L'Armée prit le pouvoir...pour cinq ans
Le 24 novembre 1965, Mobutu venait de faire son deuxième et coup d’Etat. A la différence de son premier coup de force au cours duquel il avait le 14 septembre 1961 momentanément neutralisé le président sans pour autant le destituer, cette fois-ci il prit lui-même les rênes du pouvoir avec le concours de son armée. Officiellement pour cinq ans. Ce fut une sorte de révolution de palais. La chute du président Kasa-Vubu s’est faite en douceur, sans brutalité, sans effusion de sang. Le commandant en chef de l’ANC venait de s’arroger une nouvelle fonction et vêtir sa nouvelle casaque de Chef d’Etat. Il était désormais le seul maître à bord du navire RDC. Ses 14 compagnons d’armes qui l’ont placé à la tête du pays feront plus tard parti de l’Ordre des Compagnons de la révolution. Le nouveau régime venait de naître.
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Samuel Malonga
Proclamation du Haut commandement militaire des forces
Armées
(24 novembre 1965)
A L'invitation du Lieutenant général Mobutu, Commandant en Chef de l'Armée Nationale Congolaise, les autorités supérieures de l'Armée se sont réunies le 24 novembre 1965, en sa résidence. Ils ont fait un tour d'horizon de la situation politique et militaire dans le pays. Ils ont constaté que, si la situation militaire était satisfaisante, la faillite était complète dans le domaine politique. Dès l'accession du pays à l'indépendance, l'Armée Nationale Congolaise n'a jamais ménagé ses efforts désintéressés pour assurer un sort meilleur à la population. Les dirigeants politiques, par contre, se sont cantonnés dans une lutte stérile pour accéder au pouvoir sans aucune considération pour le bien-être des citoyens de ce pays. Depuis plus d'un an, l'Armée Nationale Congolaise a lutté contre la rébellion qui, à un moment donné, a occupé près des deux tiers du territoire de la République. Alors qu'elle est presque vaincue, le Haut Commandement de l'Armée constate avec regret qu'aucun effort n'a été fait du côté des autorités politiques pour en venir en aide aux populations éprouvées qui sortent maintenant en niasse de la brousse, en faisant confiance à l'Armée Nationale Congolaise. La course au pouvoir des politiciens risquant à nouveau de faire couler le sang congolais, les autorités supérieures de l'Armée réunies ce mercredi 24 novembre de 1965 autour de leur Commandant en Chef ont pris, en considération de ce qui précède, les graves décisions suivantes:
1. Monsieur Joseph Kasa-Vubu est destitué de ses fonctions de Président de la République.
2. Monsieur Évariste Kimba, député national, est déchargé de ses fonctions de formateur du Gouvernement.
3. Le Lieutenant général Joseph Désiré Mobutu assurera les prérogatives constitutionnelles du Chef de l'État.
4. Les institutions démocratiques de la République, telles qu'elles sont prévues par la Constitution du 1er août 1964, continueront à fonctionner et à siéger en exerçant leurs prérogatives. Tel est notamment le cas de la Chambre des députés, du sénat et des institutions provinciales.
5. La République Démocratique du Congo proclame son adhésion à la Charte de l'Organisation des Nations Unies et de l'organisation de l'Unité africaine.
6. Tous les accords conclus jusqu'ici avec les pays amis seront respectés.
7. Sauf si le Parlement en décide autrement, les accords concernant l'adhésion de la République démocratique du Congo à la Charte de l'organisation commune africaine et malgache seront respectés.
8. La politique internationale du Congo, pays africain, sera inspirée par les intérêts du continent africain tout entière. Dans cet ordre d'idées, la politique d'entente entre le Congo et les pays africains sera poursuivie et continue.
9. Aucune ingérence dans les affaires intérieures de l'État, de quelque nature que ce soit, ne sera tolérée.
10. Toutes les mesures d'interdiction qui ont frappé dernièrement certaines publications tant congolaises qu'étrangères sont levées à partir de ce jour. Le Haut Commandement de l'Armée Nationale Congolaise invite les propriétaires des publications dont les installations ont été saccagées à se présenter au quartier général en vue d'obtenir les dédommagements des dégâts causés par certains éléments irresponsables.
11. Les droits et les libertés garantis par la Constitution du 1er août 1964, tells que prévus dans ses articles 24, 25, 26, 27 et 28, seront respectés. Il en est notamment ainsi de la liberté de pensée, de conscience, de religion, d'expression, de presse, de réunion et d'association.
12. L'Armée Nationale Congolaise s'étant tenue en dehors et au-dessus des activités politiques, tous les détenus politiques seront libérés. Cette décision ne s'applique pas aux membres des bandes insurrectionnelles ayant commis une atteinte à la sûreté intérieure de l'État.
13. Il n'est point besoin de préciser que l'Armée Nationale Congolaise, gardienne de la sécurité des biens et des personnes, tant congolaises qu'étrangères, continuera à la garantir.
En prenant ces graves décisions, le Haut Commandement de l'Armée Nationale Congolaise espère que le Peuple congolais lui en sera reconnaissant, car son seul but est de lui assurer la paix, le calme, la tranquillité et la prospérité qui lui ont fait si cruellement défaut depuis l'accession du pays à l'indépendance. Le Haut Commandement de l'Armée Nationale Congolaise demande à tous les Congolais de lui faire confiance. Il demande également que le fonctionnement régulier des institutions, de l'administration et de l'économie du pays soit assuré par la présence de tous sur le lieu de leur travail.
Le lieutenant général Joseph Désiré Mobutu, assumant les prérogatives de Président de la République, prend les décisions suivantes :
1. Le colonel Léonard Mulamba assumera les fonctions de Premier ministre;
2. Le Colonel Léonard Mulamba est chargé de former un gouvernement représentatif d'union nationale dont fera partie au moins un membre de chacune des vingt et une provinces de la République Démocratique du Congo et de la ville de Léopoldville;
3. Pendant toute la durée durant laquelle le lieutenant général Mobutu exercera les prérogatives de Président de la république, le Général Major Louis Bobozo remplira les fonctions de commandant en chef de l'Armée nationale Congolaise.
Fait à Léopoldville, le 24 novembre 1965.
Signé :
Lieutenant général Joseph-Désiré MOBUTU
Lieutenant-colonel J. TSHATSHI
Lieutenant-colonel A. SINGA
Lieutenant-colonel A. TUKUZU
Lieutenant-colonel F. MALILA
Lieutenant-colonel P.-N. INGILA
Lieutenant-colonel A. MONYANGO
Lieutenant -colonel I. BASUKI
Général Major Louis BOBOZO
Colonel L. MASIALA
Colonel D. NZOIGBA
Colonel A. BANGALA
Colonel L. MULAMBA
Colonel F. ITAMBO