Le retour de Dragons aux affaires
Le football de Léo des années 1960 (4ème partie) Année 1964 : Le retour de Dragons aux affaires et la grande envolée de Bana Véa |
Précédée par une tonitruante campagne de presse menée avec pompe par quelques journalistes d’obédience V-Clubienne, l’année 1964 démarra pour les vert-noir sur des chapeaux de
roue. En effet, après avoir frôlé la relégation en 1963, et voulant justifier leur sobriquet de Bana Mbongo, les grands donateurs de ce club ne vont pas lésiner sur les moyens pour assurer une
réhabilitation rapide de leur équipe. Après la traditionnelle réunion de famille tenue chez Mingiedi Mbala, ils entreprirent une grande opération de recrutement à grands frais des nouveaux
joueurs. Avec cette politique de charme opérée en direction de leurs supporters, c’est avec un moral gonflé à bloc que les nouveaux dirigeants vont relancer cette merveilleuse machine confiée
entre les mains expertes de Mfumu Ntaku, de son vrai nom Aponga. Ainsi naquit « l’AS V-Club Nouvelle formule ». Isaac Koko Kizubanata, Eddy Mavomo, Branly Ntukadi, Kitemona Nsilu et
autres Lucien Tshimpumpu vont ainsi consacrés plusieurs articles sur le renouveau de ce club complètement requinqué et qui réussit sans coup férir à changer son look. Avec l’arrivée des joueurs
comme Kibonge dit Gento, Balonga Bekao, Luyeye Commando, Nkoko Biscouri, Limbati Haut Commandement, Musungu, Mange (Général), Bakekole alias Lumumba, Lufutuka Mobylette, Muniangu Petit Vincent,
les dauphins noirs vont sonner l’hallali et confirmer toutes les belles choses qu’on prédisait de cette génération.
Mais au finish, 1964 connaîtra, nous l’avons déjà dit, la consécration des monstres qui réussirent à bâtir à partir des parcs
une machine très redoutable qui remporta de belle manière le titre de la saison. Cette troupes du président Apenela était au propre comme au figuré irrésistible. Elle va devenir la bête noire de
Daring qui va croupir sous son joug durant des longues années. Ce fut une belle revanche pour les Monstres Du Sang et Or qui pouvaient finalement repartir sur des bonnes bases. Mokili Saïo,
transfuge de Malekesa de Kisangani fut le grand artisan de cette réussite. Insaisissable sur le terrain, ce joueur solidement ancré sur ces deux jambes justifia au sein de sa nouvelle équipe
toute la confiance qu’on avait placée en lui depuis les parcs où il avait eu le temps de s’acclimater avec le jeu très endurci de sa nouvelle formation qui disposait d’une défense ressemblant à
un mur en béton. Solidement ancré sur ses deux jambes, Ntinu Saïo, un dribbleur émérite fut sacré le meilleur joueur de la saison. On dirait qu’il fut un véritable poison pour toutes les défenses
des équipes adverses qu’il croisait sur son chemin. Pour neutraliser cet attaquant dont la vélocité n’avait pas de pareil, les entraineurs devait inventer des stratégies pour faire face à ce
monstre sacré. Dans ce registre, seul, le frêle Jacques Bokoko, le latéral gauche du FC Union avait trouvé la faille dans les dribbles de Saïo et savait comment le contenir. Cela lui valut une
année plus tard, son transfert dans Vita Club où il fut utilisé dans le couloir gauche de la défense des vert-noirs.
L’histoire ayant toujours horreur du vide, un nouveau maître va effectuer son apparition sur la scène du football congolais en
1964. A dater de cette année-la, le public sportif kinois va découvrir et s’habituer avec la présence ininterrompue du TP Englebert Mazembe de Lubumbashi « Badianguena ». Cette
formation va effectuer sa remarquable entrée sur la scène sportive congolaise qu’il continue à dominer jusqu’à ce jour, reléguant au second plan le FC Saint Eloi Lupopo, l’équipe qui était
jusque-là, la mieux connue des kinois. Nous avons ainsi fait la connaissance des joueurs pétris de talents tels que : Kalala Mukendi dit Yaoundé, Kazadi le gardien volant et sa doublure Kalambay,
Katumba Bande Rouge, Ngoy, Mwepu, Saïdi alias Suisse, Mulenda, Tshinabu Brinch, Kabeya Tchotcho, Kalonzo, Nyembo alias Toyota, et autres Kapata Dix Sengi et plus tard tous ces joueurs qui
ont toujours fait la fierté de notre pays. Champion du Congo au détriment des Monstres, le TP Englebert soutenu par toutes les équipes de Kinshasa, réalisa un excellent parcours en Coupe
d’Afrique des Clubs Champions (ancienne formule) où il parvint sans coup férir à inscrire son nom dans le palmarès et cercle fermé des Champions d’Afrique des
clubs.
Entretemps à Kinshasa, il a fallu attendre l’année 1965 pour que la joie revienne complètement dans les rangs des V-Clubiens. Bénéficiant cette fois-ci des services de M. Desacres, un entraîneur expatrié qui avait fait auparavant ses preuves dans l’encadrement technique de l’équipe des aviateurs, le FC Mikado, ce technicien débarqua dans l’AS V-club, flanqué de Ezando alias Télévision, son gardien de buts fétiche. Les dirigeants de cette équipe vont continuer leur travail en renforçant leur club avec des nouveaux joueurs aguerris et pétris de talents. Avec l’arrivée du percutant avant centre Jean Kembo que les vert noirs iront chercher à Kisantu dans le Bas Congo au sein du FC Dragons de cette localité, les protégés de Mfumu Ntaku pouvaient enfin respirer, car ils venaient de dénicher l’oiseau rare, juste au moment où ployant sous le poids de l’âge, l’étoile de Luc Mawa commençait à péricliter. Avec Petit Jean « Monsieur But » à la pointe de sa ligne d’attaque, à laquelle il fallait ajouter les précieux renforts de Mavuba, Freddy Mayaula alias Trouet et du virevoltant ailier gauche passe partout Adelard Mayanga « Good Year », venu tout droit de V-Club Dendale et qui fut l’objet d’un troc d’un genre particulier avec Mbungu Tex ancien de Espoir de Léo, le célébrissime Lucien Tshimpumpu baptisa la ligne offensive de V-Club du nom de « l’attaque mitraillette ». C’est cette année qui marqua le retour de Vita Club au sommet du football kinois, après avoir rasé tout sur son passage. Cette équipe va finalement remporter sa première coupe nationale, si je ne me trompe pas, au prix de mille intrigues dans la fournaise de Bukavu en 1967, après la foire de Kisangani qui démontra l’incapacité teinté d’un sentimentalisme outré des dirigeants de la FECOFA. Les anciens savent comment les choses se sont passées au cours de cette phase finale de la honte. On n’y reviendra pas.
Entretemps, le Président Bila Bilaf qui avait succédé à la tête de Daring avait réussi à dribbler les Monstres sur le marché de transfert en arrachant in extremis la signature de
Raoul Kidumu, transfuge des Diables Rouges de Thysville. Effectivement, le transfert de cette perle ngunguoise a fait couler beaucoup d’encres et de salives dans les milieux sportifs. Durant
plusieurs semaines, le feuilleton de Raoul va dominer la Une de la presse écrite, jusqu’à la disparition tragique du chauffeur M. Makombo Majos, 1er Vice Président de Dragons,
spécialement envoyé à Thysville pour aller récupérer ce joueur. C’est Papa Weregemere, l’un des directeurs de l’Otraco de l’époque qui était en même temps, membre influent du Comité sportif des
vert et blanc, qui réussit à mettre fin à la récréation. Il intima l’ordre aux dirigeants des Diables Rouges de Thysville, club sponsorisé par son entreprise de libérer et de signer sans
tergiverser le transfert de ce joueur d’exception dans le FC Daring. Kidumu fut un joueur racé, un specimen rare qu’on ne trouve pas dans tous les coins de la rue. Il réalisa au sein de sa
nouvelle formation des choses incroyables. Les vert-noir garderont toujours des mauvais souvenirs de cet attaquant qui en a fait voir de toutes les couleurs aux défenseurs de leur équipe.
Toujours au sujet de Kidumu, il réussit sans coup férir de marquer en compagnie de Manu Kakoko « Dieu de Ballon » (transfuge de Racing de Matete), les esprits de tous les imaniens.
Ensemble, Ils sont parvenus de manière spectaculaire sous la direction du Président Jonas Mukamba alias Sukisa à rompre la tradition qui liait leur équipe au FC Dragons. Sans nul doute, c’est
l’un des meilleurs duos d’attaquants évoluant au sein d’une même formation qu’on a connu. Leur complicité s’est poursuivie au sein des Léopards, notre équipe nationale qu’ils n’ont pas tardé de
rejoindre. Dans la promotion dirigée par Vidinic, ils ont donné le meilleur d’eux-mêmes, jusqu’à devenir deux des pions majeurs incontournables de cette sélection. Les amoureux du ballon rond se
souviendront toujours de cette sélection qui comptait dans sa ligne d’attaque, deux attaquants gauchers. Alors qu’auparavant, Adelard Mayanga et Kakoko étaient alignés à l’aile gauche dans leurs
clubs respectifs, ces deux joueurs unijambistes ont fait sensation en occupant à tour de rôle les deux ailes du terrain, désarçonnant ainsi le plus souvent leurs adversaires, appelés à se
réadapter à la technicité de chacun de ses ailiers. C’est cela la touche des grands joueurs et des grands entraineurs qui savent trouver des solutions aux problèmes auxquels ils sont
confrontés.
Kidumu, Kakoko et Mayanga sont parmi ces grands footballeurs de légende qui ont joué un rôle majeur dans les années 60 et ont dominé de leurs empreintes personnelles la première partie des années 70. Leurs prouesses et exploits resteront à jamais dans nos cœurs. Nous pouvons aussi affirmer sans peur d’être contredit, à la nouvelle génération, que la décennie 60 fut très florissante. Elle correspond à l’âge d’or de notre football qui rasait tout sur son passage. A l’instar de notre économie qui était très prospère, le football congolais régnait sans partage en Afrique Centrale. C’est sans surprise que nous avions remporté les premiers Jeux de Tropiques organisé en 1963 à Dakar au Sénégal. Notre équipe nationale eut aussi le bonheur d’effectuer en 1965 une véritable promenade de santé aux Premiers Jeux africains de Brazzaville où Les Lions avec l’avant centre Luc Mawa eurent le toupet de ridiculiser certains pays de l’Afrique centrale (Tchad, République Centrafricaine et Gabon) avec des scores qui avoisinaient la vingtaine de buts. Seul le Cameroun s’en tira avec une défaite honorable sur le score de 3 buts à 0. Mais comme chaque chose a une fin, c’est toujours en 1966 que notre équipe nationale connaîtra sa première véritable débâcle de son histoire devant les Blacks Stars du Ghana conduits de main de maître par Mensah, Osseï Koffi, Mfum, et autres Kwamenti. Comble de malheur, ce match fut joué en présence du Président Joseph Désiré Mobutu. Les Etoiles Noires du Ghana dans un jour du tonnerre offrirent ce jour-là un spectacle de football inoubliable et parvinrent à tourner en dérision notre équipe nationale. Le Maréchal Mobutu dont on connaissait la fierté et ne badinait pas avec tout ce qui touchait au prestige de son pays décréta la dissolution de notre équipe nationale et dans la foulée décida le rapatriement de tous les joueurs professionnels congolais évoluant en Belgique. À l’exception d’Erumba « Mocassin Noir » qui résista à cet appel, tous les joueurs communément appelés Belgicains rentrèrent au pays où ils eurent le bonheur de renforcer leurs équipes d’origine. Entretemps, la plupart des joueurs qui avaient fourbi leurs premières armes au Katanga optèrent pour le FC Daring. Une nouvelle équipe nationale fut mise en place sous la direction de l’entraîneur Csanadi qui sera plus tard remplacé M. Mori avant l’arrivée du Yougoslave Blagoje Vidinic. Ainsi naquirent nos Léopards, une équipe tenue sous les fonds baptismaux par Mobutu Sese Seko, le grand Léopard lui-même. Celui-ci ne badina pas avec les moyens. Après avoir pris notre revanche sur les mêmes ghanéens sur le score de 2 buts à 0, dans le même antre du Stade Tata Raphaël, nous avons vu défiler plusieurs équipes de renommée mondiale dans notre mythique stade de Kinshasa. Nous comptons parmi les rares privilégiés qui ont vu jouer le Santos FC du Brésil avec son Roi Pélé au stade du 20 Mai. D’autres autres grandes formations européennes de grande renommée telles que le SCO d’Angers, Portuguesa de Rio, se sont cassés les dents devant nos Léopards. C’est l’époque où nous ne jurions que sur le « makambo ya mabele ». Qui peut nous contredire si nous affirmons que cette politique fut très avantageuse et profitable à nos équipes et à nos joueurs, car au contact avec l’extérieur, ils avaient réussi à s’aguerrir et à acquérir une expérience des rencontres de haut niveau. Ainsi, au niveau de l’équipe nationale, il existait déjà une ossature de base composée des joueurs qui se connaissaient bien et de ce fait, avaient réussi à créer des automatismes dans leur jeu. En outre, la symbiose entre Belgicains et Locaux était assurée par des entraineurs de très grande notoriété installés au pays et vivait au quotidien, les réalités de notre football. Les bons résultats n’ont pas tardé. Aussi, revigorés par le sang neuf apporté par des joueurs aussi doués et expérimentés tels que Muana Kassongo, Kabamba « Serpent de Rail », Mutshimuana, Freddy Mulongo, Muwawa Pélé, Mayama Braine, Bonga Bonga, etc… coup sur coup, Les Léopards vont redevenir Maître en Afrique avec leurs sacres en 1968 et en 1974. Ils entreront aussi dans l’histoire pour avoir été la première équipe de l’Afrique Sud-Saharienne qui a participé à une Coupe du Monde de Football. C’était toujours en 1974 à Gelsenkirchen en Allemagne. Rideau !!!
Prochainement : « LE MOT DE LA FIN »
Jean KOKE MIEZI