Jean-Raph Loumbe et les Zoulous
Jean-Raph LOUMBE
Et « LES ZOULOUS »
Un modèle qui a influencé les premiers balbutiements
Du « Coupé Décalé » en Côte d’Ivoire
I – UNE PLACE DE CHOIX EN COTE-D’IVOIRE
Sans sa venue en Côte-D’ivoire en 1966, le musicien Jean-Raph LOUMBE n’aurait peut-être
jamais acquis une telle notoriété que celle acquise dans son groupe « LES ZOULOUS » d’Abidjan.
Il aura réalisé dans ce groupe l’un de ses rêves les plus chers : réunir ses amis musiciens originaires du Congo pour une épopée des concerts célébrant les plus belles mélodies de la Rumba captées sur le vif dans l’intimité d’une jonction congolo-ivoirienne, en présence de quelques noms d’artistes d’exception :
Julio LUCAS – Maurin ZALAKANDA – José MISSAMOU et surtout Jean-Raph LOUMBE, chanteur à voix très « campagnarde» et bassiste sommaire, de par l’étonnante synthèse musicale, dont il est avec ses collègues, à l’origine de ce que l’on nomme aujourd’hui Le « Coupé Décalé ». Un assemblage du « Soukous congolais », de « l’Afro- Beat nigérien » et du « Folklore ivoirien ». Jean-Raph LOUMBE est effectivement une des grandes figures précurseur de ce rythme à Abidjan.
Jean-Raph LOUMBE, hélas ! N’ose jamais se positionner comme tel, sa sobriété, son intégrité, s’affirment comme un modèle d’effacement volontiers.
II – UN VERITABLE FILS DE LA LIKOUALA
Est-ce d’être né à Bétou le 12 Juillet 1940 dans le département de la Likouala, dans l’extrême nord du Congo-Brazzaville, que LOUMBE arbore cet air de vieux sage de la Likouala ? Vieux pas tant que ça d’ailleurs (71), mais cette intelligence volontairement mis à nu, cette rigueur dans le regard, cette quiétude dans la parole, et surtout cet esprit de rassembleur, à quoi on va ajouter un petit sourire malicieux, vous mettent en présence d’un homme a qui on ne la fait pas. Bien que sa carrière de chanteur-bassiste fasse de lui un moins connu dans la notoriété, Jean-Raph LOUMBE a tout de même roulé sa bosse, disons sa voix, depuis un certain nombre d’années dans des groupes mythiques congolais.
III – UNE CARRIERRE MUSICALE CORRESPONDANT A SA VALEUR
LES
ZOULOUS
Jean-Raph s’est baigné dans les eaux troubles et nostalgiques de la Rumba « Odemba » d’où l’émouvante rencontre de deux univers rythmiques et poétiques des deux rives du Congo : Negro Band de Brazzaville et Conga Succès de Kinshasa.
Le démarrage dans la Rumba traditionnelle se retrouve dans le choix thématique de son premier groupe en 1959 ; l’orchestre MUCHACHA JAZZ de Kinshasa en déplacement à Brazzaville. Jean Raph fait office de remplaçant d’un chanteur resté à Kinshasa. Il bénéficie de la faveur d’un de ses meilleurs amis du groupe : MAYIKO « Johnis ».
De retour à Kinshasa, l’orchestre MUCHACHA JAZZ, confirme le recrutement de Jean-Raph qui décidemment s’installe dans la capitale kinoise, où l’activité musicale fait recette. Une production tellement abondante qu’il est souvent difficile d’y faire la part du meilleur et du tout-venant.
Muni de connaissances théoriques musicales valables, et une voix importante dans la variété des climats harmonique et instrumental de la Rumba, Jean-Raph ne passe pas par deux chemins, il quitte l’orchestre MUCHACHA JAZZ pour créer en 1960, l’orchestre « LOS TUMBA » avec la complicité de son meilleur ami, SIMBA « Desimbart ». Le répertoire du groupe est celui des standards et promenait leurs auditeurs à travers des registres très représentatifs de l’époque. Jean-Raph participe à l’émancipation de son groupe par des tournées triomphantes dans tout le Bas-Congo : Matadi, Boma, etc.…
Jean-Raph LOUMBE et son orchestre qui prouvaient à ceux qui voulaient bien les écouter, leur génie des accords et leur vertu mélancolique dans la plénitude sonore, se voient obliger de quitter le Congo-Léopoldville, suite à des troubles relatifs à l’Indépendance, le 30 Juin 1960 du Congo Belge. Ils s’installent au Congo-Brazzaville, précisément à Dolisie, puis à Pointe-Noire où l’orchestre LOS TUMBA s’octroie un véritable parrain ; le mécène béninois « Maquina-Loca » qui lui attribue un nouvel équipement musical et le dancing bar dont il propriétaire. Les concerts de l’orchestre font salle comble. Le PALLADIUM de Pointe-Noire constitue désormais le haut lieu de la musique dans la région. C’est ici, d’ailleurs, que Jean-Raph LOUMBE s’essaie à la guitare basse et en devient un virtuose.
IV – DE NOUVEAU KINSHASA PUIS DES MULTIPLES MUTATIONS
Voici enfin une série d’évènements qui illustrent les diverses époques de l’épopée de Jean-Raph LOUMBE, et « LOS TUMBA ». Au fil des ans, il rassemble, il intègre, autour de lui ou avec lui une impressionnante quantité de très grands talents avant que le navire ne jette définitivement l’ancre à Abidjan, en Côte d’ivoire.
1962 – De retour de Pointe-Noire, l’orchestre « LOS TUMBA » effectue son dernier déplacement à Kinshasa, car de retour à Brazzaville, il se disloque.
1962 – Aussitôt après la dislocation de LOS TUMBA, Jean-Raph est attiré par le chanteur Michel BOYIBANDA qui nourri longtemps l’ambition de faire de lui le bassiste classique de l’orchestre NEGRO BAND, puis il participe aux célèbres enregistrements effectués avec Lucie EYENGA à Brazzaville : « Georgette » et « Adula ».
1963 – Sous l’influence du guitariste génial Johnny BOKELO qui vient de mettre au point un style audacieux basé sur une série de rumbas traditionnelles appelée « Mwambé », la voix de Jean Raph est la source, par excellence, de la folle impétuosité d’un éclat. Remarquable chanteur, Jean Raph se lance dans cette aventure pittoresque de CONGA SUCCES et son « Mwambé » n°3. Puis, il marque son empreinte, dans « Voyage na Katanga » et surtout dans sa toute première chanson sur disque «Ama » aux éditions « Tchezza ».
1964 – Kinshasa est de nouveau une véritable épine dans le pied de Jean-Raph. Moïse TCHOMBE, premier ministre du Congo-Léopoldville, écœuré par son conflit politique avec Brazzaville décide de rapatrier chez eux tous les congolais de Brazzaville résidant au Congo-Léopoldville. Aussi, Jean-Raph n’y échappe pas. Il manque d’ailleurs, pour ce motif, le voyage effectué par CONGA SUCCES à Bruxelles pour des enregistrements, sous la houlette de l’éditeur congolais Roger IZEIDI.
1964 – Au centre de l’expulsion des musiciens Brazzavillois de Kinshasa, s’inscrit la création à Brazzaville, le 17 Avril 1965 de l’orchestre TEMBO, par Daniel LOUBELO « De la Lune ». Il résorbe le cas de nombreux musiciens venus de Kinshasa, dont Jean-Raph co-fondateur.
1965 – Jean-Raph, renoue avec Kinshasa, (comme bon nombre des musiciens brazzavillois avant lui.) Sa nouvelle trouvaille la création de l’orchestre ROCK-A-TEMPO, avec Philippe LANDO « Rossignol » et Sam MANGWANA. Mais le groupe est un feu de paille.
1966 – Jean-Raph est de retour à Brazzaville, Aussi, sa dernière carte et la bonne, c’est sa réintégration dans l’Orchestre NEGRO BAND, comme chanteur. Juste au moment ou ce dernier est invité à se rendre en tournée en Afrique de l’Ouest. : Octobre 1966 : Cotonou, Dahomey (Benin) fête de l’indépendance, Le 04 Octobre 1966 : Abidjan Côte d’Ivoire. Le Negro Band est véritablement au sommet de sa gloire. Dans un style de haut niveau, le groupe a su trouver des arrangements d’une grande habileté, imprégnés par l’esprit de la Rumba. Une grande homogénéité, mais dominée tout de même par des musiciens de premier plan. Ceux-là-mêmes qui se sont désolidariser avec les autres musiciens du Negro Band, et ont refusé de repartir au Congo.
Ils sont : José MISSAMOU, Maurin ZALAKANDA, Julio LUCAS et Jean-Raph LOUMBE qui forment à Abidjan l’orchestre « LES ZOULOUS », au cours d’un concert solennel le 04 Décembre 1966 à TOUMODI, dans le centre de la Côte-D’ivoire.
1969 – Toujours en Côte d’Ivoire, une scission voit le jour au sein de l’Orchestre « LES ZOULOUS ». Création, de l’orchestre « BAKALA » par José MISSAMOU et Maurin ZALAKANDA. Ils s’installent à BOUAKE (Côte-d’Ivoire)
1977 – De retour de Brazzaville pour les obsèques de son père. Jean-Raph est désolé de ne pas trouver son orchestre « LES ZOULOUS », La dislocation inévitable est bien passée par là. Au final si les deux groupes légendaires congolais de la Côte d’Ivoire sont arrivés à bout de souffle, incontestablement, le plus intéressant c’est le témoignage important et unanime de tous les critiques ivoiriens et africains : l’implication des musiciens congolais à l’émergence de la musique ivoirienne moderne.
V – LE PRESENT DE JEAN-RAPH LOUMBE
Le présent de Jean-Raph LOUMBE, citoyen ivoirien d’adoption, mariée à une ivoirienne, père et grand père, c’est depuis 1980 une carrière solo. C’est désormais son contrat avec un label de la place qui lui vaut de sortir enfin d’une très, d’une trop grande modestie discographique. Et une fois de plus modestie peut-être encore.
Toutefois, Jean-Raph est condamné à s’investir avec une grande passion et celle de ses confrères, en dépit de la situation de tous les risques que connaît la Côte-D’ivoire. De donner un éclairage nouveau à tout son œuvre et à sa manière, soit une douzaine de compositions qui attendent un « Best off » Aussi devrait-il s’imposer comme un chanteur (« pré-rumba »-décalé ») une vigueur rythmique. Enfin, une nouvelle personnalité forte pour une splendide ambivalence.
Si les chansons de Jean-Raph, n’étaient pas ce qui ont fait le plus vibrer, mais il faut reconnaître que ses expériences sont demeurés cohérents et que ses passages dans différents orchestres ont merveilleusement fonctionné. Il a eu une façon originale de gérer l’espace avec ses rythmiques et ses choix de répertoires absolument intéressants.
En tous sens, Jean-Raph LOUMBE, un artiste d’expérience qui n’aimait rien tant que jouer avec le temps. Ainsi serait on tenté de résumer sa biographie musicale de chercheur virtuose ! Sinon au cours de sa longue carrière, une discographie moins excessive, mais remarquable, avec des grands noms, comme : Johnny BOKELO, Théo-Blaise KOUNKOU, MASTER, SYRAN MBENZA, BOPOL, PASSI-JO… Encore quelques semaines pour découvrir le nouveau Jean-Raph LOUMBE.
Clément OSSINONDE
Clement.ossinonde@sfr.fr
1.Escale à Bocanda, par Jean-Raph et les Zoulous (1966)
2.Muasi Mabe, par Zalankanda(1966)