Plaidoyer pour Mugabe
On pèche tous par simplisme en voulant voir en Mugabe une sorte de personnage du type « Voldemort » de la série des romans (et des films) de Harry Potter. Les médias occidentaux négligent par exemple de nous dire qu'il s'agit d'une fracture et d'une guerre ethnique à la Kenyane plutôt que d'un dictateur rendu fou par l'appétit du pouvoir. Ces mêmes médias oublient aussi de mentionner, quand ils nous parlent de la situation économique catastrophique au Zimbabwe avec un taux d'inflation astronomique comme vous le décrivez, que ce sont les pays occidentaux qui ont noyauté l'économie zimbabwéenne dès l'amorce, en 2000, des reformes agraires de fond entamées par Mugabe. Ces réformes ont donc échoué à cause des sanctions imposées par la communauté internationale sur le Zimbabwe. En Afrique du sud, des réformes agraires aussi courageuses n'ont jamais été envisagées par les dirigeants de l'ANC qui ont pris les rênes du pays après la chute de l'Apartheid. En Afrique du sud, avant l'Apartheid = après l'Apartheid. D'où l'aliénation et l'aggravation de la pauvreté des classes démunies qui se retournent par la violence contre les « Makwerekwere », les émigrés en provenance d'autres pays africains. S'il y a mascarade électorale aujourd'hui au Zimbabwe, il y avait au bien d'autres plus graves mascarades électorales dans le passé de ce pays.
Un exemple : en août 1977, une mascarade avait aussi eu lieu à Salisbury, aujourd'hui Harare, avec la réélection du premier ministre raciste Ian Smith-quand le Zimbabwe était une vraie mascarade appelée « République de la Rhodésie » après le « coup d'Etat » du même Ian Smith en 1965. Une mascarade de coup d'Etat contre l'administration coloniale britannique en place en Rhodésie du sud ! Quelle blague... Comme si un planteur belge pouvait faire un coup d'Etat à Léopoldville, sans provoquer l'émoi et une réaction musclée de la Force Publique ... Sans aucun outrage comme celui enregistré ces jours-ci au sujet de Mugabe. Sans aucune intervention militaire des forces métropolitaines britanniques, comme elles l'ont faite à l'autre bout du monde, aux Malouines. Et on a laissé ce bandit d'Ian Smith piller le Zimbabwe jusqu'en 1980, date de l'indépendance du Zimbabwe ! Et aujourd'hui, quand on s'émeut et qu'on dit que le Zimbabwe était le grenier de l'Afrique australe, on se réfère à cette période du pillage du Zimbabwe par le fantoche Ian Smith ! Après une guerre meurtrière qui a vu l'intervention des forces spéciales antiguérillas de la SADF, l'armée sud-africaine, le Zimbabwe était en fait exsangue, avec, au décompte final, plus de 30.000 « pertes collatérales »... Le Premier Ministre britannique Gordon Brown devrait tout simplement la fermer, il ne parle pas d'une position d'intégrité morale !
Rappelons d'ailleurs que le sommet de l'Union Africaine se tient en Egypte dont les élections ne brillent pas particulièrement par leur transparence. Encore moins l'Ethiopie, dont la capitale est le siège de cette organisation. Je ne parle même pas des dernières élections nigérianes ou kenyanes. Ou des mascarades électorales à répétition du Rwanda. Puisque je mentionne le Rwanda, je me souviens du silence criminel de cette même communauté internationale qui crie aujourd'hui haro sur Mugabe quand, en 1998, le Rwanda, le Burundi et l'Ouganda ont agressé le Congo. Sans l'intervention musclée des troupes zimbabwéennes de Mugabe qui ont volé au secours de la RDC, Kinshasa se serait retrouvée aujourd'hui sous les bottes des soudards de ces pays. Une hypocrisie qui a coûté la vie à plus de 5 millions de Congolaise.
La communauté internationale nous donne aujourd'hui une illustration cruelle de cette hypocrisie dans le cas de Thomas Lubanga, seigneur de guerre qui a « cannibalisé » des enfants comme soldats dans sa horde de tueurs de masse. Cet homme pourrait bientôt être relaxé parce que la MONUC refuse de donner à la CPI des documents prouvant ses crimes. Motif allégué : « secret défense » ! De qui se moque-t-on ? Des millions de morts de l'Ituri ? Qu'on nous dise la nature de ces secrets que les juges, les magistrats et les défenseurs ne peuvent voir. Que cache-t-on ? Quels sont ces secrets auxquels même l'Etat congolais n'a pas accès ?
Je hais la dictature sous toutes ses formes et tout comme vous, mais je ne vais pas m'émouvoir sur ce qui se passe au Zimbabwe juste parce que les Occidentaux et leurs médias me demandent de m'émouvoir...
Jean-Pierre