Thomas Rodolphe Kanza, muana Congo
En 1952, un jeune homme de 19 ans tient le Congo belge en haleine. Il n’est pourtant ni un artiste, ni un sportif ni encore moins un politicien. Il n’est qu’un enseignant ou instituteur indigène selon la terminologie coloniale. Mais son histoire fait la une des journaux tant dans la colonie qu’en Belgique. Le jeune homme remue ciel et terre car il veut étudier à l’université en métropole. Une première dans l’histoire de l’enseignement au Congo. Son nom : Thomas Rodolphe Kanza.
Il voit le jour à Boende alors que son père est soldat dans la Force publique. Il naît en octobre 1933 soit presque trois ans jour pour jour après Mobutu. Bien que nés sous le même signe astrologique, les deux hommes ne s’apprécieront guère tout au long de leur vie. Ils vont au contraire s’affronter sur tous les plans.
Fils de Daniel Kanza et de Elisabeth Mansangaza. Son père convaincu que l’éducation est la clé de l’émancipation fait un choix difficile. Diacre protestant, il fait baptiser ses enfants chez les catholique afin qu’ils puissent accéder à un meilleur enseignement. Thomas va ensuite faire ses études secondaires à l’Institut St Joseph dirigé par les scheutistes. Cette école est réservée aux Congolais alors que les enfants des colons étudient au collège Albert Ier administré par les Jésuites.
Lorsque le jeune Thomas Kanza s’inscrit à Louvain, le R.P. de la Kethulle de Ryhove, met une forte pression sur l’administration coloniale. La vive recommandation du Professeur Guy Malengreau et l’approbation écrite de Monseigneur van Wayenbergh, recteur de l’Université de Louvain, finissent par garantir son admission.
Le gouverneur général Pétillon à qui Thomas demande l’appui et l’autorisation d’aller en métropole est d’accord mais à condition qu’il ne fasse pas des études ″offensives″ c’est-à-dire le droit, les sciences politiques et l’économie qui permettent de se préparer à gouverner. Le jeune homme est résolu à faire des études ″inoffensives″ de psycho-péda à Louvain.
A l’époque, le système des bourses d’études n’existant pas encore, Thomas Kanza reçoit l’appui financier de l’homme d’affaires Romain Nélissen. Il est accueilli à Bruxelles par la famille Lecointre chez qui il va rester trois ans. Étant le premier Congolais de souche à étudier en Belgique, son arrivée en territoire belge ne passe pas inaperçu. Les journaux bruxellois en font écho.
L’exemple de Thomas est toutefois suivi par d’autres Congolais désireux de parfaire leurs études universitaires même celles dites offensives en métropole. La communauté estudiantine en Belgique s’agrandit notamment avec Paul Mushiete (psychologie) en 1953, Mario Cardoso (futur Losembe Batwaniele) en 1954, Marcel Lihau (droit, sciences économiques et sociales) en 1955, André Mandi (sciences politiques), Justin-Marie Bomboko en 1955, Martin Nguete (médecine), Jean Nkondi (médecine), Albert Ndele (sciences économiques) sans oublier les prêtres Henri Matota (philosophie, théologie) et Sukala. Notons que Marcel Lihau est accueilli par la famille Theunissen, celle du directeur de Radio Léopoldville.
En 1960, Thomas Kanza fait partie du gouvernement Lumumba où il occupe la fonction de ministre délégué auprès de l’ONU. L'après indépendance est marquée par une vague d’étudiants congolais dans l’ancienne métropole. Ce sont les Belgicains.
Samuel Malonga