Mariage de cœur ou de raison ?
Le nouveau président de RDC, Félix Tshisekedi, a été investi au terme d’une longue polémique. Bien qu’ayant un goût aigre, l’alternance tant attendue a eu lieu sans effusion de sang. Les Congolais après avoir décrié tous les maux de la kabilie ont applaudi. Joseph Kabila qui a tué sans état d’âme, qui a rwandisé l’est du Congo, qui sans vergogne a puisé dans les caisses de l’État, qui a bradé les richesses nationales et qui a clochardisé les Congolais est même qualifié de père de la démocratie. Étonnant ! Etienne Tshisekedi wa Mulumba a dû se retourner dans sa morgue bruxelloise. Ce qui a été impossible hier est devenu réalité par la magie de la realpolitik. Beaucoup pensent que le nouveau président a très vite troqué sa veste de yebeliste pour celui de wumeliste. Ses détracteurs ont-ils raison ? On se demande bien si l’UDPS avec le FCC à ses côtés se conformera à son idéal proclamé qui est celui de la démocratie et du progrès social dans un état de droit.
Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo dans ses nouvelles fonctions de chef d’État et de commandant suprême de l’armée n’a laissé personne indifférent. D’autant plus qu’il se forge une nouvelle image, celle de l’homme sur qui repose pour les cinq prochaines années la destinée de la RDC. Mais le pays a-t-il pour autant tourné la page Kabila ? Peut-on réellement composer avec cet homme considéré comme le mal absolu qui ne respecte ni sa parole ni sa signature ? Devrait-on vraiment cohabiter avec le diable ou coaliser avec un dictateur sanguinaire aux seuls fins d’arriver au pouvoir? Le rusé Kabila a-t-il réellement changé ? Ou comme un caméléon s’est-il seulement accommodé de la situation actuelle pour sortir plus tard les griffes le moment venu ?
Joseph Kabila est un joueur rusé. S’il est hors jeu, il est par contre dans le match politique qui se poursuit encore dans le cercle du pouvoir en RDC. On se demande si ce n’est pas lui qui va continuer à tirer les ficelles en se considérant comme incontournable. Il est l’autorité morale du FCC, cette mosaïque des partis visibles et invisibles et de surcroit sénateur à vie. Dans la chambre haute où il a la chance de devenir président vu le nombre de sièges occupés par ses partisans, il risque de revenir vite aux affaires.
Il y a des raisons de s’interroger sur le mariage contre-nature entre CACH et le FCC. Au regard de la configuration politique issue des élections, l’Assemblée nationale et le Sénat sont largement dominés par la kabilie. Cela veut dire que le premier ministre sortirait de cette majorité avec les pleins pouvoirs. S’en suivra une cohabitation difficile pour le président s’il s’en tient au programme de sa plate-forme. Saura-t-il dissoudre le parlement tout en convoquant les élections anticipées dans 90 jours en espérant avoir sa propre majorité? Le Congo ne veut surtout pas d’un Bizimungu à sa tête mais plutôt d’un président qui sera en mesure de dékabiliser la politique congolaise, de démocratiser les medias officiels, de conscientiser la police, de dire le droit, de canaliser les énergies, de restaurer la moralité, de rendre justice et de dérwandiser l’armée. La garde présidentielle composée essentiellement des tristement célèbres bana mura, trempée dans des tueries et des massacres de tout genre et qui avait été l’image de la répression du régime Kabila doit être dissoute.
Conscient de ce que l’on attend de lui, Félix Tshisekedi doit se mettre au travail et ne pas verser dans la caricature. Les Pères de l’indépendance (Kasa-Vubu, Lumumba, Tshombe, Kalonji) ne se sont accordés aucun pseudo. Poussés par la folie du pouvoir personnel, leurs successeurs ont porté des titres ronflants (guide, mzee, raïs) qui n’avaient rien avoir avec leur vision politique. Au contraire, ces noms d’emprunt censés les porter dans les nues ont dénaturé et la fonction présidentielle et leur personnage. Fatshi ferait donc mieux de ne pas s’aventurer sur ce terrain sinueux et de garder le patronyme que lui a donné son illustre géniteur.
Samuel Malonga