In mémoriam mama Sese
In mémoriam mama Sese
C’était le samedi 22 octobre 1977, la nouvelle tomba comme un couperet : « Mama Sese est décédée en Suisse des suites d’une insuffisance cardiaque ». La stupéfaction fut alors générale dans tout le pays. Le temps sembla comme s’arrêté. Un deuil national d’un mois est alors décrété pour honorer sa mémoire. Dans la foulée du triste événement, la presse dévoile l’authentique patronyme de l’illustre disparue que bien des Zaïrois découvrent pour la première fois. La défunte avait un nom imprononçable : Gbetigbia Gogbe Yetene. Bien avant qu’elle rende l’âme, les enseignants du primaire et du secondaire étaient déjà en grève. Ils ne suspendirent pas leur mouvement qui au contraire se radicalisa malgré la mort qui frappa la famille présidentielle. D’aucun disent que le président a depuis gardé une dent contre eux car ils n’ont pas eu pitié de lui ni compati à son malheur alors qu’il pleurait son épouse. Cette colère si prolongée des professeurs et des instituteurs coûta son poste au commissaire d’Etat de tutelle. Le citoyen Kasusula fut remercié puisqu’il n’avait pas pu calmer l’ardeur des enseignants grévistes. C’était un affront pour le Guide en deuil.
Mama Marie-Antoinette Gbetigbia Gogbe Yetene : 1941-1977
Plusieurs complaintes funéraires en hommage à la défunte sont composées sur le champs et alternent avec les cantiques catholiques, protestants et kimbanguistes tant à la radio qu’à la télévision. Tous les grands noms de la musique congolaise de l’époque y ont marqué leur empreinte, patriotisme oblige. Luambo qui dira « ô liwa boni yo kanda boye na mama na bana, ô liwa,mopiku monene olongoli » ; Nyboma : « mama tolela ndenge nini ? » ; Sakoul dans un style langoureux chantera : « mama Sese otiki Mobutu Kongolo » ; Pépé Kalle : « Okeyi mama Sese ». Tabu Ley, lui aussi, n’avait pas manqué d’honorer celle qui au pire de l’incompréhension avec le pouvoir ne cessait de le défendre auprès de son mari de président.
Mère de famille
Dans cette période où la famille présidentielle fut en deuil, comme dans ses habitudes, la Radiotrottoir ne s’était pas tue. Au contraire, elle jeta un véritable pavé dans la mare en contredisant la version officielle. Selon la rumeur publique, tout débuta lorsque Marie-Antoinette, emportée par la jalousie aurait vertement tancé Joseph-Désiré à propos de sa rivale Bobi Ladawa. Ne pouvant maîtriser sa colère légendaire, le général l’aurait violemment battue alors qu’elle attendait famille.
Visite officielle en Chine : port du toast par le couple présidentiel et le Premier ministre chinois Chou En-Lai
Puis ayant constaté à la fin de la dispute l’étendue des dégâts et que madame était très mal en pointe, il prit la décision de son évacuation en Suisse dans une unité spécialisée. C’est alors qu’elle fut transportée d’urgence vers le centre de cardiologie de Genolier près de Genève où elle rendit l’âme. Ce n’était donc pas selon Radiotrottoir les ennuis cardiaques qui emportèrent la first lady mais plutôt les coups portés sur elle par le président. La dépouille mortelle arriva à Kinshasa le dimanche 23 octobre 1977 par le DC 10 présidentiel, le Mont Ngaliema. Elle fut accueillie par tout le gratin politique et fut exposée à la présidence puis plus tard au parlement.
Arrivée de la dépouille mortelle par un régulier d’Air Zaïre le dimanche 23 octobre 1977
La messe en son honneur eut lieu dans la cathédrale Sainte Marie en présence d’invités étrangers et retransmise en direct à la radio et à la télé. Elle fut célébrée par l’archevêque de Kinshasa, le cardinal Malula. Dans son homélie, le prélat utilisait seulement le prénom chrétien de la disparue mais jamais son patronyme. En pleine période de l’authenticité et en présence des visiteurs étrangers venus soutenir Mobutu pendant ces moments douloureux, cela raisonnait mal dans les oreilles du grand léopard. Le cardinal parla aussi de cette petite chambre dans le palais présidentiel pleine de « petites choses » pour laquelle la défunte aurait émis le vœu qu’elle fut transformée en chapelle pour la prière et la méditation.
Tombe provisoire au cimetière de la Gombe
L’enterrement provisoire eut lieu au cimetière de la Gombe avec dessein de transférer un jour le corps dans la chapelle-crypte Marie-la-Miséricorde à Gbadolite comme le souhaita la défunte. Au moment où tout avait été dit et fait, Mobutu quitta les lieux et n’assista pas à la mise en terre de son épouse, tout comme les enfants.
De son vivant, Mama Sese avait su captiver les foules par son sourire, sa beauté, son élégance, sa foi et son penchant pour les faibles parmi les faibles. Elle qui mourut huit jours seulement après le 47e anniversaire de son mari, fut inhumée avec tous les honneurs dus à son rang.
Il est bien dommage de constater que l’église-crypte de Gbadolite où son corps fut enseveli n’est aujourd’hui que ruine. Vandalisée, Marie-la-Miséricorde n’a plus le lustre et l’éclat de jadis. Et autour de la tombe de celle que tout le pays appelait affectueusement Mama Sese, la nature a repris ses droits.
Compulsez les belles images compilées lors du premier anniversaire de son décès. Cette publication fut dédicacée par le président Mobutu lui-même :
http://www.katembo.be/Documents/album/Mama%20Mobutu/slides/mamamobutu003.html
Samuel Malonga