LA GENESE DES EDITIONS MUSICALES
LA GENESE DES EDITIONS MUSICALES
AU CONGO AVANT L’INDEPANCE EN 1960
(Contrats – Rémunérations – Droits d’auteurs….)
Depuis 1947, année de l’installation de la première firme de production musicale à Léopoldville et pendant toute la période qui a suivi, jusqu’en 1960 année de l’indépendance du Congo.- Léopoldville capitale du Congo belge (aujourd’hui Kinshasa – RDC) a constitué le point de convergence de toutes les industries phonographiques en Afrique centrale. Luanda, Brazzaville, Bangui, Fort-Lamy (Ndjamena), Libreville et Douala (particulièrement) se sont trouvés devant un seul point de mire : Léopoldville où les musiciens talentueux allaient réaliser des enregistrements dont la galvanoplastie et le pressage s’effectuaient à Bruxelles (Belgique.
Néanmoins si à Brazzaville et à Luanda, les musiciens ne rencontraient aucune difficulté pour s’y rendre nombreux à Léopoldville, il n’en était pas de même pour les musiciens des autres capitales de l’Afrique centrale, pour lesquels l’éditeur effectuait régulièrement des campagnes de récolte, d’enregistrements primaires, pour les acheminées sur Kinshasa. Particulièrement les éditions NGOMA qui disposaient des antennes commerciales dans plusieurs villes.
I - LES EDITIONS MUSICALES
1947- nous rappelle la création de la première maison de disque au Congo : Les éditions OLYMPIA gérées par un retraité de l’armée belge : Mr. PATOU.
La firme OLYMPIA produit pour la première fois le romantique Souleymane MANOKA « De Saio », vedette du « parc de book » qui soumet son inspiration à l’expression des sentiments personnels.
1948 – c’est le grec Nico JERONIMIDIS qui installe la plus importante édition musicale : La firme NGOMA dont se sont révélés les meilleurs folklores africains, avant d’accéder à la musique congolaise moderne. La célèbre chanson « Marie Louise » exécutée par les patriarches Antoine WENDO et Henri BOWANE symbolise la maturité de l’identité culturelle bantoue.
1950 – l’appellation « KINA » au début, puis « OPIKA » par la suite est le nom définitif retenu pour la firme musicale créée par les frères belges (d’origine juive) MOUSSA BENATAR. Cette firme à eu le mérite d’avoir géré la toute première grande formation de musique moderne à Kinshasa : L’AFRICAN JAZZ. de Joseph KABASELLE.
1950 – Ce sont deux frères grecs, Basile et Athanase PAPADIMITRIOU qui donnent naissance aux éditions LONINGISA qui regorgeaient de plus grands
nombre de musiciens talentueux des deux Congo. La composition du plus grand groupe de l’écurie : l’OK JAZZ, dirigé dès sa naissance par Jean Serge ESSOUS puis par LUAMBO Franco, sa plus grande vedette, est demeuré l’expression de la solidarité entre les deux Congo.
1953 – C’est à Mr. Guillaume Bill ALEXANDRE, de nationalité belge que l’on doit la création de la firme CEFA (compagnie d’enregistrement du folklore africain). Grand guitariste de renom, Bill ALEXANDRE est le premier musicien à avoir introduit la guitare électrique au Congo. De même qu’il a sorti de l’ombre
Les toutes premières vedettes se la firme : Roger IZEIDI, Victor LONGOMBA, Augustin MONIANIA « Roitelet » François EGWONDU « Franco ». et Paul KOSSI « BEMI » Antoine ARMANDO « Brazos », Gui Léon FYLLA et Marcelle EBIBI.
1956 - Mr Dino ANTONOPOULOS est cet autre grec qui a créé les éditions ESENGO, sur les cendres de la maison OPIKA qui a cessé d’exister en 1955. Comme dans presque toutes les éditions musicales où il est passé (Ngoma et Loningisa) Henri BOWANE a réalisé dans cette firme un travail extraordinaire. Il a particulière constitué avec ESSOUS, MALAPET, KABASELLE, LANDO « Rossignol » la charnière rythmique « Rumba-Rock » inamovible. Le succès du Rock-A-Mambo de Nino MALAPET, le Conga Jazz de Paul EBENGO « De Wayon » et l’African Jazz de Joseph KABASELLE a été monstrueux.
II – ADHESIONS & CONTRATS –
Pendant toute la première période de 1947 à 1953, les musiciens qui adhéraient à l’une des éditions précitées, pour y effectuer des enregistrements sur disque,
se devaient de souscrire aux exigences suivantes :
1) - Adhésion légalisée par la signature d’un contrat exclusif et limitatif (5 à 10 ans) soumis à l’appréciation de l’autorité coloniale belge de l’administration du territoire, (instance juridique)
2) – Statut du musicien :
a) – INTERPRETE, fournisseur plus ou moins ponctuel des morceaux à
enregistrer, dont il est auteur- compositeur.
b) – INTERPRETE et EXECUTANT (musicien talentueux assigné au travail en studio pour l’accompagnement des musiciens individuels ou des groupes)
3) – Rémunération : (variable d’une édition à une autre)
a) - Royalties : - sur chaque disque commercialisé (%)
b) – Cachets, Primes (d’accompagnement, ou droits mécaniques (au
profit des musiciens accompagnateurs en studio ou groupes extérieurs)
c) – Avantages sur les rémunérations : Obtention à crédit du matériel ou immobilier : Vélo, Motocyclette, Voiture, frigo....et particulièrement, Maison. On se souvient des maisons construites par l’ONL (Office national de logement) dans les quartiers YOLO-Nord et YOLO-Sud, attribuées à des musiciens et qui sont demeurées leur propriété après le remboursement du crédit.
III- DROITS D’AUTEURS
Durant toute la période allant de 1947 à 1953, les droits d’auteurs étaient inexistants, voire méconnus. Aussi les éditeurs grecs ne voulaient pas entendre parler. Mais, pour combien de temps ?
IV – S A B A M (Société belge des auteurs et des compositeurs)
La forte présence des producteurs musicaux étrangers à Kinshasa, lesquels contribuent efficacement au rayonnement de la musique congolaise au de-là des frontières du Congo, ne pouvait plus rester longtemps indifférent de la SABAM, qui malheureusement à accuser beaucoup de retard pour s’y installer.
1953 – LA SABAM s’installe à Léopoldville (Kinshasa)
Au cours de l’année, 1953, la SABAM s’installe à Kinshasa. Elle a juridiction sur le Congo, le Rwanda et Urundi. Son bureau est composé :
- d’un directeur d’agence : Jean COURTAIN
- d’un secrétaire Sténo-dactylo : Joseph KABASELLE
- et des collaborateurs.
La mission du bureau consiste à percevoir les droits d’auteurs et à les repartir
auprès des auteurs et des compositeurs. Il dispose de deux services : le premier chargé de la perception et l’autre de la répartition.
Outre la bureautique, il est confié à Joseph KABASELLE la mission de sensibiliser les musiciens congolais pour les persuader à adhérer à la SABAM. Il va associer Augustin MONIANIA « Roitelet » pour l’accomplissement de cette tâche qui s’avère très difficile.
En effet, les éditeurs grecs ne veulent pas jouer le jeu. Ils incitent les musiciens à ne pas adhérer à la SABAM, à l’exception de l’éditeur belge Bill ALEXANDRE qui a autorisé ses têtes d’affiches : Roger IZEIDI, Armand ANTOINE « Brazos » Vicky LONGOMBA, Paul KOSSI « BEMI » Augustin MONIANIA « Roitelet » et autres sociétaires.
1953 - Augustin MONIANIA « Roitelet » à la tête du mouvement
d’adhésion à la SABAM
MONIANIA « Roitelet » prend le travail d’adhésion à bras le corps, et incite les musiciens à le suivre. Il réussi la venue d’Antoine MOUNDANDA qui sera suivi par plusieurs musiciens des éditions NGOMA. A la fin de la première campagne de répartition qui a suivi la perception des droits auprès des utilisateurs de la musique au Congo, (bars, restaurants, cinémas, hôtels, etc...) les sommes perçues par les adhérents à la SABAM se passent de commentaires pour l’importance des sommes versées ; très loin de qu’ils
gagnent habituellement à titre de royalties auprès de leurs éditeurs. Ils vont manifester leur joie dans les principales avenues de Léopoldville à l’intérieur des taxis loués en conséquence. La grogne – il fallait s’y attendre - est montée d’un cran chez les musiciens à qui l’adhésion à la SABAM a été refusée. Tout comme les éditeurs sont inquiets de voir leurs sociétaires accumulés autant d’argent (Royalties et droits d’auteurs). La présence de la SABAM à Kinshasa est également un motif d’inquiétudes, pour les droits et taxes auxquels les éditeurs sont soumis.
1955 – Le mouvement engagé par MONIANIA et les musiciens affiliés à la SABAM fait des émules, au point où pour calmer le jeu, la firme OPIKA, recommande à ses musiciens d’adhérer effectivement à la SABAM, mais en
lui cédant tous leurs droits d’auteurs et royalties contre le payement des salaires mensuels suffisamment consistants. Ce procédé va fonctionner pendant un moment mais sera dénoncé plus tard par le Syndicat des artistes, car la proposition, non seulement pénalise les bons compositeurs, (le droit d’auteur est individuel), mais s’avère illégale.
1956 - Augustin MONIANIA « Roitelet » le tombeur des éditions
LONINGISA
MONIANIA « Roitelet » est le premier musicien congolais à décréter une grève
(Mouvement syndical) de grand ampleur au sein d’une firme musicale à Kinshasa, en l’occurrence les éditions LONINGISA, précisément pour le refus
d’adhésion à la SABAM et pour l’obtention des meilleures conditions de vie des musiciens. Cette grève qui est bien suivie tombe très mal, pour l’importance des enregistrements prévus ce jour et pour lesquels LUAMBO Franco avait aligné ses grands succès.
La plainte de l’éditeur Basile PAPADIMITRIOU auprès de l’administrateur belge du territoire, Mr CAPELLE, pour non respect du contrat ne s’est pas fait attendre. Les meneurs MONIANIA « Roitelet », Nino MALAPET, LUAMBO Franco, PANDI, EBENGO « De Wayon », ESSOUS et le saxophoniste belge, HENRIOT (qui a soutenu le mouvement) sont traduits manu militari devant la juridiction de Mr. CAPELLE. (Actuelle stade des martyrs – pont Cabu).
La rencontre qui a permis aux musiciens d’étaler tous les griefs commis par l’éditeur, va renvoyer dos à dos les deux protagonistes. L’administrateur donne raisons aux musiciens pour l’ensemble de leurs revendications, mais désapprouve l’ordre de grève. Il préconise le dialogue et plaide pour les bonnes méthodes de travail et de gestion. Tout va rentrer dans l’ordre, au point où l’éditeur grec se voit obliger de revoir à la hausse le montant des cachets et primes, avant de donner feu vert à ses musiciens d’adhérer à la SABAM.
V - 1956 - Création de SAMUCO (Syndicat des artistes et musiciens
Congolais)
1956 - Tirant les leçons de nombreux problèmes rencontrés au sein des
Editions musicales, Le noyau dirigeant qui a mené la lutte contre l’éditeur grec, Basile PAPADIMITRIOU et qui a fait ses preuves au cours de ce conflit, décide de mettre en place un syndicat pour la défense des intérêts des artistes musiciens congolais, en sigle ; SAMUCO, présidé par Augustin MONIANIA
« Roitelet. »
1958 – Rencontre délégués SAMUCO et Mr CORNELIS
1958, le bureau de SAMUCO engage la première démarche de ses contacts auprès des autorités belges. Deux délégués : MONIANIA « Roitelet » et Paul MWANGA sont désignés pour rencontrer Mr CORNELIS, Gouverneur général du Congo belge et du Rwanda Urundi pour obtenir l’annulation de tous les contrats décennaux que les musiciens congolais ont signés avec les éditeurs de musiques installés à Kinshasa.
L’avis de principe de procéder à la rupture des contrats décennaux est accepté par le gouverneur général, mais préconise une marge de trois ans, pour prendre effet en 1960 (c’était sans compter sur l’éventualité de l’indépendance,
du Congo en 1960) Effectivement, aussitôt après l’accession du Congo à l’Indépendance, la démarche du syndicat avec l’appui personnel de LUAMBO Franco va s’orienter vers le ministre congolais des affaires étrangères Justin BOBONKO qui pèsera de tout son poids pour obtenir des éditeurs grecs , l’annulation de tous les contrats décennaux signés avec les musiciens congolais.
VI - 1960 – Création des premières éditions musicales congolaises
La résiliation de tous les contrats d’exclusivité qui constitue une grande victoire, va ouvrir la voie aux congolais qui désirent créer leurs propres maisons de disques. Le chanteur Joseph KABASELLE est le premier musicien
à créer sa propre firme musicale : SURBOUM AFRICAN JAZZ grâce au
financement du promoteur de musique ECODIS, du groupe DECCA et
FONIOR, qu’il inaugure à Bruxelles au cours de sa participation à la Table Ronde belgo-congolaise, sur l’indépendance du Congo.
Joseph KABASELLE met à profit son séjour à Bruxelles pour enregistrer plusieurs morceaux avec l’accompagnement du musicien camerounais Manu DIBANGO. L’émergence de SURBOUM AFRICAN JAZZ lui donne l’occasion d’éditer plusieurs autres orchestres, dont l’OK JAZZ en 1961 au cours de son voyage à Bruxelles pour le compte de «Surboum African Jazz ». L’OK JAZZ enregistre pour KALLE des titres à succès de la série : « Amida muziki ya OK » « Nabanzi Zozo », « Maria de mi vida », « Motema ya fafa », etc. Le fruit de la vente de ces disques a permis à l’OK JAZZ de se doter d’un bel équipement de
Musique.
Dès lors vont se multiplier plusieurs éditions de musique, tenues soit par des musiciens, soit par des particuliers, telles :
« Epanza makita », « Populaires », « Veve », « La musette », « ISA », « Vita », « Londende », « Maquis », « Parions », « Mamaky », « « « Boboto », « Super contact » et tant d’autres.
VII - LA DEFENSE DES INTERETS
Le processus de la lutte pour la défense des intérêts des musiciens congolais a traversé plusieurs étapes, dont pour l’essentiel, SAMUCO (Syndicat des artistes musiciens congolais) - SYNAMCO (Syndicat national des artistes et musiciens congolais), longtemps présidé par Augustin MONIANIA « Roitelet », UMUZA (union des musiciens zarois), l’UMUCO (union des musiciens congolais) qui a connu plusieurs présidents, parmi lesquels, Vicky LONGOMBA, KIAMUANGANA « Verkys » qui pendant longtemps à incarné cette lutte. AMCB (Association des musiciens congolais de Belgique), RAMUC (Rassemblement des artistes musiciens congolais), c’est le dernier né, non content d’UMUCO pour sa léthargie…
Citons, enfin SONECA (Société nationale des éditeurs et auteurs) qui constitue le goulot d’étranglement et aussi bien le Fond de la promotion culturelle, dont nombreux sont ceux qui aimerais connaître le fonctionnement.
Quoi qu’il en soit, la lutte des musiciens pour la promotion de la musique congolaise, les conditions de vie de l’artiste, le potentiel technique pour leur permettre d’exploiter largement et intelligemment toutes les cordonnées du métier constituent encore une tâche de longue haleine. Ce qu’il faut faire également pendant cette période d’émulation entre diverses musiques du continent, des Antilles et d’ailleurs, c’est un réexamen de la situation approfondie de notre musique, qui porterait aussi bien sur le fond, que sur l’organisation technique, de la conception rythmique, de la maîtrise des instruments, particulièrement les cuivres lesquels n’ont pas favorisé l’évolution parfaite de notre musique, ces trois dernières décennies.
Clément OSSINONDE
Clement.ossinonde@sfr.fr
Les éditions NGOMA, LONINGISA, ESENGO
Jean Serge ESSOUS