avec quelqu'un de la fédération. Le docteur Mambu venait aussi de la Fezafa.
CK: Et le comité de Mazembe, quel pouvoir avait-il ? Aucun contrôle sur vos frais ?
SL: Le comité de Mazembe n'avait aucun pouvoir. Ils étaient mis de côté pour tout ce qui était matière d'argent. Notre comité ne contrôlait rien.
CK: Et Mazembe fait sa troisième coupe d'Afrique de club champion. Nous sommes en 1969...
SL: Oui. Nous arrivons encore en finale. Cette fois-ci on se retrouve encore avec l'Ashanti Kotoko de Kumasi. Les Ghanéens ont cette fois Robert Mensah comme gardien des buts.
CK: C'est la fameuse finale que TP Mazembe a perdu au stade du 20 mai ?
SL: Oui. On avait fait match nul chez eux, un but partout, but de Kalala. Et ils nous ont battu à Kin par deux buts contre un.
CK: Je me souviens du nom de notre bourreau: Malik Jabir...il y avait aussi un certain Ibrahim Sunday...
SL: Exact. Malik Jabir faisait ailier gauche et Sunday était milieu de terrain.
CK: Le président Mobutu était au stade...il sort et s'en va fâché pour ne pas remettre la coupe aux Ghanéens...Je suppose qu'en tant que vice champion d'Afrique, vous n'avez rien reçu aussi ?
SL: Rien du tout. Aucune reconnaissance.
CK: Vous êtes désignés pour représenter le Congo à l'édition 1970 des clubs africains. C'est votre quatrième campagne d'affilée...
SL: Oui. Nous entamons notre quatrième édition consécutive. Et, cette fois nous atteignons la finale contre le club égyptien d'Ismailia.
CK: Je me rappelle de leur avant centre Ali Abugaisha...
SL: Ils nous ont battu chez eux par 3-1. Et à Kin, on a fait 2-2. C'est ainsi que nous avions perdu cette finale.
CK: La défaite contre Kotoko à Kinshasa, avec le penalty raté par Brinch, est-ce votre plus mauvais souvenir que vous gardez ?
SL: Non. Mon plus mauvais souvenir, c'est notre cinquième finale successive contre le FC Hafia de Conakry.
CK: Racontez nous alors pourquoi...c'est votre mauvais souvenir.
SL: Nous avons balayé tous nos adversaires pour arriver en finale. Mobutu et Sekou Touré étaient devenus très amis.
CK: C'était la belle époque des amitiés zaïro-guinéennes. Avec des promesses de construction de raffinerie de cuivre et de la bauxite au Congo etc...Je me souviens même que notre guide s'était mis d'accord avec son copain Sekou Touré pour faire monter les cours du cuivre et de la bauxite.
SL: Voilà...Alors Sekou Touré devait fêter Nkwame N'krumah. Or cette coupe portait le nom de feu président Nkwame N'krumah. Alors il a demandé à Mobutu de laisser filer cette finale pour qu'il puisse bien faire sa fête. Ils ont mis au point un stratagème consistant à nous faire perdre par forfait.
CK: Nous voulons savoir clairement comment ce plan s'est déroulé alors...
SL: Les Guinéens n'étaient pas sûr de l'emporter contre nous sur terrain. C'est ainsi que le comité de Hafia fit cette demande à leur président Sekou Touré qui s'empressa de faire un arrangement avec le président Mobutu.
CK: Je crois que Mazembe avait remporté le match aller par 3-2...Et Ntumba Pouce était déjà le grand monsieur de l'attaque de TP Mazembe.
SL: Oui, à Lubumbashi, on avait gagné par 3-2. Donc Mobutu a accepté de faire plaisir à son ami Sekou Touré. C'est ainsi qu'il donnera l'ordre à Sampassa Kaweta Milombe d'exécuter ce plan. Sampassa était ministre des sports. Il était personnellement avec nous à Conakry en tant que chef de la délégation zaïroise. Alors nous arrivons à Conakry. Il n'y avait qu'un seul grand hôtel où on logeait les étrangers à Conakry. On descend à cet hôtel. Quelques jours après, on nous démenage de cet hôtel pour nous installer dans un autre plus loin à l'aéroport, en dehors de la ville, à plusieurs kilomètres du stade, alors que le principal hôtel de Conakry est presque à côté du stade où devrait se jouer le match. Tous ceux qui connaissent Conakry en ces années-là savent ce que je dis. Pourquoi nous a-t-on mis en dehors de la ville loin du stade ? C'est simple, les Guinéens se sont rappelés de ce qui s'était passé lors de notre finale contre Etoile Filante de Lomé.
CK: Ah....je suis curieux de savoir la suite...
SL: Lors de cette finale contre Etoile Filante de Lomé, on nous avait logé dans un hôtel pas loin du stade. Les Togolais nous avaient envoyé un bus pour nous emmener au stade. Comme il y avait des fétiches partout dans le bus, nous avions refusé d'y monter. On avait dit au chauffeur: on y va avec vous, votre bus vide et nous, nous allons courir derrière le bus jusqu'au stade. Voilà pourquoi, les Guinéens s'étant rappelés de cet épisode contre Etoile Filante de Lomé, avaient décidé de nous loger à l'extérieur de la ville afin de nous empêcher d'arriver au stade par tous les moyens, même en courant.
CK: Alors comment tout ça s'est transformé en forfait ?
SL: Notre logement à cet hôtel constitue le premier acte. Le deuxième acte, c'est les arbitres. On a fait venir un trio arbitral autre que celui homologué par la CAF. Donc des arbitres non reconnus par la CAF. Lucien Tshimpumpu avait soulevé cette question. Il y a eu une réunion à ce sujet où il fut convenu que dans les 48 heures, il y aura des arbitres homologués par la CAF. Alors, il nous fut dit que si TP Mazembe a des réclamations à faire à ce sujet, qu'il vienne les faire le jour du match. Qu'il consigne ses réclamations sur la feuille du commissaire de match. Alors le dimanche, jour du match arrive. Vidinic vient nous voir à l'hôtel. Il était déjà au courant de la combine entre Mobutu et Sekou Touré. Ils nous demande de mettre nos maillots et d'être prêts pour aller au stade. Nous nous sommes tous préparés. Et aucun bus pour nous emmener au stade...et le temps passe. On téléphone à Sampassa, ministre des sports et chef de la délégation. On lui dit qu'on ne sait pas se rendre au stade par manque de transport. Il répond qu'il était trop occupé. Il était tout simplement à notre ambassade, avec monsieur l'ambassadeur, en train de prendre son whisky...Et nous, nous attendions un bus pour aller au stade, depuis l'extérieur de Conakry !
CK: C'est inconcevable...
SL: Oui, mais c'est la vérité. On avait la radio ouverte. On suivait le reportage à la radio...15h30, 15h45, 16h00...et le reporter guinéen qui continue: Hafia est déjà sur le terrain et Mazembe n'est pas présent...dans 5 minutes, ils auront forfait et Hafia sera qualifié pour le tour suivant. Et nous, nous suivions tout ça à la radio, bien habillés avec nos ballons pour aller au stade. Et toujours pas de bus. Après les cinq minutes, on nous donne forfait...!!! Et à 16h, il y a un match qui commence entre le FC Hafia et la sélection chinoise qui était arrivée à Conakry dans le cadre de la fête de Nkwame N'krumah. On s'est dit mais comment et depuis quand ce match avec les Chinois avait-il été préparé et prévu ? Comment les Guinéens savaient-ils que nous n'allions pas venir au stade pour appeler une autre équipe pour faire le sparring partner ? C'est alors que nous avons commencé à comprendre qu'il y avait quelque chose qui clochait. Donc tout avait été programmé de telle manière que les gens qui avaient payé les billets ne puissent être déçus.
CK: Et la suite ?
SL: Après les 5 minutes et le forfait, on pose la question au commissaire du match: qu'est que vous pensez de l'absence de TP Mazembe au stade ? Il répond: c'est très grave. Même si les arbitres n'étaient pas qualifiés par la CAF, même s'ils avaient raison, ils devraient au moins se présenter sur le terrain et porter réclamation ensuite...Et pourtant, c'est notre propre ministre des sports, qui ne voulait pas nous trouver un moyen de transport pour le stade. Donc Sampassa prenait son verre de whisky tranquillement avec notre ambassadeur chez lui. Ceci suite aux injonctions de son chef, le président Mobutu. Alors après cela, Lucien (Tshimpumpu) est venu nous voir. Alors nous lui avons demandé de savoir comment cela va se passer. Il nous dira de ne pas nous inquiéter, les arbitres n'étant pas reconnu par la CAF, le match sera à rejouer dans les 48 heures. Alors nous sommes restés à attendre à l'hôtel. Le mardi, nous avons vu notre avion de Air Zaïre atterrir. Nous sommes allés voir les pilotes. Nous voulions savoir si c'était en prévision de notre retour. Les pilotes nous diront que non. Ils étaient venus pour le transport retour de notre ballet national qui était à Conakry pour les fêtes de Nkwame N'krumah. Donc le président Mobutu avait même dépêché notre ballet pour dorloter son ami Sekou Touré. Finalement, Sekou Touré décidera que notre ballet doit rester quelques jours supplémentaires. Il remplira l'avion d'Air Zaïre de Jus d'orange et d'ananas pour son ami Mobutu. Et l'avion fit le voyage retour avec cette drôle de cargaison. Le mercredi, je revois encore Lucien. Je lui demande la suite. Il me dira que non, l'affaire se trouve au niveau de la CAF, au Caire. Alors, je m'en vais trouver notre président de TP Mazembe, Mouster. Il me dit qu'il va se rendre au Caire le lendemain pour plaider notre cause. Dans l'entre temps, Vidinic m'appelle pour me dire que nous allons faire deux matchs au Libéria, contre leur sélection et contre le champion local. Ceci en attendant la décision de la CAF. On y va et on gagne ces deux matchs. Et le soir on nous dira qu'on a intercepté un message entre le Caire et Kinshasa. D'après ce message, TP Mazembe a perdu par forfait son match.
CK: Pourquoi dites-vous que c'est Mobutu qui était à la base ? Qui connaissait aussi cette trahison ?
SL: L'entraineur Vidinic était au courant de tout. D'ailleurs c'est lui qui m'a fourni tous les détails de cet épisode. C'est au vu de cette trahison que je prendrai la grave décision d'arrêter avec l'équipe nationale les Léopards bien que j'étais capitaine des Léopards. Je me suis dit: après tant de sacrifices et de privations. J'ai mis ma carrière professionnelle de côté pour le football et je suis payé, en retour en monnaie de singe par des dirigeants et des responsables politiques aussi ingrats !!!
CK: Pour l'adolescent que j'étais à cette époque...votre fin de carrière dans l'équipe nationale fut un mystère pour moi et une énigme car vous étiez à l'apogée de votre carrière...donc, encore une fin tragique d'un joueur de légende...
SL: C'est ça la raison. L'entraineur Vidinic a essayé de me faire revenir sur ma décision mais en vain. Quand les léopards ont joué en Zambie, il m'avait emmené...pour me convaincre de rester, mais je n'ai pas voulu.
Debout de gauche à droite : 1. - 2. - 3.Raymond Goetals - 4.Kalala - 5.Katumba - 6. Ngoie - 7.Kimalwa - 8.Lokondo - 9.Mupikule - 10.Kakoko - 11.Kalambay Otepa - 12.Mbuyi Athéné - 13.Bwatom - 14.Bekao
Balonga - 15. Kibonge- 16.
Accroupis de gauche à droite : 17.Kapata Toyota - 18.Kazadi – 19Tshinabu Brinch -
20.Kembo - 21.Kidumu - 22. Mokili Saío -23. – Mukombo 24. - 25.Alimasi (?) - 26.Saïdi - 27.Bwanga.
Claude Kangudie
A
suivre