Ces cowboys tropicaux appelés bills
Nous revenons encore aujourd’hui sur ce phénomène social qui a déferlé sur Kinshasa à l’époque où la ville s’appelait encore Léopoldville : le billisme. Si tout à déjà été raconté de superbe manière par notre ami Emmanuel Kandolo, nous relèverons seulement quelques petits détails sur la tenue des cowboys congolais et publierons les photos de quelques bills célèbres.
Hollywood à travers les fils westerns qui opposaient les yankee aux Indiens avaient joué un rôle primordial dans la naissance du billisme. Kinshasa s’était alors transformé en Far West tropical. Certains jeunes délurés des années 1940 jusqu’à ceux de la fin de la décennie 60 s’étaient entichés du personnage de Buffalo Bill Cody, leur héros éponyme et figure mythique du grand chasseur,.
Cowboys privés de montures mais cowboys quand même, les bills s’habillaient exactement comme leurs idoles du grand écran en suivant à la lettre la tradition western : chemise à carreaux, foulard, pantalon moulant, chapeau, bottes et revolver factice. Il semblerait que leurs tenues venaient de Belgique. D’autres demandaient à des membres de leur famille à l'étranger de leur envoyer ces accessoires de cowboy pour leur permettre de s’afficher. Outre l’accoutrement et la coiffure, les bills empruntaient toutes les allures d’un acteur de cinéma dans leur démarche.
Même si la grande majorité des cowboys congolais étaient des hommes, certains étaient des femmes. Thérèse et Meta faisaient partie de l'un des seuls gangs à accepter des membres féminins à part entière. Elles agissaient souvent comme espionnes pour le groupe et étaient aussi enclins au combat. Le professeur Charles-Didier Gondola, auteur de "Tropical Cowboys : Westerns, Violence, and Masculinity in Kinshasa", expliquait que les Bills féminins se comportaient comme des garçons, se battaient comme des garçons et adhéraient à l’éthique masculine du groupe.
Dans la grammaire du billisme, le terme bill avait pour féminin billesse. La première d’entre elles s’appelait Thérèse Muyaka alias Roy. Jean Depara, un cordonnier de Kinshasa, avait photographié avec son appareil Adox les bills et les artistes-musiciens. Ses photos sont aujourd’hui les seuls vestiges de la culture yankee à Kinshasa. L’homme deviendra même le photographe attitré de Luambo Makiadi dès le début de l’OK Jazz.
Samuel Malonga