La Vie et l'œuvre de Marcel Kuyena Muzita
La Vie et l'œuvre de Marcel Kuyena Muzita
Marcel Kuyena Muzita Banzadio est un griot congolo-congolais né le 24 avril 1942 à Luozi dans une famille protestante. Il est le fils de Esaïe Kuyena Fwawatondo, ancien sénateur de l’Abako. Lorsqu’il se retire de la politique active, papa Kuyena s’occupe de ses affaires. Il est propriétaire de l’imprimerie Eku à Ndolo et fondateur de l’orchestre protestant du même nom. Sa mère fait partie d’une chorale évangélique qui est passée à la télé lors des obsèques de Mama Sese. Marcel Kuyena découvre la musique très jeune . Il n’aime vraiment pas l’école et sèche souvent les cours. Il finit même par interrompre ses études secondaires pour faire la chanson. La furie de son père ne se fait pas attendre. En représailles, il l’envoie en Israël dès l’accession du pays à l’indépendance pour l’éloigner de ce virus musical qui le ronge. Entre 1960 et 1963, il y poursuit ses études secondaires en se spécialisant dans la soudure et l’ajustage des structures. Même dans ce pays lointain, Marcel Kuyena chante, joue de la guitare, apprend le saxo et fonde l’orchestre ORT Jazz. Selon ses propres dires lors de son passage à l’émission « Nostalgie » de Radio Congo (Brazza), il affirme avoir aussi travailler à la Marsavco et dans une raffinerie de Léopoldville. Est-il entré dans le monde du travail après son départ pour le Moyen-Orient ? La question reste posée.
Son diplôme d’ouvrier qualifié en poche, Kuyena rentre au pays après trois années passées en Israël et retrouve aussitôt son premier amour : la musique. Il débute sa carrière par le gospel contre l’avis de son père. Il chante souvent en kikongo du Manianga. Accompagné par la choriste Sophie Layla, la chanson Beto bantu babo le fait connaître du public en 1968. Puis peu en peu, il s’éloigne du spirituals pour devenir ce griot qui chante et joue de la guitare à la fois. En 1974, il participe au festival d’Avignon en France. Il inonde le marché du disque par des chansons qui font mouche et qui passent en boucle à la radio et à la télé. Il se produit dans des salles combles. Certaines de ses œuvres parlent du Saint-Esprit ou font référence à Dieu comme dans Nsilu yena yeto ou Noël; d’autres par contre abordent le thème de la tristesse notamment Kimumbu. Il ne chante pas l’amour tel qu’abordé par la majorité de nos artistes-musiciens. La chanson Ya Luvuezo est composée par Kuyena alors qu’il est en Europe. La triste nouvelle de l’assassinat de Ferdinand Luvuezo, ce grand ami de son père, le bouleverse. Il chante l’amertume dans la voix, le cœur serré, l’âme blessée. Mais pourquoi ce père de famille tranquille fut-il tué ? Le drame survient lorsque que son fils rend enceinte la belle-sœur d’un officier des FAZ. En réalité cette fille qui vit chez sa grande-sœur est aussi l’amante de son beau-frère d’officier. Jaloux, furieux et pour se venger, il envoie des militaires pour assassiner ce garçon qui a osé lui ravir sa moitié. Arrivée nuitamment sur place pour accomplir leur sale besogne, c’est sur papa Luvuezo qu’ils tirent. Celui-ci ayant entendu des bruits et croyant à l’intrusion des voleurs dans la parcelle se précipite dehors. Les soldats le blessent mortellement. Ces hommes en armes ont-ils cru avoir abattu celui qu’ils sont venus cherchés ? Difficile à le dire. Il paraît que l’officier qui a commandité ce meurtre est mort dans des conditions difficiles et dans le dénuement le plus total. Au moment des faits, Kuyena n’assiste pas aux obsèques car il est à l’étranger. Dans son hommage au défunt, l’artiste demande au Saint-Esprit d’adoucir leur douleur.
Quelques années plus tard, Kuyena annonce sa retraite artistique alors qu’il est au sommet de sa gloire. Le dernier spectacle a lieu au ciné Palladium plein à craquer. Plusieurs artistes sont de la partie pour le voir une dernière fois à l’œuvre. Présent, Mayaula Mayoni verse des larmes de tristesse de le voir partir. Mais coup de théâtre à la fin de la représentation, le public est surpris par la pancarte qu’on lui montre et sur lequel il est écrit: « Kuyena ne part pas ». Ouf, on respire car ce n’est qu’un faux départ. Mais vite l’artiste tombe dans l’oubli et cumule les malheurs. C’est non seulement la traversée du désert mais une véritable descente aux enfers. Malade, presqu’abandonné, il fait la ronde de Kinshasa avec sa guitare sèche pour faire la manche comme l’avait fait un autre grand artiste en perdition: Emile Soki Dianzenza.
Oublié, Kuyena disparaît de Kinshasa, traverse clandestinement le pool pour se refugier de l’autre côté du fleuve à Brazzaville où il demande et obtient l’asile politique. Détenteur aujourd’hui d’un passeport du Congo Brazza et ayant devant le magistrat prêté serment de fidélité à la République du Congo Brazzaville, l’artiste est depuis devenu Marcel Kouyena Mouzita. Il produit ses chansons lui-même grâce à la maison Kouyena Music Production qu’il a créée. De Brazza la verte où il a élu domicile, il a composé plusieurs titres entre autreYoulangeno zimbouta, Mamona mboua, Tata Pasteur dans lequel il pourfend les hommes de Dieu. Mais il chante aussi en lingala comme dans Ba mama bolamuka ou dans Mobali ya mbongo où il utilise le mot « chéri » qui n’est pas familier dans son vocabulaire musical. Il n’oublie pas non plus le lieu de sa naissance dans Luozi ma terre natale; rend hommage à Kabasele dans Grand Kallé Jeefet au héros national dans Eméry Patrice Lumumba. Il dédie aussi un titre à son pays natal : Nzambe benisa RDC. Il voyage beaucoup et se produit aussi en Israël. Dans Yirushalaïm Eifo ghaverim sheli, chanté en hébreu, il rend hommage à tous les leaders israéliens. En 2004, sous le patronage de Verckys Kiamuanga alors président de l’Umuco, Kuyena organise dans la commune de Kintambo où il a grandi un concours dénommée Concours « Griot en herbe Kuyena Muzita » pour pérenniser cet art. Il est co-fondateur de Diub Shalom qui regroupe les anciens stagiaires et étudiants congolais d’Israël. En avril 2012, Kuyena participe aux côtés des autres artistes congolais aux obsèques de Vieux Mound, entendez Antoine Moundanda.
Samuel Malonga
Ya Luvuezo, par Kuyena
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