Un témoignage sur "Ngando"
En relisant encore ces extraits de Ngando de Lomami Tchibamba, je retrouve toutes les peurs de mon enfance. Ayant grandi non loin du fleuve Congo à Kintambo, c'est la peur du Ngando, qui nous retenait d'aller nous y baigner (l'histoire de Musolinga était vraie pour moi). Mais il y avait d'autres "ogres" qui peuplaient mes nuits, comme le géant "Kinshasa" qui chaque nuit sortait de son antre, quelque part en Amont du fleuve vers l'île Mbamu et parcourait la ville à la recherche d'enfants qui refusaient d'aller au lit après 8h du soir.Mais l'ogre redouté aussi bien par les adultes que par les enfants, était Docteur Mokuwa Pamba. il officiait en face de ce qu'est aujourd'hui le Mont Ngaliema, dans des bâtiments en briques rouges du service de la santé prophylactique. Vous avez dit "prophylactique", chez nous on disait Mangwele et autres tracasseries pour avoir le droit de s'établir à Léopoldville ..
L'île Mbamu est inhabitée. Objet de contestations politiques entre les deux gouvernements français et belge....
Mbamu , en réalité n'est pas déserte. D'abord, la végétation et la faune sylvestre font fi de cette interdiction ; elles s'y multiplient et y croissent à souhait. Et puis, les hommes, sous prétexte de se livrer à la pêche dans les parages, s'y fixent, créent de véritables villages derrière le rideau des arbres, bien à l'abri de tout regard indiscret, et finissent ainsi par se soustraire aux tracasseries incessantes de paiement d'impôt de capitation, de recensement annuel, des visites médicales prophylactiques, etc, etc, inhérentes au séjour dans ces deux grandes villes. »
Une visite "prophylactique" auprès du Docteur Mokuwa Pamba - décrit comme maigre comme un clou, à la peau si blanche qu'on y voyait à travers ses veines et son sang qui circulait, ses lunettes
demi-lunes permettait à son regard de vous transpercer jusqu'à trouver le plus petit toux, la plus petite respiration anormale. et puis son aiguille était si grand que quand vous lui tendiez le
bras, il en retirait la moitié de votre sang". C'est comme ça que l'on nous le présentait Dr Mokuwa Pamba. Et lorsque l'on étéait pas sage, et qu'on pleurait un peu trop fort, Maman vous donnait
rendez-vous au Ngomba, voir le Dr Mokuwa Pamba, sur la route de l'hôpital de la rive.
Ceci dit, je me suis longtemps considéré comme un héros parce juste avant d'intégrer ma "Zéro année - Kwanga na madesu (maternelle), Ma mère m'a amené pour une série d'examens et de vaccins. Le
Docteur que j'ai rencontré portait bien sûr des lunettes, mais ce n'était pa le redoutable Mokuwa Pamba. J'ai eu les piqûres mais je n'en suis pas mort. bien plus, j'ai avalé sans sourciller,
l'huile de ricin et l'huile de foie de morue en serrant les dents et en souriant à ma mère. Au retour, nous nous sommes arrêtés au Magasin Nogueira au centre commercial de Kintambo. Ma Mère m'a
offert mes sandales "100 - 1, 99" pour l'école. J'étais devenu un homme. je suis allé chez Mokuwa et j'en suis revenu "Veni, Vidi, Vici", aurais-je dû dire, si j'avais connu la citation latine de
César à l'époque.
Mwana Mangembo