Luambo Makiadi, 30 ans déjà
Luambo Makiadi, 30 ans déjà
Référence : http://www.mbokamosika.com/page-exclusif-21e-anniversaire-de-la-mort-de-franco-luambo-3850611.html
Dans deux jours, ça fera 30 ans depuis que la voix de Luambo s’est tue à Mont-Godinne en Belgique. Trente années au cours de laquelle Grand-Maître se fait parler de lui au passé. Trente ans qu’il n’y a plus de nouveaux albums de lui et que sa discographie ne s’est plus enrichie. Trente ans, entendez plus d’une génération que les mélomanes ne se sont toujours pas accommodés de son absence présente et de sa présence absente. Il s’en est allé un certain 12 octobre 1989, c’était comme hier mais c’est presque déjà une éternité que le monde musical est privé de son Luambo. A l’occasion de ce triste anniversaire, Mbokamosika, saisit l’occasion pour reparler de celui dont sa parenté appelait affectueusement Ya Fwala.
L’homme et l’artiste
C’est à quelques encablures de Kinshasa que François Luambo voit le jour un certain 6 juillet 1938 à Nsona-Mbata en pays lemfu dans l’actuelle province du Kongo Central, d’un père anamongo et d’une mère ne-kongo. Au-delà de cette naissance issue d’un couple intertribal, Luambo est un vrai sang-mêlé. Il est Mukongo par sa mère, Tetela par son père et Ngombe par son grand-père paternel. Cette mixture des tribus et ethnies du pays se retrouvent dans ses œuvres phonographiques et dans le rythme de son orchestre. S’il est né François Luambo, il devient L’Okanga Lwa Djo Pene Luambo Makiadi avec la politique de recours à l’authenticité. En réalité, Makiadi est le surnom que lui donne sa mère à sa naissance à cause de la fragilité de sa santé souvent secouée par les maladies infantiles et tropicales. On note qu’un moment, il va porter un nom qui n’a rien avoir avec le Congo. Lors de sa conversion à l’islam en 1981, il devient Aboubakar Sidiki. Ce patronyme ouest-africain qui n’a jamais été gravé sur ses disques disparaît à la vitesse de l’éclair. Beaucoup de ses propres fans ne l’ont jamais connu. L’homme a aussi beaucoup d’autres pseudos : Le Fou (surnommé ainsi à l’école à cause de sa turbulence), Franco, Franco Demi Amor, Oncle Yorgho, Grand-Maître, Ya Fuala (grand-frère François), Sorcier de la guitare. Aux États-Unis, les Afro-américains l’appellent The big brother from Zaïre. Il fait ses premiers pas dans la chanson à 15 ans. A force de travail et de volonté, le jeune Franco devient le Grand-Maître dont la seule évocation du nom inspire respect et admiration. Du groupe Watam d’Ebengo Dewayon parrainé par la maison Loningisa, il passe vite à l’OK Jazz, son orchestre de toujours. Il est tout à la fois ou presque : chanteur, guitariste, auteur-compositeur, éditeur, conteur, dérangeur, meneur d’hommes.
L’école OK Jazz
Lorsque l’orchestre est fondé en 1956, le style Fiesta inonde le marché par la saveur de ses sons. L’école African Jazz créée par Grand Kallé est alors l’unique école que connait la musique congolaise moderne. Mais peu à peu, l’OK Jazz ronge l’espace musical et se fraie un passage. Il forge admiration et respect. Une deuxième école est née. Elle se démarque totalement du style de Joseph Kabasele. La rumba odemba qui se fait aussi appeler kilo ya Kinshasa marque des points et joue désormais dans la cours des grands. La musique congolaise a dorénavant deux écoles dont se réclament les artistes-musiciens. Franco qui est ouvert à d’autres vents musicaux diversifient les styles dans ses œuvres. Il joue pêle-mêle le cha-cha-cha (Cha cha erique, cha cha cha demi amor), le boléro (Maladi ya bolingo, Mbanda ozui kizunguzungu), le folklore kongo (Ma nkewa, Fuala mbombo ngulu kadia) ou sakata (Obwa osud djeme), le calypso (Tokeyi kobina calypso, Calypso de nostro amor). Mais en recrutant plusieurs éléments du clan de l’African Jazz, l’OK Jazz finit par s’aliéner un temps ce style surtout à l’arrivée de Michelino Mavatiku (Missile, Salima). Dans la recherche effrénée de la réussite artistique et pour assurer le succès de son groupe, Franco n’hésite pas à s’entourer des solistes de talent comme Mose Fanfan, Dizzy Mandjeku ou Papa Noël. L’homme n’a jamais eu peur de la concurrence au contraire, il a toujours été favorable à l’émulation au sein de son groupe. L’OK Jazz fait même usage de deux guitares solos dans certaines chansons dont Pesa ngai position na yo de Madilu System. Une prouesse artistique.
Kenge Majos, son grand amour
Dans sa jeunesse, Luambo fait la connaissance d’une jeune fille dont il tombe follement amoureux. La belle élue qui est fiancée à l’artiste s’appelle Marie-José Kenge. Tout Kinshasa l’appelle par son surnom : Majos. Les deux tourtereaux sont quasiment inséparables. Alors qu’il ne s’y attend pas, Majos met brusquement fin à cet amour qui a pourtant soulevé le cœur de Franco. Cette rupture le marque profondément. Luambo ne s’en est jamais remis. Pourtant Grand Maître nourrissait le grand envie de fonder une famille avec elle. Selon Raoul Yema, auteur d’un livre sur le patron du TP OK Jazz, cette déception amoureuse est à la base de la position dure que Franco a plus tard manifesté à l’égard des femmes. C’est l’événement déclencheur qui a fait qu’il devienne trop critique envers le monde. L’amour ne l’a-t-il pas trahi ? Franco a écrit quelques chansons pour son amour dont Mami Majos pendant les moments heureux de leur relation et Kenge okei ata elaka te lorsque la bonne dame l’a quitté.
De l’ OK Jazz au TP OK Jazz
En 1971, l’orchestre modifie son patronyme et se restructure sur le plan administratif. Le groupe se transforme en une ″entreprise musicale″. Cette métamorphose se remarque aussi dans l’appellation du groupe dont le nom est précédé d’un nouvel acronyme. Devenu TP OK jazz, Luambo veut étaler sa puissance financière et la bonne santé discographique de son ensemble. Ses musiciens sont comme des employés qui travaillent dans une société. L’orchestre compte pas moins de 50 musiciens, possède deux tonnes d’instruments de musique, un autocar pour les déplacements en provinces, un lieu unique pour ses productions baptisé Un-Deux-Trois. Aux éditions Epanza Makita, Boma Bango et Populaires ou Edipop succèdent VISA 80 dont le but est aussi de produire les orchestres des jeunes. En 1982, l’orchestre connaît même deux ailes distincts, celui de Kinshasa administré par Lutumba Simaro et celui de Bruxelles dirigé par Franco lui-même. Ce principe, un orchestre deux sections réussi si bien que chacune des parties met ses chansons sur le marché du disque. La bande à Lutumba restée au pays sort Maya et Kitikwala qui connaissent un succès immédiat tout en révélant le talent du jeune Carlito. Celle de l’Europe qui a installé son quartier général à Bruxelles lance la chanson Non dans laquelle le duo Luambo-Madilu confirme ses promesses. Cette émulation interne dans un même orchestre scindé en deux groupes établis dans deux continents différents bouscule les convenances et les idées reçues. Franco rentre à Kinshasa après son long séjour européen qui a duré près de deux ans. Les deux parties s’unissent à nouveau et les admirateurs retrouvent le TP OK Jazz réuni autour de son chef et patron Luambo Makiadi. Notons qu’outre les voyages à travers le monde, le groupe a participé au 1er festival des arts nègres en 1966 à Dakar, au festival de la musique noire à Kinshasa en 1974 enfin au Festac à Lagos en 1977.
La guitare acoustique
Au début des années 70, Luambo dont le grand concurrent n’est autre que Tabu Ley, est à la recherche de nouveaux sons. Le début de cette décennie est marqué par l’utilisation de la guitare sèche par les deux grands orchestres kinois appartenant aux deux grandes écoles de la musique congolaise à savoir l’Afrisa et l’OK Jazz. Les deux groupes rendent à la guitare sèche sa valeur originelle. Délaissée depuis 1953 au profit de la guitare électrique, elle retrouve une seconde jeunesse le temps de quelques enregistrements : Casier judiciaire, Boma l’heure, Likambo ya ngana. Il faut attendre le réveillon de 1987 sur Télé Zaïre pour voir de nouveau un groupe réduit des musiciens du TP OK Jazz renouer avec la guitare acoustique sur le plateau de Télé Zaïre dans la chanson Testament ya Bowule de Simaro Lutumba.
La danse des cosmonautes
Après avoir promu le boucher, Luambo prend le risque de lancer une danse conçue par lui-même. L’arrivée de Neil Armstrong, Buzz Aldrin et Michaël Collins à Kinshasa est une belle opportunité qui lui permet d’imaginer quelque chose de nouveau. Ainsi, il crée la danse des cosmonautes. Il en fait même la démonstration dans une émission télévisée. Mais elle ne convainc pas les mélomanes qui la trouve inadaptée avec la mime des pas des cosmonautes dans l’espace. Elle s’efface vite du paysage culturel congolais. Ayant appris à ses dépens, l’OK Jazz met du temps pour avoir sa propre danse. C’est bien plus tard, après la disparition de Grand-Maître que le groupe lance une danse qui réussit à apprivoiser le public : le mayeno.
Chantre de la révolution
L’artiste compose Luvumbu ndoki (Luvumbu le sorcier) dans lequel il stigmatise ce monsieur pour sa sorcellerie qui terrorise sa propre famille. Avec ce titre, Luambo s’attire les foudres du pouvoir. Le nouveau régime de Mobutu pense mordicus qu’il parle de façon détournée des pendus de la Pentecôte 1966. Franco s’exile semble-t-il quelque temps à Brazzaville en attendant les beaux jours. La chanson est censurée un bon moment avant de passer sur les ondes de la radio nationale étroitement contrôlée par le MPR. Vite après ce couac de circonstance, Luambo accorde ses violons avec le Guide et devient un militant zélé. Prolifique, il compose à tour de bras des œuvres pour l’éloge du Président-Fondateur tout en propageant le message du parti-État. Mobutu profite de l’aura et du talent de l’artiste, de sa popularité et de son parler quasi convaincant pour faire de lui le héraut du mobutisme. Lors des grandes échéances électorales, Luambo est aux avant-postes avec Tolanda nzela moko (1970), Candidat na biso Mobutu (1977). S’en suivent plusieurs autres titres dans lesquels Grand-Maître exalte la pensée du Guide de la révolution : Salongo alinga mosala (1970), Cinq ans ekoki (1970), Ba députés mbilinga mbilinga toboyi, République du Zaïre, Votez vert, Belela authenticité na Congrès ya MPR, Dix ans ya révolution, etc. Son militantisme lui vaut la reconnaissance du Guide qui le fait entrer dans le cercle fermé des dignitaires de son régime. Au Palais du Peuple où est exposé son cercueil, le général Wabali, chancelier ad intérim des ordres nationaux, le décore à titre posthume à la dignité de Commandeur de l’ordre national du Léopard.
Les diatribes
La satire est l’un des domaines où Luambo se distingue et excelle réellement dans l’écriture de ses textes. Tirer à boulets rouges sur ceux qui le titillent semble être un de ses points forts. Là-dessus, il n’épargne personne. Égale à lui-même et droit dans ses bottes, Grand-Maître s’en prend pratiquement à tout le monde, du Président de la république à la femme au foyer en passant par ses collègues artistes-musiciens et le procureur de la République. Parmi ces chansons, on peut citer notamment Nani apedalaka te (contre Kasa-Vubu ?), Très fâché (contre Mobutu), Tailleur (contre Kengo wa Dondo), Course au pouvoir et Chicotte (contre Kwamy), Balingaka ngai te (contre Vicky Longomba), Où est le sérieux (contre Youlou), Les Rumeurs et Kinshasa mboka ya makambo (contre ses détracteurs), Lettre à Mr le DG (contre les directeurs généraux des sociétés), Toyeba yo, Mbanda akoti kikumbi, etc. Luambo dénonce les travers de la société et a dit tout haut ce que les autres se chuchotient à l’oreille comme l’a dit l’abbé Toto Vangu dans son homélie d’adieu à l’artiste. Grand-Maître n’a pas non plus aménagé la gente féminine qui plus que tous a subi parfois avec virulence les foudres de sa colère : Nakoma mbanda ya mama ya mobali na ngai, 12.000 lettres, Mbanda akana ngai, Mamou, Tikaka kosenga, Locataire, Tokoma bacamarade pamba, Ida etc.
La prison
Dans sa vie d’artiste, Luambo a connu la prison à plusieurs reprises. Alors que le Congo est encore une colonie belge, Franco qui roule avec sa vespa sans permis de conduire est arrêté et jeté en prison pendant deux mois en 1958. La vie carcérale terminée, il écrit la chanson Mobembo ya Franco na wele. A la même époque, un autre artiste est en taule avec lui, il s’agit de Willy Mbembe. Plus de deux décennie plus tard, Luambo crée la controverse avec la composition de quelques chansons à caractère immoral (Jacky, Hélène) en 1977. Elles ne sont pas gravées sur disque mais exécutées à Un-Deux-Trois devant un public consentant. Enregistrées sur des cassettes, elles sont vendues sous le manteau dans les rues de Kinshasa. Selon les révélations de Josky Kiambukuta, Franco a aussi écrit un troisième titre aux paroles encore plus osées mais il est resté inédit. Des chansons dans lesquelles l’obscénité est ostensible, une première dans la musique congolaise ! Devant cette situation si délicate, la commission de censure intervient et la justice s’en mêle. Le Procureur général de la République Kengo wa Dondo se saisit du dossier. Sans état d’âme, celui qui veut assainir les mœurs et que les Kinois appellent L’homme de la rigueur requiert une peine de deux mois de prison ferme à l’artiste. Jeté sans ménagement au centre pénitencier de Makala. Il y est accompagné par dix de ses musiciens, ces compagnons d’infortune dont Lutumba et Josky Kiambukuta qui l’ont aider à graver ces cassettes illicites. Même s’il le retrouve plus tard, l’ordre national du Léopard, la plus haute distinction zaïroise, lui est retirée. Luambo et les siens ne retrouvent la liberté que sur l’intervention personnelle de Mobutu. Franco gardera de cette détention un souvenir amer et prendra plus tard sa revanche sur Kengo dans une satire ciblée aux propos virulents et moqueurs.
Collaboration
Dans les années 1970, Luambo met l’OK Jazz à la disposition de ses aînés qui pendant la période coloniale ont porté haut l’étendard de la musique congolaise. Pour leur donner une nouvelle fraîcheur, le groupe accompagne tour à tour entre 1969 et 1972 Manuel D’Oliveira dans Na mokili mibale na mibale et Bampangi ya Matadi puis Feruzi Camille dans Siluvangi wapi accordéon ? Koyina, Mbanda nasali nini ? Tika kolela chérie. Les voix féminines font aussi partie du paysage discographique de l’OK Jazz. Leur recrutement commence dès 1984 avec Kola la Sommité (Luzolo lua mama), puis vient une jeune métisse née d’un père grec et d’une mère congolaise dénommée Jolie Detta qui chante Massu et Layile, enfin Nana Akumu et Baniel Bosambo clôturent cette série avec Les on-dit, C’est dur la vie d’une femme célibataire, Je vis avec le PDG, Flora une femme difficile. En 1983, à travers le groupe Lisanga ya Banganga, le duo Ley-Luambo explose dans des titres dignes d’anthologie. En 1989, Grand-Maître accompagne Sam Mangwana au chant et à la guitare dans l’album For ever. Sur la pochette du CD se trouve la photo des deux artistes. Mais les signes visibles de l’avancée de la maladie s’étalent au grand jour. On y voit un Luambo amaigri tenant sa guitare légendaire tout en fixant un regard interrogateur vers l’inconnu.
Éditeur-responsable du journal YE
En 1977, Luambo se lance dans le monde des médias. Il crée le journal YE dont les bureaux se trouvent au 2e étage de l’immeuble Un-Deux-Trois. La rédaction du journal s’offre des journalistes qui ont quitté d’autres groupes de presse kinois. L’hebdomadaire vient s’ajouter à la liste d’autres organes d’informations comme Salongo, Elima, Masano ou la revue Zaïre de Kolonga Molei. Il paraît chaque jeudi dans les kiosques. On y traite un peu de tout. Mais ce journal a aussi pour but de faire la promotion du TP OK Jazz. Il n’est pas rare de voir ses journalistes faire partie de la délégation de l’orchestre dans ses déplacements. Financé sur fonds propres, le journal rencontre d’énormes difficultés financières et disparaît définitivement trois ans seulement après sa création.
Dirigeant sportif
Amoureux du ballon rond, Luambo ne manque pas les rencontres qui opposent les trois grandes formations kinoises entre elles. Mais son équipe favorite est le V.Club dont il est un des grands donateurs. En 1958, il compose Bonne année ya bana Véa. Puis lorsque François Wetshi meurt subitement, il compatit à ce malheur et écrit pour lui une chanson posthume : Liwa ya Wetshi, interprétée aussi par Myriam Makeba. L’amour pour les Dauphin Noirs se voit même sur la clôture de sa propriété de Limete qui porte les couleurs de Vita. Après avoir longtemps conseillé l’équipe en qualité de sage du clan vert-noir, Luambo brigue la présidence de la section football en 1971. C’est avec lui et avec pour second Thiago que l’équipe gagne sa première coupe du Congo au détriment de Renaissance (Tshipepele) de Luluabourg aujourd’hui Kananga. En 1989, lorsqu’il décède, ce sont les anciens joueurs de V. Club dans leurs maillots qui portent son cercueil au Palais du peuple pour la cérémonie officielle puis à la cathédrale Notre Dame du Congo pour la messe d’adieu.
Dernière interview
Le grand chroniqueur musical Benoît Lukunku Sampu fait le déplacement de Bruxelles pour interviewer son ami Franco. L’entretien a lieu dans le studio de la RTBF. Il est diffusé en différé sur les antennes de Télé Zaïre. Les Congolais découvrent un Grand-Maître amaigri. Il porte des lunettes et est devenu quelque peu méconnaissable car rongé par la maladie. Au cours de la conversation, tous les sujets même ceux qui fâchent sont abordés : Dieu, la mort, le sida, les fétiches, la femme, V. Club, sa carrière, sa maladie etc. L’artiste est serein quant à sa guérison et promet à ses nombreux admirateurs et à sa mère qu’il rentrerait à Kinshasa. Malgré les rumeurs alarmantes qui courent dans la capitale sur son état de santé, Luambo affirme que sa maladie n’a rien avoir avec le VIH. Mais lorsqu’il disparait, se répand la nouvelle selon laquelle, l’artiste serait bien mort de sida qu’il aurait contracté auprès des prostituées. Dès lors, les Kinois donnent une nouvelle appellation aux femmes libres qui selon eux ont quelque chose à se reprocher. Ils leur collent le nom de baboma Luambo (elles tuées Luambo). N’a-t-il pas lui-même chanté Attention na sida ?
Groupes nés de l’OK Jazz
Comme tous les orchestres kinois, le TP OK Jazz n’a pas été épargné par le cancer de la dissidence. Des aigris ou des déçus ont claqué la porte du groupe. Si certains artistes-musiciens sont rentrés au bercail, d’autres par contre sont partis pour toujours. Parmi les groupes formés par les dissidents de l’OK Jazz, il y a lieu de citer Rock-A- Mambo avec Jean-Serge Essous, José-Philippe Lando alias Rossignol et Saturnin Pandi en décembre 1956, Révolution avec Kwamy et Mujos Mulamba en1966, Vévé de Verckys Kiamuangana en 1969, Mi Amor de Lutumba en1971, Lovy du Zaïre de Vicky Longomba en 1972, Somo-Somo avec Youlou et Gizenga en 1976, Trio Mamaki avec Youlou Mabiala, Mayaula et Kiambukuta en1977, Tiers Monde Coopération avec Mangwana, Empompo et Ndombe en 1983 et Bana OK avec Lutumba, Josky Kiambukuta et Pépé Ndombe en 1994.
″Liyolo salela Luambo monument″
Matonge est la cité d’ambiance où tous les orchestres kinois se sont produits. A la disparition du Grand-Maître, le poète Lutumba a écrit une chanson dans laquelle il a demandé à Liyolo d’ériger une statue pour Luambo. Ce vœu s’est réalisé lors du 26e anniversaire de sa disparition en 2015. Œuvre de Maître Alfred Liyolo, c’est une sculpture en bronze qui mesure 2,97 m et qui pèse 400 kg. On y voit Demi Amor tenant sa guitare. Ce chef d’œuvre est juste érigé sur la Place des artistes à côté du memoriam des musiciens. Immortalisé par la ville qui lui a tout donné, Luambo est debout sur son piédestal comme pour défier le temps et pour marquer sa présence désormais éternelle.
Discographie
Combien de chansons Ya Fuala a-t-il laissé à la postérité ? De sa première composition ( Lilima dis chérie wa ngai) avec le groupe Watam en 1953 jusqu’à l’album les Rumeurs (Baiser de Judas) / Laissez-nous tranquilles sorti en 1989 avec le TP OK Jazz, Luambo, auteur-compositeur prolifique a écrit plusieurs chansons. Des thèmes sont aussi multiples que variés : la vie sociale (Tosambi bapesi yo raison na quartier), les problèmes dans les couples (Matata ya mwasi na mobali esilaka te), la rivalité (Bokola bana ya mbanda na yo malamu, Baninga tokola balingaka ngai te), conscience nationale (Congo mibale), les problèmes de la femme (la vie des hommes), le racisme anti noir (pouvoir noir), l’amour (Ilouse, Mario, La vérité de Franco), la publicité ( Azda, Pas un pas sans bata, Club de Sept, 5 ans ya Fabrice), l’homme dans tous ses états (Mobali aboyi na ye kaka, Mario, Réponse de Mario, Ba beaux-frères, Yaya Simon, Très impoli), La sorcellerie (Kimpa kisangamani), les hommes politiques (Bokasa na Mobutu, Kingotolo mbuta ngani mbote, Ngai kaka Bomboko), la violence faite aux femmes (Loboko), le malheur (Kinsiona), la disparition des amis ( Liwa ya Lionge Arsène, Liwa ya Eméry), le football (FC 105 du Gabon), le nouvel an (Bamasta bonane), la tromperie dans l’amour (Farceur, Assitou, Zenaba, Makambo ezali minene). Accoutumé à sa grande gueule, les mélomanes ont savouré sa musique et ont goûté ses colères, ses joies, ses tristesses que les vibrations de sa guitare ont accompagnées. Luambo a puisé son inspiration dans la vie de tous les jours et dans le vécu de ses compatriotes. Chanteur populaire, il a été le plus grand peintre de la société congolaise. Les chansons de Luambo sont d’habitude longues avec parfois des titres kilométriques.
Samuel Malonga
FRANCO : LES SOUVENIRS D’UNE GÉNÉRATION
Hier, j’ai mis plus de quatre heures pour auditionner la compilation que Samuel Malonga a réalisée à l’occasion du 30ème anniversaire de la mort de Luambo Franco.
En réécoutant ces œuvres, j’ai vu défiler toute ma vie. De l’enfance à l’âge adulte. En fait j’ai grandi, étudié et travaillé au rythme des œuvres de l’OK-Jazz. Une des rares formations à avoir évolué sans interruption de 1957 à 1989.
Ainsi, avec l’accord de Samuel Malonga, l’auteur de ce magnifique hommage à Franco, j’ai voulu ajouter une petite compilation à celle qu’il a merveilleusement diffusée, dans la mesure où chacun de nous est marquée différemment par la discographie de l’OK-Jazz.
Rapidement, j’ai sélectionné quelques chansons de Franco et l’OK-Jazz ayant marqué ma vie. En me souvenant de Franco, je me suis aussi souvenu de toutes les voix et de tous les grands compositeurs qui l’avaient entouré durant sa carrière entre autres : Dewayon, Rossignol, Edo, De la Lune, Vicky, Kwamy, Mujos, Michaux Boyibanda, Youlou, Simaro, Sam Mangwana, etc, etc.
Durée de la compilation: 1.28.33
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