Le dernier voyage de mfumu Kimbangu
Le dernier voyage de mfumu Kimbangu
Après les événements du 4 janvier 1959, les choses commencent à bouger au Congo belge. La reconnaissance de l’Église kimbanguiste le 4 décembre est l’une des mesures d’apaisement prises par les autorités coloniales. Aussitôt, son éminence Joseph Diangienda en accord avec ses frères et les notables de l’Église manifestent la volonté de faire la translation du corps du prophète à Nkamba.
En mars 1960, soit trois mois seulement avant l’indépendance, les dirigeants de l’Église kimbanguiste à peine sortie de la clandestinité et en accord avec les autorités politiques congolaises et belges fixent la date de l’exhumation du corps du prophète Kimbangu pour son transfèrement dans son village natal. Tel a été le désir ardent du défunt de voir son corps rejoindre le sol de ses ancêtres. Le dernier voyage du retour des cendres du prophète suivra le chemin inverse prit par ce dernier lors de son transfert à Élisabethville.
Le mercredi 9 mars 1960, Son éminence Joseph Diangienda fils cadet du prophète et chef spirituel de son église à la tête d’une délégation de dix personnalités kimbanguistes se rend à Élisabethville. Le groupe quitte Léopoldville et atteint la capitale du cuivre le jeudi 17 mars. Dès leur arrivée, la délégation improvise un passage à la prison de Kasombo pour visiter la cellule où mfumu Kimbangu a vécu reclus pendant 30 ans. C’est aussi dans cette pièce exiguë qu’il rendit l’âme le 12 octobre 1951. A ce propos, voici ce qu’écrivit un journal belge de l’époque :
L’exhumation a lieu une semaine plus tard soit le 24 mars. Pour récupérer le corps, il faut casser à coup de burin et de pelle la pierre tombale. Le cercueil est retiré de la terre. Lorsqu’il est ouvert, on remarque que le corps est intact. Il a échappé à la corrosion et les années sur terre n’ont pas altéré son état. Une plaque commémorative est placée à l’endroit où neuf ans durant reposait le corps du prophète. La dépouille quitte Elisabethville par train pour Port-Francqui (Ilebo). De là, elle est ensuite placée dans un bateau jusqu’au port publique de Léopoldville. Le lieu est symbolique car c’est là qu’en 1921 sous bonne escorte que Kimbangu a pris son bateau pour Élisabethville. Arrivée à Kinshasa le dimanche 2 avril, une foule nombreuse formée des kimbanguistes et de sympathisants assistent à l’événement. Sont aussi présents les autorités politiques belges, dont Henri Cornelis le gouverneur de la colonie et congolaises, les membres de l’Abako dont Joseph Kasa-Vubu sans oublier Cléophas Kamitatu, président du gouvernement de la province de Léopoldville.
Après les chants, la prière d’une de ses collaboratrices et le mot de son fils aîné Charles Kisolokele, le cercueil est placé dans un véhicule aménagé. Il prend aussitôt la direction de Matadi Mayo car c’est dans ce site que doit se passer la veillée mortuaire de Simon Kimbangu. L’emplacement n’est pas un fait du hasard. Il aurait été, selon les kimbanguistes, choisi par le prophète lui-même de son vivant. Il s’isolait souvent dans cet endroit pendant ses visites pastorales à la communauté de cette bourgade proche de la capitale. Le secret du choix du lieu est pendant longtemps jalousement gardé par son éminence Joseph Diangienda qui fut seul dans la confidence.
A Matadi-Mayo, les fidèles kimbanguistes saluent à genoux l’arrivée de la dépouille mortelle de Simon Kimbangu. Le cercueil est posé sur un catafalque devant lequel est planté une grande croix. Plusieurs personnalités ont rehaussé de leur présence ces funérailles en rendent à Kimbangu les honneurs dus à son rang. Joseph Kasa-Vubu, président de l’Abako y prononce même un discours de circonstance. Le recueillement des adeptes réunis se fait dans une très grande ferveur. Le lendemain 3 avril, le cortège funèbre quitte Matadi-Mayo pour Nkamba Nouvelle Jérusalem. Le corps y est placé dans un mausolée en pierre au-dessus duquel trône une croix. Les kimbanguistes appellent ce lieu Kinlongo c’est-à-dire le saint des saints.
Depuis, la bâtisse où repose Simon Kimbangu est pris d’assaut par les pèlerins qui veulent s’y recueillir et toucher enfin le sarcophage qui renferme le cercueil du prophète. Du 12 avril au 9 mai 1960, quelque 130.000 kimbanguistes ont visité le mausolée.
Village perdu dans la brousse congolaise, l’Église kimbanguiste lui a donné une dimension citadine. C’est dans cet ordre d’idée que les kimbanguistes ont demandé en 2011 aux autorités politiques congolaises de reconnaître Nkamba Nouvelle Jérusalem comme étant une ville sainte.
Samuel Malonga
Bonus: http://www.rfi.fr/emission/20110917-ville-sainte-afrique-nkamba